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Billet de blog 5 juillet 2015

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Les hôpitaux de banlieue, et les 160 mères sans domicile au sortir de la maternité à Saint-Denis

Merci pour le reportage paru hier, excellent et bienvenu, sur la situation de l'hopital Delafontaine à Saint-Denis. On y apprend que, bien loin d'accorder des moyens supplémentaires à ceux qui en ont le plus besoin, l'Etat pénalise l'hopital qui soigne les plus pauvres: budget diminué pour l'hopital de saint-Denis contre une augmentation moyenne de 2% pour l'ensemble des hôpitaux.

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Merci pour le reportage paru hier, excellent et bienvenu, sur la situation de l'hopital Delafontaine à Saint-Denis. On y apprend que, bien loin d'accorder des moyens supplémentaires à ceux qui en ont le plus besoin, l'Etat pénalise l'hopital qui soigne les plus pauvres: budget diminué pour l'hopital de saint-Denis contre une augmentation moyenne de 2% pour l'ensemble des hôpitaux.

Aussi est-il grand temps de se débarrasser du "comme si", de l'hypocrisie qui règne dans les débats sur la gestion des hopitaux et de la santé en général, un "comme si" qui bride jusques aux meilleurs défenseurs de l'hopital public. "Comme si" il s'agissait  entre eux (les gestionnaires, les "audit sur audit" qu'on nous inflige) et nous (les soignants, les défenseurs de l'hopital public) d'un débat possiblement rationnel, avec arguments possibles et chiffres à l'appui, sur la manière la plus économique et la plus rationnelle de gérer le système de santé "pour tous" qui fut depuis des décennies la marque du système de santé en France, que nous enviaient tout le monde sur terre. Si tel était le cas, il nous serait aisé de montrer que supprimer les dispensaires et le système de soins et de prévention de base d'un côté, demander de l'autre aux hopitaux de "faire de l'argent", c'est-à-dire développer les activités et les interventions coûteuses (payées par la sécurité sociale ) est totalement irrationnel; qu'une bonne consultation anti-tabac, un bon suivi des diabétiques, l'accès facile à la mammographie et au suivi gynécologique etc etc.... -actes qui comme tels ne rapportent pas et donc n'intéressent plus les gestionnaires des hôpitaux-  permet d'éviter justement bien des interventions coûteuses (dialyses conséquence d'insuffisance rénale, cardiologie interventionnelle, etc..), pour le plus grand bien du patient et des finances de la collectivité aussi (soit de la sécurité sociale); et que ce que l'Etat demande aux hopitaux (laisser tomber ce qui ne rapporte pas, prévention éducation thérapeutique et consultations de base, au profit des activités qui rapportent, tend justement à la ruine de la sécurité sociale, en sus de celle de la santé des gens.

Mais nous ne sommes pas dans le cadre d'un tel débat. Ce que demandent les gestionnaires et l'Etat est parfaitement rationnel, eu égard à un  autre objectif, leur objectif, à savoir privatiser d'un côté (être en état de céder au privé, qu'on nous demande de copier et de concurrencer, des hopitaux "rentables", et de l'autre, -c'en est le corollaire obligatoire- exclure du système de soins les plus pauvres et même les "inutiles socialement". Comme l'avait dit à notre stupéfaction il y a déjà quelques années, devant une assemblée de soignants, un directeur: "nous sommes en retard sur l'Angleterre et les Etats-Unis" (-sic!). La direction était bien indiquée.

Alors pourquoi ne pas le dire comme c'est, au lieu de faire semblant de s'inscrire dans un débat possiblement rationnel autour d'un objectif commun? Alors que c'est leur faiblesse à eux de ne pouvoir vraiment afficher leur objectif. Et notre force potentielle de le dire et de le démontrer. Il n'y a pas une rationalité commune, mais deux désirs, deux volontés contradictoires, et il nous incombe de le montrer et de porter avec tous ceux, où qu'il soient , qui pensent de même, la volonté et le désir des soins et du système de santé pour tous.

Ceci à échelon du débat d'ensemble. Il y a un autre échelon. Jusqu'où est-il permis de reculer? Où placer l'ultime barrière morale? Y-a-t-il ou non un lieu et un principe du non négociable et non acceptable? 160 mères, nous dit le reportage, sont sorties de la maternité de Saint-Denis sans un toit sur leur tête, sans lieu ou habiter avec leur nouveau-né. Je poserai que là est franchie cette barrière. Ou pour le dire positivement. Nous ne pouvons accepter qu'une mère soit mise hors de la maternité avec son nouveau-né sans un lieu pour s'y rendre, sans un toit pour s'y abriter. Ceci au nom d'un sentiment moral antique (peut-être déjà en vigueur chez les éléphants?). Si tel est le cas, il nous incombe, soignants ou non-soignants, d'affirmer ce principe et d'agir en conséquence;

J'écrivis à ce sujet il y a deux ans - barrière morale et décision individuelle, à partir de ma propre expérience hiospitalière, un article (inédit) appelé "commutation",que je transcris sur un blog bis à titre de contribution sur cette question.

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