Donc s'essayer au blog, espace possible laissé au dire, minimiser si possible son aspect profondément irresponsable, profiter du caractère semi-profane semi-dilettante qu'il autorise, pour prendre le risque d'une erreur -merci à qui la corrigera, ainsi l'espace aura été ouvert, de quoi? de la dissection du discours de propagande sur la santé et les médicaments, surtout en temps d'épidémie, surtout quand c'est l'Afrique, où tous les coups semblent permis. Où le dit se tresse surtout de ses non-dits, où les experts aiment à jouer les couvertures: nous nous demandons, de quelle solidarité s'agit-il, que protègent-ils avec tant de naturel et d'ardeur?
Une petite traque, donc, de petits coups de sonde sur le net, à propos du discours Ebola.
Toujours plus de vérité et de franchise en Amérique. Mon ancien ami et camarade du temps du Sida, Paul Farmer, le dit bien, commençons par ne pas laisser tomber l'idée de soigner les malades, c'est bien le moins qu'on puisse attendre de médecins. Une fois la maladie déclarée, tout dépend de la capacité à pallier aux dégâts jusqu'à ce que le processus s'enraye, donc il faut pouvoir perfuser pour hydrater assez pour pallier au choc et ses effets potentiellement irréversibles - en gros, remplacer à temps ce qui part, éviter les complications dues aux surinfections, apporter les facteurs de coagulation consommés etc.. Bref, quelques moyens réanimatoires non spécifiques tels que, ici, où nous en disposons, la mortalité devrait être plutôt de 10% que de 50%: ici, "là-bas" aussi, à condition de disposer de ces moyens.
Quid des traitements spécifiques? Un, deux, trois antiviraux en cours d'évaluation, les chinois déclarent en avoir un aussi. Deux candidats vaccins -préventifs donc- utilisables à assez courte échéance. Et le fameux Zemapp, qui est autre chose, une association de quelques anticorps spécifiques, autrement dit, l'équivalent d'un serum. Là l'expert patenté prend le ton sentencieux dont il croit qu'il convient à "la science" et dit: nous ne savons pas, il faut d'abord faire des essais en "double aveugle"! Pasteur n'a pas raisonné ainsi quand il a injecté son serum -c'était la même chose- au gamin mordu par le chien enragé, et il aurait sûrement été grandement surpris d'un tel discours. Pour dire çà, c'est sûr, pas besoin de science, pas besoin de pensée non plus. Quel que soit le sujet et l'urgence, faisons un essai en double aveugle et on verra. C'est une spécialité française. Ailleurs, d'autres se sont précipités sur le Zemapp pour les malades, tout en remarquant que son efficacité serait d'autant plus grande qu'on l'utiliserait tôt -avant que le processus morbide suive son cours autonome-, si possible dès la première heure après l'apparition du premier symptôme: c'est le principe même du serum, apporter une défense antivirale,immédiate mais provisoire, avant que la maladie ne se soit déclarée, en attendant que le vaccin, quand on en disposera, assure une protection durable (mais efficace seulement après au moins 15 jours).
On se dit alors, c'est cela qu'il nous faut en urgence non? Pour les soignants africains mal protégés en contact avec les malades, pour les familles et les proches des malades avant qu'ils ne tombent malades eux-mêmes , avant qu'ils ne propagent l'infection. Pourquoi n'est-ce pas dit, pourquoi n'en parle-ton pas? Bon, le Zemapp appartient à une firme, petite -dite start-up-, la production est difficile complexe et coûteuse et d'ailleurs la firme n'en a plus aucune dose. Pour le patient libérien traité -et mort- aux Etats-Unis, la fameuse NIH américaine précise qu'elle a juste mis en contact l'organisation humanitaire dont dépendait le patient, et la firme, s'en s'en mêler plus avant. Alors on s'en tient là? Sur ce les Etats-Unis annoncent qu'il vont envoyer quelques milliers de soldats au Liberia. Pour quoi faire? Ils seront quel genre d'anticorps? Sans doute vont-ils devoir encercler les quartiers mis en quarantaine où la révolte gronde en même temps que le désespoir. Cà urge, ce n'est pas tellement la crainte de l'arrivée de la maladie aux USA ou en Europe -cà c'est l'aspect très médiatique, la partie émergée de l'iceberg- c'est que avec tout çà, les équipes occidentales opérant en Afrique sont parties ou vont partir, et quid de nos exploitations là-bas? Déjà on apprend qu'il y aurait quelques malades au Nigeria dans un région à pétrole où opèrent Shell et d'autres. D'où l'émoi. Mais alors, le respect intangible dûe à la propriété de la firme est un dogme si puissant que les Etats-Unis vont risquer leurs soldats mais sans rien faire de plus? Non, rassurons-nous. Hier un communiqué annonce que l'administration américaine vient de demander à trois autres firmes un rapport à lui remettre d'ici novembre pour la fabrication en accéléré et en quantité du Zemapp. "Pas encore de réaction de la firme Mapp Biopharmaceutical", précise le journal financier suisse.
Une affaire à suivre de près donc.