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Billet de blog 5 mai 2017

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MAIS LAISSEZ-NOUS PENSER ET DÉCIDER EN SILENCE

J'étais fière le dimanche 23 avril au soir que Jean-Luc Mélenchon fasse la déclaration qu'il a faite, que cette consultation soit décidée, comme il s'y était engagé lorsqu'il a proposé sa candidature. Évidemment je comprends que tout le monde soit surpris qu'un homme politique tienne ses engagements, ce n'est plus vraiment habituel, faut-il le souligner?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'étais fière le dimanche 23 avril au soir que Jean-Luc Mélenchon fasse la déclaration qu'il a faite, que cette consultation soit décidée, comme il s'y était engagé lorsqu'il a proposé sa candidature. Évidemment je comprends que tout le monde soit surpris qu'un homme politique tienne ses engagements, ce n'est plus vraiment habituel, faut-il le souligner?

Depuis ce 23 avril cependant nous avons tout entendu.

Nous finirions par radoter tant le concert actuel, rageur, pourrait nous plonger dans une stupeur quasi cataleptique, risquant, au réveil, de maintenir notre esprit en pleine confusion. Heureusement nous avons les neurones aiguisés par quinze mois d'une campagne exemplaire, pilotée par notre porte paroles et candidat, ceci aux dires de plusieurs commentateurs pour beaucoup impartiaux. Aussi, en même temps comme dirait l'autre,  notre pensée a-t-elle été constamment en alerte grâce aux innombrables gloses et médisances que les médias qui appartiennent toutes à la finance, et Mediapart qui n'appartient pourtant qu'à ses lecteurs, que des membres, et non des moindres,  des partis de gauche, notamment du parti socialiste, mais aussi certains membres du NPA, du PCF ou des verts n'ont pas manqué de nous assener tout au long de ces journées harassantes mais dynamiques, prometteuses et joyeuses. 

 Chacun a eu l'occasion de constater comment la pression a été mise sur Raquel Garrido ou Alexis Corbière, sur les antennes et sur Jean-Luc Mélenchon, sur TF1 le dimanche 30 avril, qui devait absolument dire pour qui il allait voter! Il a déclaré clairement que pas une voix ne devait aller au Front national et que lui-même ferait son devoir. Ceux qui ne comprennent pas cette position sont soit très obtus, c'est pardonnable, soit très malhonnêtes, et nous nous en souviendrons. Il y a comme une indécence à exiger ainsi que chacun dise pour qui il va voter. Pourquoi ne va-t-on pas voter à main levée dorénavant, pendant que nous sommes dans cette incohérence complètement anti constitutionnelle.

Dans la Constitution de 1958 révisée plusieurs fois, à l'alinéa 3 de  l'article 3, Titre 1 il est stipulé "Le suffrage peut être direct ou indirecte dans les conditions prévus par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. "  Le secret du vote est d'ailleurs garanti par le code électoral, alors que veut dire ce déballage sur un dévoilement obligatoire de nos intentions?

Hier au soir, alors que nous étions réunis et en train d'accueillir de nouveaux Insoumis (car plein de gens ne cessent de nous rejoindre encore depuis le premier tour), ceux-ci nous faisaient part d'un certain désarroi face aux discussions rugueuses, vives, voire accusatrices, dans lesquelles ils et elles sont confronté-e-s, dans leur famille, avec leurs ami-e-s,  à cause de l'absence de consigne de Jean-Luc Mélenchon.  Je me vantais imprudemment, d'une sorte de statu quo que nous observions avec certain-e-s de mes ami-e-s avec qui nous ne partageons pas les mêmes aspirations à changer de société, ce qui nous conduit à défendre des options divergentes, et des lignes politiques, qui pour être proches, buttent sur plusieurs points de nos programmes. Je disais donc comment nous respections un temps de silence, sans nous être concerté-e-s, ce que j'interprétais comme un souci commun de ne pas mettre en danger notre amitié.

Ce matin je déchantais en recevant ce mail d'une de mes très chères amies, de très longue date, puisque nous nous connaissons depuis plus de 45 ans! J'ai donc choisi de répondre par la voie de ce blog pour dépersonnaliser les commentaires qu'il m'inspire, d'autant que ce mail correspond à un discours répandu largement. 

" Mais je suis et reste scandalisée par toutes ces " pudeurs de gazelle" qui restent dans l'ambiguïté pour le bulletin de dimanche prochain !!!Un peu de courage face à la brutalité d'en face qui a montré son vrai visage mercredi, celui de la haine ! Qu'est-ce que c'est que cette formule:  "on ne va pas choisir entre la peste et le choléra" ?....Pour moi, tant que les votes blancs ne seront pas comptabilisés ne pas choisir est , justement, choisir la peste et le choléra !...Quand je pense au vote resté dans toutes les mémoires et de quelle façon JLM fustigeait et vilipendait tous ceux qui hésitaient à mettre un vote clair contre JMLP ... Il n'a qu'à dire clairement : vous tous qui ne voulez pas de Marine le Pen, restez chez vous dimanche, n'allez surtout pas voter !!! No commment ! "

 Comment Jean-Luc Mélenchon pourrait-il dire aux militants et à ses électeurs "votez pour Emmanuel Macron" dont le "projet" est la quintessence de tout ce contre quoi nous avons décidé de nous battre, alors que nous avons vigoureusement protesté, une partie de l'année 2016 contre la loi El Khomri, par exemple, alors que Macron amplifiera, en pire, tout ce que les gouvernements précédents, depuis une trentaine d'années, ont amorcé, et en particulier le dernier qu'il a considérablement contribué à inspirer, sur le plan de la régression sociale et de toutes les conditions d'existence du plus grand nombre d'entre nous, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la culture, de l'environnement, de la soumission aux traités européens et à l'OTAN. Cela aurait été un élément extrêmement perturbateur qui risquait, peut être,  de faire éclater notre mouvement, c'est sans aucun doute ce que beaucoup souhaite, d'ailleurs. Cela aurait absolument troublé les nombreux électeurs. Le courage est dans ce choix de nous laisser le choix et non dans celui de se plier, confortablement au plan intellectuel, à cette vague délétère, faussement républicaine et irrespirable.

Pour nous, les Insoumis actifs, il était ultra important que Jean-Luc Mélenchon soit respectueux des militants qui le soutiennent activement, qui se sont impliqués dans cette campagne et qui forment la France insoumise, un mouvement et non un parti. C'est une différence très importante. Nous ne sommes pas des groupies, malgré ce que beaucoup ont voulu laissé entendre au fil des pages et JLM n'est pas notre gourou. Les 7 millions de nos électeurs ne sont pas des imbéciles et la très grande majorité d'entre eux a fait un choix raisonné, réfléchi en votant pour la France insoumise, le programme "l'Avenir en commun" et la société qu'il proposait d'adopter, meilleure pour tout le monde, pour le bien commun et pour notre planète

Nous avons eu la semaine dernière, je l'ai déjà écrit dans un commentaire, le mardi, une réunion avec des représentants de tous les groupes d'appui du 12ème arrondissement de Paris et nous nous sommes exprimés sur cette question, après avoir bien défini et admis entre nous que tous les avis étaient respectables. Nous étions très nombreux, je n'ai pas compté mais au moins 80 ce soir là.

Nous avons été bienveillants les uns envers les autres et nous nous sommes écoutés, nous avons entendu les arguments, tous les arguments avec respect car ils étaient tous respectables, y compris ceux relatifs à ce fameux vote de 2002, qui m'est personnellement resté en travers de la gorge, ainsi que pour nombre de mes contemporains. Que JLM ait participé aux injonctions à l'époque est évident puisque tout ce que le PS contenait de Responsables, comme dans les autres partis de gauche, étaient à l'unisson sur ce sujet, je m'en souviens très bien. Pour en revenir à notre présent, et à notre unité que je voulais souligner, malgré nos différences d'appréciation, et aux arguments développés, nous nous sommes gardés de les discuter, de les noter, de les admettre ou de les refuser car il nous a semblé important que chacun puisse prendre, ou ait déjà pris sa décision, en pleine liberté et conscience, ou bien tarde encore à la prendre et se donne jusqu'au rideau de l'isoloir, une fois refermé, pour accomplir le geste définitif.

Absolument rien n'a fusé, aucun argument ne s'est manifesté en faveur de Le Pen bien au contraire. Personne non plus n'a adhéré au "projet", comme il le dit lui-même, de Macron,  et pour lequel il a le culot d'exiger l'adhésion. L'émission du mercredi 3 mai a permis s'il en était besoin de dévoiler la véritable nature du Front national et de sa candidate. Le processus de dé-diabolisation est donc totalement tombé à l'eau et, seuls, les fidèles de ce discours xénophobe, malheureusement partagés par quelques millions de personnes, dont les intégristes religieux de toutes confessions se font les apôtres voteront pour Le Pen. Il y aura aussi quelques abusés par son discours d'apparence en faveur d'une politique sociale, qu'elle se gardera bien d'appliquer, mais à laquelle veulent croire les désespérés du système qui a placé Marine Le Pen si haut dans l'opinion. 

Notre intention n'était pas de faire un sondage, non plus de tenter d'influencer qui que ce soit dans notre groupe ni de sortir de cette réunion avec l'intention d'arriver à un consensus, trop vilain mot en l'occurrence et encore moins avec l'idée de parvenir à dégager une consigne de vote.

Nous sommes politiquement assez matures pour admettre que la décision n'est pas facile, nous savions que nous allions en prendre plein la figure de nous démarquer, une fois de plus, en refusant justement les consignes alors que tous les appareils, dès dimanche soir, ont prodigué leur sermon à leurs électeurs.

Il y a donc eu cette consultation des Insoumis mais aucune consigne n'est apparue pour autant, ce n'était pas le sujet. C'est très bien que le résultat en soit donné publiquement :  nous savons, nos électeurs savent, la rue sait, les médias savent, et les deux candidats aussi. Il suffit.

Ce résultat le voici pour un peu plus de la moitié des Insoumis inscrits sur la plateforme avant le 23 avril à 22 heures qui concerne donc  les intentions de 240 000 personnes :

- 36,12% pour un vote blanc ou nul,  

- 34,83 % pour un vote favorable à Emmanuel Macron, 

- 29,05 % pour l'abstention 

Ce résultat ne reflète pas nécessairement celui des 7 millions d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon, qui sont libres bien évidemment de faire comme ils l'entendent, comme nous mêmes.

Enfin, je ne vois pas en quoi la position de Mélenchon pourrait être assimilée à cette sorte de conseil abscons, décrit plus haut, pour qui ne voudrait pas de Marine Le Pen serait invité à rester chez soi!

Nous pouvons légitimement nous demander si cette musique malveillante et polyphonique diffusée par les dignes représentants du système n'aurait pas pour but de détourner  les électeurs d'un vote insoumis pour les prochaines législatives, afin qu'il n'y ait pas de majorité d'opposition cohérente pour contrer le plus possible les manoeuvres destructrices inhérentes au projet Macron.

Mais laissez-nous penser et nous déterminer en silence.

Claire Delaroche

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