Aux Ceméa cette aide a porté, et porte toujours, sur la qualité des vacances collectives d’ados. Petits effectifs, autogestion, découvertes, aventures, mixité, solidarités… Avant-hier, dans les années 1950, avec les approches du scoutisme laïc dont nous sommes en partie nés. Hier, durant les années 1980, avec le combat pour que les séjours collectifs d’ados profitent de réglementations aidantes et facilitatrices. Aujourd’hui, pour que les vacances d’ados ne deviennent pas la copie conforme, voire la caricature de vacances d’adultes stéréotypées, consommatoires et socialement discriminantes.
L’adolescence c’est aussi l’âge des risques nécessaires. Nécessaires pour se tester, s’affirmer, s’expérimenter, montrer que l’on a grandi… Pour nous, pédagogues, cela a été dès les années 1950 jusqu’à aujourd’hui l’utilisation des activités de pleine nature (randonnée, escalade, alpinisme, spéléo, eau vive, skis…) en suivant et en accompagnant l’évolution des techniques et des engins ainsi que l’adaptation des milieux et des terrains de jeu. Et en travaillant depuis les années 1980 avec la FSGT, l’UCPA, l’Ecole Nationale de Voile, l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme, sur les pédagogies du ski, de la voile, de l’escalade… Nous disons clairement « risques nécessaires » en nous situant en accompagnateurs, en régulateurs, et non dans une impossible position interdictive. Donc en nous posant la question de la compréhension des situations vécues. A quoi servent les risques que prennent les adolescents du point de vue de l’anthropologue, du psychologue ? Dans cette démarche compréhensive nous n’avons pas été que des accompagnateurs, nous sommes aussi depuis les années 1990 avec d’autres , David Le Breton en anthropologie, Serge Lesourd en psychologie, Patrick Alecian en pédopsychiatrie, des chercheurs en action.
Adolescence et cultures, adolescence et loisirs. Rock alternatif des années 1980, puis rap, puis techno à fabriquer soi-même.. Nous étions avec les ados et les jeunes dans les salles, les studios, les festivals, les technivals… C’est aussi écrans, grands et petits ; et théâtre… Et tout ce qui roule, de préférence avec un moteur : cyclos et motos, karts bricolés… Autant d’attentions, d’accompagnements, d’expérimentations avec des acteurs de terrain : festivals d’Avignon et de Bourges, Fédération des motards en colère…
L’adolescence du point de vue des Ceméa c’est aussi la formation des professionnels et des intervenants : depuis les années 1960 des formations BAFA et BAFD « colorés » ados, dans les années 1990 avec un diplôme d’université « Santé des adolescents et des jeunes » conduit avec l’université Paris-Descartes, actuellement avec un diplôme d’université « Adolescents et société » avec les universités de Créteil et de Caen. Et des publications thématiques, des colloques professionnels et des rencontres pédagogiques nationales à Bourges, Aurillac…
Porter attention à l’adolescence c’est aussi être là quand elle se passe mal. Dans les années 1960 par la création, avec d’autres, de l’éducation spécialisée. Depuis les années 1970 avec la pédopsychiatrie, et Tony Lainé. Depuis les années 1980 avec l’expérimentation de dispositifs d’aide à l’insertion. Depuis le début des années 1990 avec les premières expérimentations nationales d’accueils et d’accompagnements de « jeunes en errance », puis avec l’aide à l’ouverture d’espaces d’accueil pour mineurs en crise et fugueurs.
Enfin, porter attention à l’adolescence c’est veiller à la place faite aux ados dans l’espace public, place à la fois matérielle et institutionnelle. Entre les squares pour les petits et les boulodromes pour les séniors, quelle place pour les ados dans la ville ? En dehors des regroupements sous l’abribus, quelle place pour les ados à la campagne ? Ceci nous a conduit vers les pratiques sportives juvéniles développées en espace ouvert, vers les sports de quartiers. Ceci nous a conduit, et nous motive toujours, vers la défense d’un statut particulier pour le bénévolat des ces centaines de milliers d’adolescents, de tout jeunes en devenir d’adultes, responsables bénévoles d’enfants accueillis dans les temps de loisirs et de vacances. Et quelle place pour la parole adolescente collective dans les loisirs, à l’école, dans la vie de la cité, une place qui ne soit pas un strapontin, un gadget, une caricature de démocratie bricolée, un outil pédagogique, mais une vraie reconnaissance sociale ici et maintenant ? Ce chantier là est toujours ouvert, et nous en sommes. Evidemment.
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