Lisse
Notre souverain Tintin
oh comme il est lisse
pire qu’une hélice
il nous chante de jolis poèmes en verlan goureux
il nous saoule de compliments alimentaires
nous suggère de nous taire
quand il pense
pour nous !
La bonne affaire
nous dépensons pour lui
toute notre jeunesse
notre beauté
notre joie
notre sueur
notre santé
nos yeux crevés et nos mains ouvertes
et nos insultes les plus salées
Le rusé a mangé sa mère
cloné sa grand-mère
épousée sa milice
Ah comme il est lisse
mais voilà qu’il glisse
sur son bureau à roulettes
quand le diable vient chercher sa dette
Ah Monsieur le Roitelet !
il vous faut redescendre n’est-ce pas
votre office est fini
vous avez fait tout le mal que vous pouviez
c’est parfait
et à vous tout autant
c’était tentant !
Il vous faut redescendre mais oui
la cendre est encore chaude
Sortez Monsieur le Diable !
Ou j’appelle la police !
Oh c’est déjà fait mon pauvre ami !
ce matin même
ils m’ont tout dit
Pourquoi donc m’avez-vous obéis ?
Ce n’était qu’un jeu
un jeu maudit pour de rire
un jeu mortel pour de vrai
un jeu morveux mais oui
Allez allez venez je vous embraque
je fuis !
Ici plus personne de croit en moi
pas même en Dieu
Allez venez donc
Vous êtes déjà vieux !
Vie
La poésie ne me satisfait pas
Non la poésie ne me satisfait papa
et le reste c'est tout comme
tout le reste est bien pire que la poésie
tout le reste se fout absolument que la poésie soit insatisfaisante
et si souvent inconsistante
et alors infamante pour la parole affamée des hommes
et des p'tis enfants
et de leurs grandissimes mamans
et de leurs nounours de la SPA
et de leurs papis et mamies du PS ou de PSA
Tout le reste se fout d'être un boulet imbécile oui
et travailleur à n'en plus finir
et travailleur à mourir de rire
et fasciné par les matchs de première division
tout le reste se fout absolument de la poésie
et surtout de tout le reste
mettons-nous ça dans la fête
la poésie n'est pas un rêve saoul qui plane sur le monde
la poésie est dramatiquement le seul état
avec l'amour
l'intelligence
et le service des urgences
imprésarios et géniteurs uniques de la poésie
qui donnerait au reste
une chance
une petite chance
de rester en vie
Tôle
C'est tout le peuple qu'est en tôle
écoutez les voix derrière les murs
écoutez le silence dans les rangs
malgré les futurs sinistres de l’intérieur
et leurs quartiers de haute civilité
malgré le parrain de la haute
et sa miséricorde à nœuds
écoutez les paroles
écoutez les accents
malgré les croix
les faucilles
les marteaux
c'est comme que je vous l'dis
c'est tout le peuple qu'est en tôle
et dedans et dehors
et devant et derrière
et dans les usines à fric
et dans les camps de la mort
et jusqu'au ciel étoilé
et là-bas tout au cœur de l'Afrique
et là-haut tout au bout du Pôle Nord
c'est tout le peuple qu'est en tôle
le mords bien au fond de la gueule
la gueule bien au bord d'la mort
Quatre saisons
Filles des rues
hommes-sandwich
enfants voraces
Voleurs de pommes
dame de charité
officier de police
Homme de lois
homme de paille
chat qui pêche
Groom de palace
marchand de glace
marchand de sommeil
Chansons des rues
clameurs de joie
fraises des bois
Tout au bout de la rue là-bas
la rue sans gazon
la rue sans remords
la rue de la prison
dite de la Santé !
Tout au long du caniveau d'or
ruisselle le sirop de la rue
le poison des maisons
le feu des quatre saisons
la ligne d'horizon
Ⓒ Poèmes pour le chat et la souris