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Billet de blog 2 mai 2024

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Le parquet national anti-criminalité : nouveau gadget ou outil de lutte contre la criminalité organisée ?

L’annonce par le Garde des Sceaux de la création d’un parquet national anti-criminalité organisée est une bonne nouvelle sous réserve de relever un double défi. Son éventuelle réussite imposera de revenir sur la réforme de la police judiciaire qui a opéré une départementalisation de la police, réforme inutile et contestée s’il en est, et qui avait réussi à dresser contre elle la totalité du monde judiciaire.

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L’annonce par le Garde des Sceaux de la création d’un parquet national anti-criminalité organisée est une bonne nouvelle sous réserve de relever un double défi.

Tout d’abord, celui d’articuler le nouveau parquet avec l’ensemble des acteurs de la lutte contre la criminalité organisée pour ne pas essuyer l’attaque en règle qu’avait connu en son temps l’annonce mal comprise parce que mal expliquée de la création du parquet national financier qui a fait ses preuves et que nul depuis, ne songe à remettre en question, pas même le Garde des Sceaux.

Ensuite, celui de refonder la politique criminelle nationale de lutte contre la criminalité organisée en adéquation avec la stratégie européenne qui devra être revisitée à lumière du dernier rapport d’EUROPOL[1] qui affirme que la criminalité organisée est aujourd’hui une menace majeure pour la sécurité intérieure de tous les pays de l’UE.

EUROPOL a identifié 821 réseaux criminels en capacité de menacer la sécurité intérieure de l’UE. 71 % d’entre eux ont recours à la corruption, dont 28 % de manière proactive et systématique. Ils sont agiles, sans frontières, dominants et destructeurs.

Par leur capacité d’infiltration du tissu économique et social, ces réseaux mettent en danger la démocratie. Lorsqu’ils utilisent la corruption pour développer et protéger leurs activités criminelles, ils minent la capacité de nos institutions à répondre aux défis gigantesques de notre époque, qu’il s’agisse du maintien de la paix, de la transition écologique, de la sécurité ou encore de la lutte contre les inégalités sociales.

Dans ce contexte, il est indispensable que l’UE prenne des décisions stratégiques fortes et oriente l’action des services répressifs vers les acteurs criminels les plus menaçants actifs dans l’UE et d’ores et déjà identifiés.  Telle devra être la priorité de la prochaine commission européenne et du nouveau Parlement.

Dans cette architecture européenne qui reste à construire, le parquet national anti-criminalité organisée français sera appelé à devenir un rouage essentiel.

Mais si, comme cela est affiché, l’objectif est d’apporter un coup d’arrêt à l’expansion des réseaux criminels dont la France est l’un des terrains d’action et pas des moindres notamment pour le trafic de cocaïne et de cannabis, l'extorsion et le racket, ainsi que la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, l’approche financière des enquêtes doit être systématisée et mise en œuvre de manière proactive.

L’analyse financière criminelle qui permet de traiter un très grand nombre de données et les investigations financières permettent en effet de circonscrire les réseaux, d’identifier des membres que l’enquête classique ne permet pas de révéler.

Dans cette perspective, le savoir-faire du PNF est déterminant. Mais la réussite du parquet anti-criminalité organisée imposera de revenir sur la réforme de la police judiciaire de la police nationale qui a opéré une départementalisation de la police, réforme inutile et contestée s’il en est, et qui avait réussi à dresser contre elle la totalité du monde judiciaire.

L'association nationale de la police judiciaire qui s'est créée en réaction contre le projet de réforme, la Conférence nationale des procureurs généraux, les magistrats des JIRS, le syndicat de la magistrature, l'Union syndicale des magistrats, le Conseil national des barreaux, tous avaient demandé en vain au gouvernement d'y renoncer parce qu’elle revenait à priver l’État des moyens de lutter efficacement contre la criminalité organisée et les procédés utilisés pour prospérer, particulièrement la corruption, le blanchiment, les fraudes fiscales complexes.

Si le parquet national anti-criminalité organisée n’est pas un simple effet d’annonce, on ne fera pas l’économie d’un rétropédalage indispensable et souhaitable.  

Chantal CUTAJAR, Directrice du CEIFAC, Directrice du GRASCO -Université de Strasbourg

[1] Décoder les réseaux criminels les plus menaçants de l'UE https://www.europol.europa.eu/publication-events/main-reports/decoding-eus-most-threatening-criminal-networks Ils réunissent 25 000 membres. 280 réseaux sont actifs depuis plus de 10 ans. 86 % sont capables d’infiltrer le monde des affaires légales pour dissimuler leurs activités et blanchir les profits criminels. 68 % sont composés de membres de plusieurs nationalités et 32 % sont composés de membres originaires d’un seul pays. 112 nationalités sont représentées dans 821 réseaux. 76 % sont présents ou actifs dans deux à 7 pays. 

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