Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a invalidé l’article de la loi Duplomb qui autorisait, par décret, la réintroduction des néonicotinoïdes. Nous saluons cette censure : elle renforce la portée juridique de la Charte de l’environnement, réaffirme le principe de précaution, et protège — sur ce point précis — le vivant.
Mais à trop se réjouir de cette décision partielle, on en oublierait l’essentiel : la loi Duplomb a été largement validée, dans ce qu’elle a de plus dangereux pour la santé publique, la démocratie environnementale, et l’avenir du modèle agricole français.
Le Conseil constitutionnel n’a pas été le rempart qu’il aurait pu être. Et c’est pourquoi nous devons tirer la sonnette d’alarme.
Une régression légalisée, en plusieurs actes
Derrière une apparente simplification administrative, c’est un affaiblissement général du droit de l’environnement qui se met en place :
La fin de l’indépendance du conseil phytosanitaire : les vendeurs de pesticides pourront désormais aussi prodiguer les conseils d’usage. Un conflit d’intérêts structurel, validé.
La suppression du conseil stratégique obligatoire : on retire aux agriculteurs les moyens d’être accompagnés dans la réduction des intrants, au moment même où l’on exige qu’ils fassent leur transition.
La disparition d’informations essentielles lors de la vente de produits phytosanitaires : la dose et la cible ne seront plus systématiquement mentionnées. Une prise de risque sanitaire inacceptable, rendue invisible par le flou.
Le passage au régime d’enregistrement de certains élevages intensifs, moins encadrés, moins transparents, et où la participation du public devient résiduelle.
Les méga-bassines désormais présumées d’intérêt général, sans qu’il ne soit nécessaire d’en démontrer la nécessité ni la proportionnalité, sauf à contester devant les tribunaux.
Ce n’est pas un recul ponctuel. C’est une architecture nouvelle du renoncement.
Au nom des agriculteurs… contre leurs intérêts
Le discours gouvernemental justifie ces mesures au nom de la défense du monde agricole. Pourtant, la principale revendication des agriculteurs n’est pas d’être « déchargés de contraintes » : c’est de pouvoir vivre de leur travail.
Ni la loi, ni le Conseil, ni les arbitrages politiques actuels ne répondent à cette exigence. Les syndicats agricoles eux-mêmes, y compris ceux souvent silencieux sur les sujets environnementaux, ont porté haut et fort le sujet du revenu, de la reconnaissance et de la souveraineté économique.
Nous refusons cette écologie de la résignation, cette pseudo-simplification qui alimente en réalité une agriculture à deux vitesses : une agriculture de marché mondialisée et dopée aux intrants, et une agriculture de proximité condamnée à l’asphyxie réglementaire.
Pour une République du vivant
Le Conseil constitutionnel n’a pas été à la hauteur de l’enjeu. En censurant une mesure spectaculaire mais isolée, il laisse passer un ensemble de dispositions qui affaiblissent, morceau par morceau, la capacité de notre démocratie à défendre le vivant.
Le vivant n’est toujours pas nommé dans la Constitution. Il n’est toujours pas protégé en tant que tel. Il est temps d’en faire un principe supérieur, à la hauteur des défis du siècle.
CAP 21 – Le Rassemblement Citoyen appelle :
- à un réexamen des mesures validées dans la loi Duplomb, par une nouvelle majorité respectueuse de la santé et du droit à un environnement sain,
- à une concertation nationale sur l’avenir du modèle agricole français, en lien avec les territoires,
- à l’inscription dans la Constitution d’un droit du vivant, garantissant la protection de la biodiversité, de la santé publique et de la justice entre générations.
Le recul est silencieux. La réponse ne peut plus l’être.