Adoptée à l’Assemblée nationale au terme d’un parcours parlementaire entaché de détournements procéduraux, la loi Duplomb est désormais entre les mains du Conseil constitutionnel. Mais c’est aussi devant l’opinion publique qu’elle est massivement rejetée, avec plus d’un million de citoyens mobilisés. Face à ce désaveu inédit, le Président de la République ne peut se contenter d’une promulgation automatique : il doit activer l’article 10 de la Constitution et rouvrir un véritable débat parlementaire. Le respect des formes ne saurait masquer une fracture démocratique.
Une loi légalement votée, mais démocratiquement discréditée
Peut-on encore parler d’un débat parlementaire quand :
- le texte est porté non par le gouvernement mais sous la forme d’une proposition de loi, précisément pour éviter l’obligation d’étude d’impact, les avis du Conseil d’État et toute consultation citoyenne, pourtant exigée par l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
- plus de 3 500 amendements sont balayés par l’adoption d’une motion de rejet préalable, déposée de manière inédite… par le rapporteur du texte lui-même, Julien Dive, dans le seul but d’éviter le débat en séance ;
- le texte est renvoyé directement en commission mixte paritaire, sans discussion contradictoire, dans une procédure qualifiée de "49.3 déguisé" ?
Ce que nous avons vu, ce n’est pas un processus démocratique, mais un verrouillage parlementaire organisé.
Une mobilisation citoyenne historique
En réponse, la société civile s’est levée : plus d’un million de citoyennes et citoyens ont signé une pétition officielle contre cette loi. Ce niveau de mobilisation est sans précédent sous la Cinquième République. Ce rejet n’est ni partisan ni irrationnel : il exprime une défiance profonde à l’égard d’une législation perçue comme attentatoire à la santé, à l’environnement, à la démocratie.
Une issue institutionnelle est possible : l’article 10 de la Constitution
Face à cette situation, le Président de la République dispose d’un outil constitutionnel : l’article 10, qui lui permet de demander une nouvelle délibération parlementaire avant promulgation.
Ce pouvoir n’est pas une option cosmétique. C’est un levier de régulation démocratique, un geste politique de réparation, une manière d’honorer le dialogue entre légalité et légitimité.
Ne pas se retrancher derrière le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est saisi. Sa décision est attendue. Mais le Conseil ne dira pas si la loi a été adoptée de façon loyalement démocratique. Il ne dira pas si elle est socialement soutenable, politiquement légitime, ou écologiquement responsable.
C’est au Président que revient cette responsabilité. Et elle est politique, pas juridique.
Une seconde délibération réelle, pas un simulacre
CAP 21 appelle Emmanuel Macron à activer l’article 10 et à organiser une nouvelle délibération fondée sur quatre piliers :
- Une consultation publique nationale, prévue par la Charte de l’environnement ;
- Des auditions ouvertes d’agriculteurs, ONG, scientifiques, collectivités territoriales ;
- Un moratoire sur les textes d’application, le temps du débat ;
- Une nouvelle lecture transparente, débarrassée des procédés d’obstruction et des motions “tactiques”.
La République ne peut pas ignorer la voix d’un million de citoyens
Cette loi a été juridiquement adoptée, mais politiquement désavouée.
Elle a été formellement validée, mais fondamentalement contestée.
Elle peut encore être réparée par un geste d’autorité démocratique.
Monsieur le Président, l’histoire retiendra le choix que vous ferez.
Renoncer à agir, dans un tel contexte, ce serait choisir d’ignorer la voix du peuple. Et nul ne gouverne longtemps contre elle.