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Billet de blog 30 juillet 2025

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Face à Washington, l’Europe capitule. Et la France se tait

L’accord commercial signé fin juillet entre l’Union européenne et les États-Unis n’est pas une victoire. C’est une reddition. Conclu dans la précipitation, sous pression politique, il engage l’Europe sur la voie de la dépendance stratégique et énergétique, sans contreparties dignes de ce nom. La France, qui aurait pu tracer une autre voie, est restée silencieuse au moment décisif.

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Un accord pour éviter une guerre ! C’est ainsi que la Commission européenne présente le cadre commercial négocié avec les États-Unis et annoncé à grand renfort de communication fin juillet. En vérité, ce texte n’est pas un traité de paix économique : c’est un acte de soumission.

À première vue, il s’agit d’un compromis « pragmatique » : plafonnement des droits de douane américains à 15 %, promesse européenne d’importer massivement de l’énergie américaine, investissements industriels sur le sol américain, statu quo sur l’acier et l’aluminium… Rien qui ne ressemble à un partenariat équilibré, mais tout pour satisfaire les exigences de Washington, et tout particulièrement de l’administration Trump, en campagne pour sa réélection.

Le cœur du problème n’est pas que l’Europe ait cherché à désamorcer la crise commerciale. Le problème, c’est qu’elle l’ait fait au prix de ses intérêts stratégiques fondamentaux, sans débat démocratique, et en laissant croire qu’il s’agissait d’un accord de réciprocité.

Les secteurs automobiles, pharmaceutiques, agricoles – piliers économiques pour plusieurs États membres – sont exposés à une instabilité tarifaire permanente. La dépendance énergétique à l’égard des États-Unis s’accroît massivement, alors que l’UE prétend vouloir accélérer sa transition vers les énergies renouvelables. Les normes sociales et environnementales, conquises de haute lutte, sont marginalisées dans la logique purement marchande qui a prévalu.

En réalité, cet accord ne se contente pas de brader des intérêts commerciaux. Il engage l’Europe dans une trajectoire de vassalisation stratégique, où les décisions économiques deviennent les prolongements des rapports de force géopolitiques. En acceptant sans condition les exigences de Washington, l’Union européenne consacre une perte de souveraineté silencieuse : sur ses filières industrielles, son autonomie énergétique, et demain peut-être, sur ses choix de défense. Ce n’est pas une coopération. C’est une dépendance organisée.

Et la France ? Elle s’est contentée d’un soupir après la défaite. Le Premier ministre a dénoncé un « jour sombre pour l’Europe ». Mais où était la France quand le mandat de négociation a été fixé ? Où était-elle quand la Commission a engagé des pourparlers sans consulter les parlements nationaux ni le Parlement européen ? Où était-elle quand il aurait fallu construire une coalition de refus, exiger des contreparties climatiques, ou activer le mécanisme anti-coercition européen face aux pressions américaines ?

La vérité est que la France n’a pas voulu mener cette bataille. Elle a préféré le confort du silence au risque du leadership. Elle a laissé faire, puis critiqué. Ce double langage nuit à sa crédibilité. Et plus encore, il nuit à l’idée d’une Europe souveraine, fidèle à ses valeurs, capable de penser sa place dans le monde autrement qu’en cédant à l’ordre impérial des grandes puissances.

Nous ne pouvons pas nous contenter d’être la variable d’ajustement d’une relation transatlantique à sens unique. L’Europe doit cesser d’agir par réflexe défensif. Elle doit affirmer une vision : celle d’une puissance démocratique, écologique, industrielle, respectueuse de ses citoyens et de ses partenaires – mais capable de dire non, quand c’est non.

La France a raté ce rendez-vous. Elle peut encore se ressaisir. Cela suppose d’exiger la transparence sur l’accord, de mobiliser les forces parlementaires, de saisir la Cour de justice de l’Union si des compétences nationales ont été outrepassées, et surtout, de poser un cap politique clair pour l’Europe : celui de l’autonomie stratégique solidaire, fondée sur la justice sociale, le respect du vivant et la démocratie.

Où sont les partis politiques, les responsables publics, les candidats autoproclamés à l’Europe de demain ? Ce silence collectif est une forme de renoncement. La souveraineté, la transition écologique, le respect du vivant ne sont pas négociables — ou alors il faut le dire. À CAP 21, nous avons choisi de les défendre, contre la tentation de l’abandon.

Ce combat, nous le mènerons — mais il ne pourra être gagné qu’à une condition : que les citoyennes et les citoyens s’en emparent. Parce que c’est aussi leur Europe qui est en jeu.

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