1. "Être de gauche c'est d'abord penser le monde" Deleuze
Qui donc a fait croire à la gauche française installée à Paris que le sort du monde dépendait de Matignon? A moins que, la gauche nouvelle ou nouvelle gauche, incarnée par les types aussi amicales qu'Aymeric Caron, Ruffin, Obono, Jadot, Rousseau, Roussel, ait pour seul horizon la bonne et vielle France ou la chère Union européenne.
Comment en est-on arrivé là? Qui a pu vendre à la France entière que l'avenir, à défaut de se jouer à l'Elysée, peut être strictement ramenée à Matignon? Une sacrée grosse tête de gauche qui a baptisé sa stricte affaire en Union populaire écologique et sociale, embarquant avec lui non pas le peuple, les prolétaires, mais un parterre d'hommes et de femmes qui écument désormais les plateaux télés et radios pour nous vendre leur came: l'union électoraliste .Tel est son vrai nom.
Suffit-il de proclamer Que l'Union populaire écologique et sociale soit ! Pour que l'Union fut ? Ni scientifique, ni utopique, la gauche française verse désormais dans le théologique, mais une théologie sans évangile ou une évangile à faible portée.
Se refusant à tout examen du réel, à toute réelle assemblée populaire, à toute réelle politique, du moins celle nécéssaire à un basculement radical, elle se complait dans son jeu électoral, son cirque parlementaire, son gentil rôle d'humaniste qui ne se limite plus qu'à un anti-lepenisme primaire, répétitif, bébête et un réconfort téméraire de quelques identités, qui se présentent elles-mêmes comme des programmes politiques : les pauvres musulmans d'un côté, et les français racisés venant d'Afrique de l'autre.
Il s'agit alors pour la gauche nouvelle d'incorporer ces "identités malheureuses" devenus des identitaires enflammés, de leur faire une place au soleil, ou plutôt une place dans les décombres de la gauche. Anti-raciste, pro musulman, voici les dérisoires et maigres valeurs de la gauche télévangélique d'obédience France.
2. Gauche victimaire et national-opportuniste
Anti-raciste? Cela n'a de sens que si l'on reconnaît préalablement au racisme un sens, une valeur. Quel est le sens du racisme : existence et la hiérarchie des races. Cependant, ceci est un non sens, un trafic. Il a été prouvé que ça n'a aucune valeur. Il n'y a pas de races. Mieux, on sait aujourd'hui qu'il n'y a pas de discipline qui serait réservée à une "race", en raison de ses compétences naturelles. Que les sociétés continuent d'enfermer certaines catégories à certaines tâches ne nous doivent guère nous emmener à "reconnaitre" la valeur du mot "racisme, et à nous situer contre ça. Si l'on souhaite combattre, de manière résolue, la propension éternelle des sociétés à classer, exploiter, mépriser, tuer certaines catégorie en raison de leur appartenance, nul besoin d'être anti-ce-qui n'a-pas de valeur (raciste). Le racisme, par ailleurs, n'est pas une opinion. C'est un crime. On ne saurait anti-racisme comme on est anti-parlementarisme.
A quand d'ailleurs, pourrait-on s'amuser, l'apparition des femmes qui prendraient le soin de se définir comme anti-viol? Et des enfants qui, à défaut de choisir leur sexe, prendraient le soin de se définir comme anti-pédophiles? Que chacun se détermine, négativement. Qu'on soit anti-Macron, anti-Russe, anti-constitutionnel, anti-guerre,anti-machin je veux bien...Mais, anti-raciste, qui plus est lorsqu'on est de gauche, c'est le signe d'une décomposition qui ne peut plus être utilement recomposée!
Si l'antiracisme s'est installé comme une valeur, un mot d'ordre incontournable pour la nouvelle gauche, ce n'est pas parce que notre monde est plus raciste qu'hier ou porté vers plus d'égalité. C'est l'absence d'une conviction égalitaire et universaliste qui engendre l'antiracisme. Non comme solution (politique) définitive au racisme, aux discriminations, mais comme symptôme d'un monde occidental fragmenté, individualisé. Les anti-racistes sont trop occidentales pour être capable d'une émancipation à échelle du monde. Ceci n'est pas une phrase de poète.
Or, il se trouve que la gauche française s'avère de plus en plus inapte à construire et à prôner une société authentiquement égalitaire et universaliste. Elle bricole alors ce qu'elle appelle Union populaire et convie les électeurs à la porter au firmament de Bourbon.
D'ailleurs, on n'entend pas beaucoup cette gauche anti-raciste sur l'actualité au Mali. Pas plus qu'on ne l'a entendu en Centrafrique. Or, la situation au Mali est tout de même assez préoccupante. Voilà une population totalement derrière son gouvernement (certes putshiste, mais qui sommes nous pour écrire l'histoire du Mali à la place des maliens? ) que l'Etat français se plait à traiter avec mépris et arrogance.
Il est vrai, le souverain Mélenchon s'était fait entendre à l'Assemblée nationale, en faisant son fier, son chauvin, contre les autorités maliennes, d'un ton ridiculement brave et défensif, il a surtout montré qu'il demeurait un homme du vieux monde. Incapable d'entendre les sons qui viennent d'Afrique, incapable de nouer avec elle des rapports sans fards, de justice et d'égalité. La République, c'est lui. Le colonialisme new look, ca restera aussi lui. Faites attention au Républicain proclamé!
Et les racisé.e.s de France, que disent-ils ? Rien. Est-ce que les racisé.e.s se lient avec les masses africaines ? Le peuple malien ne recherche t-il pas désespérément les intellectuels continent pour donner un souffle supplémentaire, une direction, à son mouvement, à sa marche, à sa colère? Au lieu de ça, on lui préfère l'anti-poutinisme. On préfèrent compris à gauche, agiter les sanctions contre Poutine que s'occuper du cas Malien. Tout ce qui compte pour eux, les racisé.e.s, les antiracistes (qui n'ont pas toujours tort) c'est la place qu'ils occupent ou qu'ils n'occupent pas.
Pro musulman? Que la gauche nouvelle se déclare pro musulman (cf Pour les musulmans: Précédé de "Lettre à la France", janvier 2015, Edwy Plenel) pour des besoins électoraux ou d'audimat. Les musulmans sont vus et perçus comme une entité propre, comme une cible de marché, à qui il faut s'adresser en respectant quelques règles du marketing.
C'est parce qu'il y a un manque de conviction solide et réelle en une société égalitaire et universaliste, que les bonnes âmes de gauche sont obligées de voler comme ça, au secours des opprimés, les opprimés musulmans. Ils n'ont que ça, leur bonne conscience! Il faut l'entretenir.
Autrefois, dans sa Critique de la philosophie du droit de Hegel, Marx soutenait que la religion c'est l'opium du peuple. Autrement dit, qu'elle ne servait pas les intérêts des dominés. Aujourd'hui, la bonne gauche, inondée de bienveillance, clairsemé d'identitarismes, s'est approprié la formule du Père Plenel, apôtre du syncrétisme et du prosélytisme, qui a même dû fraterniser avec l'ex bon frère musulman, frère Tariq Ramadan, porté hélas disparu : Pour les musulmans.
Pour les musulmans, ce n'est pas pour l'égalité. Pour l'égalité, ça ne peut pas être pour les musulmans. Les religions, ont le sait, sont pour le coup anti-égalitaires. Elles ont une responsabilité évidente et première dans l'état inégalitaire et discriminatoire de notre monde. Pour les musulmans, alors que la vie de ceux ci en France n'est nullement comprise, et tant mieux, est symptomatique de ce qu'est devenu la gauche. Qu'un intellectuel de gauche proclame "pour les musulmans", alors que dans certains pays musulmans, où règne la loi islamique, où l'islam est monopolistique, et qu'il est impossible d'exister, de vivre dignement en tant que non musulman, étranger, est une folie. Dans une perspective égalitariste et universaliste, il n'y a pas de pour les musulmans qui tiennent, encore moins de pour les juifs ou pour les catholiques....Ce point est hélas partagé par le bon apôtre saint Paul qui dit: Il n'y a plus ni Juif ni non-Juif, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ. Barrons Jésus-Christ, au risque de choquer, et amendons la formule paulienne : car vous formez tous une humanité...Voilà le langage de l'universel. Or monsieur Plenel, en intellectuel de la gauche nouvelle, s'illustre parfaitement comme un type parfaitement mal à l'aise avec la vraie égalité, le vrai universalisme...Car, si Plenel tient à exprimer un Pour quelque chose, en homme de gauche, il y a les travailleurs sans papiers. Pour les travailleurs sans-papiers, Pour nos frères prolétaires que Mediapart continue d' appeler "migrants"....La position ici est tout autre. Elle est radicalement différente. Elle a même quelque chose de révolutionnaire. Ce que ne contient pas Pour les musulmans.
Le malaise est aussi grand, lorsque dans un débat télévisé, deux types, deux vieux mâles blancs (je suis obligé ici de puiser dans le registre descriptif haut en couleur anti-raciste) se chamailler sur les musulmans. Zemmour vs Melenchon. L'un se donne le beau rôle de défendre la sainte et pure France, l'autre se donne l'autre beau rôle de défendre les chers citoyens musulmans, incapables sans lui, de faire face, de respirer....Et les deux comiques se crient dessus. Très vite, l'un accuse l'autre de racisme et d'islamophobie et l'autre accuse son adversaire d'islamo-gauchisme ...Cependant, il faut bel et bien être dans une position confortable pour accuser son vis à vis de racisme et de rester là sagement assis, en faisant les gros yeux. Oh, ils appellent ça "démocratie". Je ne vois aucun intérêt à ce genre d'échanges. Je ne comprends d'ailleurs pas la motivation pour ces deux têtes de faire semblant d'échanger intellectuellement sur le sujet ou les sujets.
3. A front renversé
Avec un Rassemblement National arrivé au second tour des présidentielles, et donc devant toutes les chapelles situés à gauche, parler d'Union populaire relève d'une prétention , d'un simple élément de langage, ou disons d'une marque tel que les publicitaires peuvent l'entendre.
Une gauche populaire, une gauche d'union populaire serait une gauche de masse. Or, il est évident qu'aujourd'hui masse et gauche sont deux notions antithétiques. Une gauche dans laquelle l'union populaire serait plus qu'un slogan nous projetterait dans un paysage politique avec un Rassemblement National à 7%. Et d'ailleurs, si l'on procède à l'analyse des termes, on pourrait affirmer que l'étiquette UNION POPULAIRE est quasi identique à celle de RASSEMBLEMENT NATIONAL, d'autant plus que les uns et les autres défilent sous le même drapeau, et ont la même antienne : souveraineté. Le National est bel et bien populaire. Il tire son rayonnement de là. Et le Rassemblement est bel et bien union.
Qu'est-ce qui pourrait expliquer la concentration électorale de la gauche française alors que notre monde est en pleine déflagration? La gauche pense t-elle vraiment que ce sont les législatives qui nous tireront d'affaire? Rappelons quand même Que François Hollande a vu naitre de sa majorité quelques frondeurs, aujourd'hui inexistant; que Macron fut détenteur d'une majorité qui n'a servi à rien, si ce n'est à enregistrer les décisions du Conseil de défense en temps de guerre: crise du covid. La nouvelle gauche veut encore nous fabriquer quelle illusion sous la 5e république? Celle d'un premier ministre non seulement élu, mais guidant le Président de la République dans son rôle honorifique.