1. Hypocrisie nationale et fantaisie républicaine.
L'article 4 de la constitution stipule : " Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er dans les conditions déterminées par la loi. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation."
Et qu'est-ce que l'article 1? La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.
L'existence du Rassemblement National suppose, voir indique que ce parti respecte les principes de la démocratie et le principe énoncé au second alinéa de l'article. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'un parti anti-constitutionnel, et donc qui mérite d'être interdit, dissout. Mais, si le RN est bel et bien un parti légal, et donc respectueux de l'ordre constitutionnel, les postures républicaines des autres partis à l'égard de ce parti ne relèvent que de la nationale-hypocrisie ou du terrorisme idéologique.
Au nom de quelle rectitude faut-il faire barrage à un parti politique reconnu par la constitution, siègeant aussi bien à l'Assemblée Nationale qu'au parlement européen ?
Les filles de Poutine sont sanctionnées parce que filles de Poutine, les athlètes russes sont sanctionnés parce que russes, RT et Sputniks interdits parce que d'obédience russe, et en France, impossible de sanctionner, d'interdire un parti politique dit raciste, dangereux pour la République, la Démocratie. Le simulacre des démocraties occidentales a détruit la couche d'ozone. Nous mourrons!
La France, en dépit de ses cérémonies électorales, ses influenceurs et ses sondeurs, ses vagues et intempestifs débats, n'est que simulacre d'elle-même, simulacre démocratique, Mensonge Universel. Et tout barrage contre Le Pen est culte de ce simulacre, auto-mensonge. La République finance le RN, paie grassement ses élus, et l'on veut faire porter la responsabilité d'une éventuelle élection de Le Pen au citoyen qui s'abstiendrait ou qui ne voterait pas comme il faut. Est-ça notre chère liberté que l'on prêche urbi et orbi ?
Si Le RN existe, alors le vote RN est permis et n'a rien de dangereux. A moins que notre République nous expose délibérément au danger, aux idées fascistes, hélas normalisées, décriminalisées.
Ceux et celles qui appellent à voter Macron les yeux fermés; ceux et celles qui appellent à n'accorder aucune voix à Le Pen, bien qu'anti-Poutine dans leurs moeurs, n'ont donc aucun souci avec les scores soviétiques. Sauf lorsque ces scores proviennent d'Afrique. Là, on fait vite d'accuser tel président sortant de dictateur, et les organisations non gouvernementales ne manquent pas à l'appel. Or, disons-le, les appels à voter Macron, à faire barrage au RN peuvent être qualifiés d'appels soviétiques, c'est à dire antidémocratiques. Ceci n'est pas une défense du Rassemblement Nationale, mais une démonstration du néant démocratique qui caractérise désormais notre occident.
2. L'infantilisation grotesque des électeurs
Le vote est aujourd’hui une procédure quasi religieuse ou mystique, rythmant le plan de carrière de certains ambitieux, ou nourrissant le rêve de quelques sentimentaux qui s’arrogent le beau rôle de rétablir la grandeur de leur pays. Pour cela, ces ambitieux et ces sentimentaux n’ont besoin que d’une chose : notre geste dans l’isoloir. Pour le reste, ils sauront quoi faire, comment faire, du moins c’est ce qu’ils disent, c’est ce qu’ils promettent, programmes chiffrés et calculs à l’appui, ça fait bonne presse ! Ça fait débat ! Lequel est devenu la preuve (formelle) démocratique par excellence. Et nous, comme des enfants apeurés ou des gaillards démunis, on se rassure, on s’inquiète, au gré du candidat qui prend la parole. On ne se lasse pas du spectacle. L’échec (prévisible) d’un candidat une fois au pouvoir, son incapacité à appliquer son programme de campagne ne nous éclaire pas plus sur le réel de cette affaire. Or, les faits qui accréditent la thèse de l’inutilité, voire même la dangerosité du vote, sont mathématiquement affolants. Mitterrand avait promis la misère au capitalisme, son résultat fut si brillant que dix sept ans plus tard, François Hollande dut déclarer en toute urgence que son principal ennemi « c’est » la finance. Résultat, à la fin de son quinquennat, c'est la finance-elle même qui fit de François Hollande son ennemi, et le banquier Macron prit le pouvoir et réduit ses opposants en de piètres animateurs de kermesse.
Le réel démocratique occidental, c’est d’abord l’impuissance structurale et évidente des masses se mettant au service des urnes. Ce réel-là est source de désespoir sans fin. Désespoir structurel qui a façonné une espèce de citoyen éternellement insatisfait, désaffecté, barragiste, abstentionniste, passif-indigné, réformiste-inégalitariste. Désespoir structurel, car l’architecture du monde, par conséquent de la France, n’autorise pas de grand espoir, de grand basculement, de grandes avancées définitives pour les masses.
Les différents candidats à la présidentielle n’envisagent leur destin qu’en tant que chef d’Etat. Personne comme animateur d’une association pour enfants autistes, personne pour enseigner dans un lycée paumé de Saint-Denis, personne pour être bénévole. Aucun d’eux ne mettra son expérience, non pas au service du fameux Etat, mais au service de la jeunesse, des handicapés, des sans-papiers, des personnes âgées. Ce genre de missions n’est pas fait pour eux, soyons raisonnables, et un poil moins populistes.
Qui dit simulacre, dit mensonge. Si nous ne vivons plus que sous le règne du simulacre, c'est que nous vivons sous le règne du Grand Mensonge, et non le Grand Remplacement, qui est lui-même un insignifiant mensonge.
3.Pauvre gauche
Jean-Luc Melenchon se rêve d'ores et déjà chef de gouvernement sous ou au-dessus d'Emmanuel Macron, après tout, c'est Jean-Luc. Pour ce destin très personnel, il nous invente un troisième tour d'où il sortirait premier ministre. Melenchon sait transformer (oralement) ses ambitions personnelles, ses rêveries narcissiques en avenir en commun. Sa quête sans fin du pouvoir, sa soif électorale est une caractéristique, non de révolutionnaire pragmatique, mais de politicien. Il réduit le désastre de la situation actuelle à une affaire d'individu: sa personne n'étant pas au sommet de l'Etat, nous voilà condamné au pire. L'Avenir de Melenchon se confondrait un Avenir en commun. Terrifiant !
La "démocratie" (comédie électoral etc) nous démontre chaque jour qu’elle est incapable d’insuffler à la jeunesse une quelconque force intérieure, un goût de la vie qui passe par autre chose que l’amour de soi pour soi, goût de la vie qui emprunte d’autres chemins que le goût de la répétition, de la consommation. Ce que nous appelons "démocratie" a tout donné, elle ne peut ni être utilement reformée ni utilement réhabilitée. Le réel démocratique nous a fourni et continue de nous fournir ce dont il est capable : peur et nihilisme sous le contrôle tutélaire de l’Argent. De la guerre. Il faut donc oublier le mot "Démocratie", sans renoncer à l’idée profonde qui se cache derrière, à savoir que la capacité de s’autogérer appartient aux citoyens, mais en faisant de l’égalité le principe fondamental de l’action et de la pensée politiques. Il faut que la jeunesse conçoive la politique autrement. Elle a autre chose à faire que de servir de bétail électoral ou de réagir à des incongruités du type Macron face à Le Pen. Elle doit innover et parler une autre grammaire politique. Elle doit prendre les problèmes qui traversent notre monde, les disséquer, discuter...Elle doit créer les liens au-delà de ses frontières nationales, et envisager le cadre politique, le cadre des discussions, à cette échelle internationale.
Si tel n'est pas son projet: l'internationalisme ou disons le communisme, pas celui du pauvre Roussel, eh bien, qu'elle se prépare tout sagement à l'inévitable catastrophe de notre humanité malheureuse de ses inégalités monstrueuses.