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Billet de blog 12 octobre 2018

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Pourquoi je ne marcherai pas pour le climat

Le 8 septembre dernier, des milliers de Français étaient déjà descendus dans la rue pour crier la nécessité d’agir pour le climat. Ce samedi, bis repetita, 55 marches sont recensées dans la plupart des grandes villes de France !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A la tribune du festival Climax 2018, début septembre à Bordeaux, l'Astrophysicien Aurélien Barrau a fait mouche. Il a lancé un appel aux responsables politiques afin qu'ils agissent d'urgence en faveur de l'environnement. Les médias se l'arrachent. Et plus il parle, et plus on apprend des choses intéressantes.

- Saviez-vous par exemple que "Au rythme actuel, dans 200 ans, il n'y a plus rien."?

- Saviez- vous qu' " on ne peut pas ne pas considérer, aujourd'hui, cette question comme étant la plus importante de l'histoire de l'humanité"? 

- Saviez- vous qu' "à échelle européenne on  on a perdu 400 millions d'oiseaux. Et à l'échelle d'un pays, par exemple l'Allemagne, on a perdu 80% des insectes"?

Merci à Aurélien Barrau de nous avoir tenu ce discours de vérité. Je n'oublierai jamais son  "Quand ça ne va plus, il faut des lois. Il faut que le politique intervienne pour nous limiter." lancé à la télévision.

La bonne conscience occidentalo-centrée

Je commence à m'inquiéter du bon moral des occidentaux. Dans leur conscience planétaire, je suis frappé par leur crainte, de voir l'humanité connaitre enfin un sort égalitaire: la fin pure et simple de l'extinction humaine, quelque soit le continent. Si dans deux centans, il n'y a plus rien, ça ne change pas grand chose pour ceux qui, hier, aujourd'hui, et demain ne sont rien, car ils n'ont strictement rien. Ce que Frantz Fanon appelaient les Damnés de la terre

Peut-être ne s'agira t-il que d'une revanche surnaturelle. La masse des riens enterrés, ont décidé, par leur nombre de dérégler ce climat, et de tout foutre en l'air. Si tout le monde ne peut jouir, alors que l'humanité crève.

Il y a deux cent ans, nous étions exactement en 1818. Soit au XIXe siècle. Ce fut l’époque de la «  modernité , où le rêve du progrès se mêlait à l’idée de révolution. Révolution industrielle en  Angleterre. Révolution politique en France. Révolution philosophique en Allemagne. Le XIXe siècle pour l'humanité, ce fut aussi le siècle de l'impérialisme, celui du partage du monde. Et cet impérialisme, ce partage du monde marqua à jamais l'existence de certains peuples et leur devenir. Le XIXe siècle fut donc le siècle de cette sauvage répartition inégalitaire du globe. 

Deux cent ans ont coulé depuis le 19e siècle, nous sommes en 2018. Les richesses ont grimpé spectaculairement. L'Occident à un niveau de vie inégalé, grâce aux progrès scientifiques, techniques, mais aussi à l'exploitation inconsidéré des peuples entiers, des territoires reculés, grâce à son arsenal militaire, ils ont sur le monde un discours qui fait FOI et LOI. 

Les yeux du monde sont rivés vers l'Occident. Aujourd'hui, on compte plus de trois milliards de personnes qui ne sont ni salariés, ni propriétaires, ni paysans avec une terre. 730 millions de travailleurs dans le monde survivent avec moins de trois dollars par jour.  Une population qu'on ne retrouve nullement en Occident. Et dans cette marre de précaires et misérables, on a un petit contingent de déplacés, 250 millions. On les appelle ici les Migrants.

Prenons les chiffres à notre disposition. Elles valent ce qu'elles valent, mais surtout elle donne un peu une petite idée de la concentration du capital par un petit club.  1% les plus riches se partagent plus de 50% de la richesse mondiale. Et les 10 % les plus fortunés détiennent collectivement 86 % de la richesse mondiale.  Rien que ça, suffit à décréter que les hommes/femmes ne sont pas tous de la même espèce, le mot humanité est bien trop vague, quand subsiste de disparités aussi phénoménale.  De tels écarts, ils ne sont pas simplement à réduire...il faut les rendre impossible.  Des économistes américains, qui savent frapper les esprits par leur calcul anecdotique, ont dévoilé que, si Bill Gates par exemple, membre des 1%, voulait compter sa fortune, à raison d'un dollar par seconde, jour et nuit sans s'arrêter, il lui faudrait 1 630 ans

Alors, qu'est-ce que cette marche mensuelle pour le climat dans un monde si violent, de part sa surproduction des inégalités?  

D'où vient-il qu'on soit plus inquiété, plus alerte, plus pressé à sauver le climat ici en Europe, à Paris, que les habitants vivant dans les conditions les plus abominables de la terre? Oui, je connais le refrain sur les déplacés climatiques et consort....oui je sais que le climat est un bien commun. Hélas, sans sou, certains ne peuvent ni faire du ski à Lausanne, ni  aller à la plage à Deauville...Sans sou, le changement climatique n'est qu'un mal de plus.  

 Il y a une question centrale qui traverse l'humanité, et qui elle, est fondamentalement politique, c'est la question des inégalités, ou si on veut se placer dans une forme de positivité, la question de l'égalité. On ne peut pas décentrer cette question au profit d'une autre question. L'ordre du jour c'est l'égalité, et elle remonte au néolithique. Je ne parle pas d'égalité des chances. C'est une contradiction dans les termes.  Je parle de ces damnations de naissance, de couleur, de continent....La question climatique date d'hier. Il faut s'en occuper avec toute la raison nécessaire.  

Hélas, la conscience occidentale se rachète une morale en s'inquiétant d'un avenir apocalyptique, d'un point de vue climatique. Nous vivons dans des univers parallèles. Et ça, les prolétaires nomades, minablement appelé les "migrants" l'ont compris. Ils viennent donc dans ce beau monde avancé, où un samedi après midi, on marche pour le Climat. 

L'urgence, c'est peut-être qu'avant les 23e siècle, qu'on fasse rentrer ces milliards d'hommes, de femmes, et d'enfants misérables, dans notre monde privilégié à nous. La justice ne peut pas consister à sauver le climat. La politique ne peut non plus consister à faire de cette question le but de l'existence humaine.

Je trouve inhumain, égoïste cette surcharge émotionnelle à destination du climat quand je vois le niveau des inégalités à échelle mondiale, et ce qu'il entraîne et créé comme subjectivité.

Alors, je n'ignore pas tout ce qui est pollution et consort, je m'informe, je vis fatalement avec mon temps...mais, demain, je ne marcherai pas pour le climat. Parce que le climat, je le sais, n'a pas besoin que l'on marche pour sa personne. Et les capitalistes n'ont pas besoin n'ont plus qu'on leur demande d'innover, d'éviter les pollutions inutiles. J'ai vu par exemple au Salon de l'automobile que Renault est très soucieux du climat. Ce qui doit justifier le très grand salaire de Carlos Ghosn. Bref, il ne souffre pas le climat.....Ce sont les hommes qui souffrent, sans doute du changement climatique, mais plus que tout et avant tout des inégalités, de la concurrence, de la morale du profit sans fin, de la valeur argent.

Que la bonne conscience de gauche, ait saisi cette histoire de climat, de façon radicale, est le signe que le capitalisme passe du rouge au vert.  Je n'irai pas marcher demain. Je ne suis pas un pollueur, je ne serai pas un marcheur de cause. Je veux rester une conscience éclairée à ce sujet climatique, mais je ne veux pas penser par elle et pour elle.

Lorsque Paris voudra chasser Jupiter, là, oui c'est un moment précieux, je pourrais enfin devenir un marcheur. Lorsque Paris marchera pour l'égalité entre travailleurs d'où qu'ils viennent, je pourrais marcher.....Lorsque Paris ne marchera plus simplement pour Paris, là oui il faudra marcher avec Paris.

Macron, sacré champion de la terre, il y a pourtant de quoi prendre ses distances avec ces histoires. Pas un jour ne passe où un artiste, un intellectuelle, un milliardaire, un politique, un vendeur d'arme ne s'épanche sur le climat...n'alerte le monde, mais quel monde, sur la situation du climat.  Je voudrais voir ce beau monde lancer ces alertes pour l'égalité, la justice, la vraie.

 En attendant la marche qui nous conduira à aller chercher Macron à l'Elysée, demain, sur une terrasse, je regarderai la conscience climatique passée en route, et je lui ferai un signe de la main, non pas le signe du doigt qu'on a ait à Macron aux Antilles, je ferai un vrai signe de la main, respectueux mais peiné.

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