Agrandissement : Illustration 1
La France s'américanise. Elle l'aura bien cherché. Et il faudra qu'elle se prépare à ce qui semble se profiler, avec une précision de taille : la République des Identitaires (malheureux, heureux, esclavagisés,voilées, veganisés....) Un ami sur ce sujet, me dit d'ailleurs que je suis très en retard, que la France est déjà celle que je semble entrevoir.
Les mots d'ordre
Ce week-end, une minuscule faction de la communauté noire de Paris a cru utile de manifester dans les belles rues de la capitale contre "l'esclavage"... en Libye (pour les autres zones du monde, faudra encore attendre). Rassemblée devant l'Ambassade de Libye, fière d'elle-même, elle s'est acheminée bravement sur les Champs-Elysées, en faisant un crochet par la splendide tour Eiffel. "Libérez nos frères", "Libérons l'Afrique", "Nous sommes noirs, nous sommes humains !", scandait la foule dérisoirement indignée.
-Libérez nos frères! La fraternité scandée ici, il faut pouvoir l'entendre et le voir, est une fraternité de couleur de peau. Et sur un sujet aussi grave que l'esclavage, on ose choisir, sélectionner parmi les millions d'Opprimés à travers le monde, ceux qui ont la même couleur de peau que nous. Le sort des Bangladais, Népalais, Indonésiens... dans certains pays du golfe persique n’intéresse pas nos frères humains noirs. Et pourquoi? Est-ce justice de réclamer la justice seulement pour soi, et par pour tous? Peut-on limiter des revendications justes et légitimes au seul profit des "siens"?
La vérité de cette injonction, et de cette manifestation, est qu'elle a été plus une manifestation racialiste qu'une manifestation contre l'Esclavage (en Libye). Elle a été une manifestation d'affirmation identitaire plus qu'une dénonciation des injustices, des inégalités du monde tel qu'il est. Dans cette France , très agitée, où il devient trop question d'islamophobie, d'antisémitisme, de laïcisme....les Noirs eux aussi, ont leur bouton, leur stimuli. Il suffit d'appuyer, et vous avez la réaction qu'il convient!
Une amie française d'origine marocaine est allée manifester. Dans la foulée, elle entend: "A bas les arabes!". Elle se retourne, et tente de s'attirer la sympathie de son imprécateur: - "Je suis arabe et je suis là. Je n'ai rien à voir avec ces crimes". L'endiablé rétorque: -"Je m'en fous! Je suis raciste. On vous aime pas, ça sert à rien de marcher avec nous." Certes, ce manifestant n'est guère représentatif de l'ensemble des marcheurs. Aucun raccourci de ma part. Je sais que cette marée noire n'avait strictement rien d'homogène. Aucune idée, aucune idéologie, aucune vision ne sous-tendait leur rassemblement. Ils défendaient un principe sans le défendre puisqu'ils le restreignaient à leur frère de "sang", je veux dire de "peau"....C'était ça, leur point commun, leur communauté. Et ça, voyez vous! ça ne peut être la base d'une manifestation intéressante. Elle m'a mis, comme la manifestation "je suis charlie", à laquelle Dieu merci je n'ai guère participé, fortement mal à l'aise. Ça part toujours d'un bon sentiment : défendre la liberté de caricaturer, et donc d'expression....faire valoir l'humanité des Noirs, etc. Hélas!
-Libérons l'Afrique! De qui? De quoi? Pour quoi? Comment? Depuis Paris? ....Il s'agit là encore d'une (im)posture! Car dans la foule, je n'y étais pas, mais j'ai vu les images, j'ai noté la présence de trois artistes africains, très populaires en Afrique, qui vivent entre leur pays d'origine et la France. Parmi ces trois, deux femmes, deux camerounaises. Donc deux compatriotes! Qui vivent au Cameroun en fermant clairement les yeux sur l'état misérable de certains citoyens, sur l'état catastrophique des prisons qui accueillent bien souvent de braves innocents. Et lorsque, quelques manifestations sont organisées, avec tout l'amateurisme qui sied au contexte, on n'a jamais vu ces belles dames se prononcer. Il y a deux semaines, l'une d'elle était même au Cameroun. On ne l'a pas entendu dire un seul mot sur l'emprisonnement sans raison valable de 50 citoyens, pas un mot sur le climat politique délétère que son pays est entrain de traverser...Et là voici, à Paris qui veut elle aussi, libérer l'Afrique. Ce n'est pas sérieux! Et ce n'est pas leur intention.
-Nous sommes noirs, nous sommes humains ! Ah ça! Oui. Nous sommes effectivement noirs, et nous sommes humains. Et parce que humains, notre fraternité, si elle n'est pas universelle, ne vaut pas grand chose. Prendre le problème de Libye, par le cruel et petit bout problème des noirs, c'est faire le pari de le réaction. Oui réaction.
Au fond, derrière le mot Libye, l'ombre de Sarkozy plane. Et vous savez qui était Khadaffi? Un tardif et très actif panafricaniste bizarrement apprécié dans presque toute l'Afrique. La mort de Kadhafi est restée au travers de la gorge pour nombre d'africanistes et de panafricanistes. Il faut donc aussi voir dans la manifestation d'Hier, une réaction contre le réactionnaire Sarkozy.
Qu'est-ce que la Libye? Qu'est-ce que l'Esclavage?
L'idée d'aller gambader dans le très chic 15e ou 16e arrondissement de Paris devant l'Ambassade de Libye est obscène. C'est faire comme si la Libye actuelle était un Etat "normal" comme l'est la France, la Chine, le Maroc...ou à peu près "normal" comme le Gabon, le Cameroun. La Libye est plus un chaos qu'un Etat. Tout comme une bonne partie des Soudan, une bonne partie du Congo,la Somalie, l'Irak, la Syrie, l'Afghanistan. L'Ambassade la Libye, même en France, n'est donc pas une ambassade normale. La loi qui prévaut en Libye échappe non seulement au gouvernement local en place, mais a fortiori à messieurs les plénipotentiaires.
Il n'y a pas d'esclavage en Libye. Techniquement, le terme est inapproprié. Ça ne veut pas dire que ce qui s'y passe est moins grave.
Ce qui fait l'esclavage ou l'esclave, c'est la loi, un certain droit de propriété (écrite ou non). Le mot esclavage, je ne le retiens que pour des pays où il existe une autorité politique légitimement reconnue, faiseuse d'Ordre, de Loi....et d'Institutions. Or la Libye comme d'autres Etats détruits sont des jungles. S'y déroule là-bas, la vie normale d'une jungle. Insoutenable, n'est-ce pas? Pas seulement pour les Noirs, mais pour tous les jeunes enfants, les femmes, les hommes qui vivent désormais dans ce territoire sous l'autorité de quelques bandes armées. Le mot chaos est assez descriptif et puissant pour désigner ce qui se passe dans certains régions du monde.
Il existe bel et bien un esclavage dans le monde actuel. Mais comme toujours, on regarde ailleurs...L'argent aveugle, et la misère déchaîne quelques tristes passions. Allez donc voir dans certains Etats "stables" du Golfe, le statut de certaines populations étrangères relève, pour le coup, de l'esclavage. Allez voir en Chine. Allez même en Afrique. Allez même aux USA.
Alors ces "Noirs" ne se sentent-ils pas frères des Rohingyas de Birmanie? Des chrétiens d'Orient? de la Syrie? Des affamés soudanais? Des pauvres vénézuéliens? Etc,.
La condition du Noir, je la connais suffisamment, si elle ne s'intègre pas dans une large vision qui la dépasse (différent de nier), ne m’intéresse nullement, elle est vouée aux éternelles répétitions et aux éternelles jérémiades. Idem pour la condition du Musulman, du Juif ou de la Femme, et que sais-je.
Il faut prendre les problèmes avec l'épaisseur et l'exactitude qu'il convient. Le sensationnel , la com',le bruit .....ce n'est pas la lutte ! Pas la politique. Et j'accuse les manifestants d'hier, de desservir grandement la véritable cause des Noirs. Je les accuse de me pourrir l'existence. Je les accuse d'hypocrisie...Car, tout de même, on est en France, et là autour de nous, il y a bel et bien des "frères" qui, sans être en esclavage sont dans une situation de misère presqu'absolue: sans papiers en errance ou détenus dans des centres de rétention, migrants, etc.
Mots de fin
A t-on vu ces manifestants noirs apporter leur vibrant soutien à Cedric Herrou, dans sa lutte solitaire contre les lois scélérates de la République française, pour sauver quelques migrants?
Les manifestants d'hier, adorent la France, le monde comme il l'est...mais ils voudraient juste que cette France, ce monde fasse un peu d'effort de "reconnaissance". Il faut une place pour le "noir" dans ce monde tel qu'il est. Or a t-on seulement compris dans quel monde on vit? Un monde régit par des inégalités structurelles. Pour sortir de ce monde d'inégalités, dénoncer est trop insuffisant....il faut faire une proposition égalitaire mondiale. Il faut politiquement choisir son camp, son orientation, et il y en a deux, pas trois, l'Histoire nus renseigne là dessus: Il y a le capitalisme et il y a le communisme. L'un affirme la primauté du Capital sur la personne. L'Autre affirme la primauté de l'égalité à échelle de l'humanité entière. L'esclavage d'ailleurs, historiquement, n'a été qu'une étape de notre capitalisme moderne. Et s'il subsiste ça et là, c'est qu'un certain capitalisme en a farouchement besoin .