1. L' enseignement
Bienvenue dans la meilleure des France! Avec son désormais gouvernement d'experts, des gens qui savent tout. Ils savent ce qu'il faut, nous faut. Et donc prêt à nous sauver du désastre. Qui n'en rêve pas? Tout homme conséquent. Tout homme libre. Il parait que le gouvernement de Vichy, ce n'était pas des imbéciles, des analphabètes. Loin s'en faut. Ce fut un cénacle d'experts.
S'il est une chose que nous pouvons tirer des gouvernements qui se succèdent, dans cette même ambiance quasi révolutionnaire, est qu'un "bon médecin" ne fait pas forcément un "bon ministre" de la Santé. C'est vrai pour la santé, c'est aussi vrai pour l'économie, ou l'éducation nationale, etc.
Parlant d'éducation nationale, il y a quelques années, Chirac fit ministre un certain philosophe. Lequel se crut bien inspiré, en 2003, de faire une déclaration sur l'avenir de l'école. Or, depuis 2003, l'école française n'a pas arrêté sa progressive mutation. Restons polis!
Aujourd'hui, c'est au tour de l'excellent enseignant que doit être Pap Ndiaye d'être nommé, discrétionnairement, ministre de l'Education Nationale. Formulons à l'impétrant nos voeux de bonheur.
Simplement, au nom de quoi pourrait-on se permettre d'être enthousiaste?
Du côté des racialistes enflammés, on entend: Victoire, Espoir, Gloire, enfin un Noir là... Du côté des racistes masqués, on entend : woke, islamo-gauchisme, Macron m'a tuer, cri de désespoir . Il y a un fort goût de frelaté dans les querelles qui rythment désormais la vie démocratique occidentale.
Comme si racialistes anti-racistes et racistes républicains ignorent que Pap Ndiaye ne vient pas au Ministère avec la somme de ses travaux académiques. Lesquelles d'ailleurs ne portennt pas sur l'école publique ou les inégalités scolaires. L'illustre historien ne vient pas au gouvernement tel un consultant McKinsey prêt à livrer sa vision, son expertise, sa solution finale. Il vient au gouvernement pour accompagner, soutenir, mettre en oeuvre la politique liquidatrice d'Emmanuel Macron. Il vient poursuivre le travail de Blanquer.
Qu'on le déclare "anti Blanquer" est proprement un non sens ou disons insignifiant. Parlant d'éducation, Blanquer en lui-même ne veut rien dire. Il n'était ici qu'un employé de Macron. Pap Ndiaye et Jean Michel Blanquer épousent la même vision macronienne. Leur opposition n'est que stylistique. Polémique. Identitariste. Rien de très sérieux qui menace le projet de Jupiter.
Pour passer de Blanquer à Ndiaye sur une même fonction ministérielle, il faut bien que le ministère en question ne relève plus que du registre de l'animation scolaire des enfants et de la gestion comptable des adultes que sont les braves enseignants. Macron voulait une autre animation dans ce secteur éducation nationale. Rien de mieux que l'auteur de la Condition noire: essai sur une minorité en France pour succéder à l'ancien directeur de l'ESSEC. Macron dans toute sa diversité Koultourelle.
La nomination de Pap Ndiaye relève d'une logique politicienne radicale qui n'a, hélas, rien de nouveau. Cette nomination intervient tel un direct long, ou disons un direct du bras arrière à la face de la France Insoumise. Aveuglant, n'est-ce pas monsieur le futur premier ministre Mélenchon?
2. La condition noire
Pap Ndiaye est-il davantage un intellectuel bourgeois (embourgeoisé) ou le représentant de la soi-disant minorité "noire" en France ? C'est un intellectuel bourgeois. Certes intellectuel, et à ce titre respectable, mais bourgeois tout de même. Qu'est-ce qu'un bourgeois ? C'est "l’homme de l’intérêt particulier en opposition à l’universel" dixit Marx. Pap Ndiaye deux intérêts particuliers :
- l'intérêt racial en tant que une "minorité" en France, non réalité planétaire.
- l'intérêt pour sa carrière : Comment pourrait-il s'interdire ce pour quoi il se bat: l'occupation de bonne place (aussi) par les "noirs". Peu importe les politiques menées pourvu que les noirs occupent aussi les places. Vive Colin Powell! Vive Barack Obama! Vive Rama Yade!
Mais il faudrait, rappeler au nouveau ministre, à ses soutiens, et même à ses ennemis que le juriste Daniel Markovits a noté dans un ouvrage paru en 2019 que "le fossé scolaire entre les étudiants riches et pauvres dépasse aujourd’hui celui qui séparait Blancs et Noirs en 1954". L'inégalité économique, nous dit Markovits, "produit aujourd’hui une inégalité éducative plus grande que ne le fit l’apartheid américain.
Monsieur Ndiaye est assez brillant. Il ne peut ignorer ce qu'incarne Macron, ce que veut Macron. La France de Macron, le monde de Macron. C'est une France, un monde d'aggravation et sacralisation des inégalités économiques.
Oui, la politique de Macron sacralise et accentue les inégalités. Mais le monde a changé. Cette politique n'a aucun souci à intégrer des "noirs" dans son dispositif de domination, d'exploitation, de guerre. En acceptant donc le poste ministériel offert par Macron, le pape des "Black Studies", est dans son droit le plus absolu. Personne ne saurait lui en tenir rigueur. Cependant, on ne saurait nous refuser, à nous autres, le droit de constater que ces études, ces Black Studies, pour innovantes et nouvelles qu'elles soient, sont sans issues...Elles ne permettent pas de nous délivrer du mal capitaliste, qui produit en continue la "race" des sous êtres: les prolétaires (nomades), les exploités, les sans droits, les vaincus...
Le champ intellectuel qu'a investi monsieur Ndiaye n'est porteur d'aucun espoir, d'aucune émancipation réelle. Il n'est d'aucun soutien pour celles et ceux qui veulent un basculement égalitaire radicale. A t-il seulement déjà prétendu à cette émancipation réelle, notre Pap Ndiaye? Ne lui faisons pas de faux procès.
Il a le droit d'être contre l'appel de Karl Marx: ".... ; il s'agit désormais de le transformer". Autrement dit, de transformer le monde. Pap Ndiaye se transforme tout seul. Espérons qu'il nous gratifiera, après son ministère, d'un opus sur la Condition des ministres ou plus intéressant encore la Condition démocratique.
Il n'y a pas que les "noirs" dans ce bas monde, et je soutiendrai même, en tant qu'ancien sans papiers ayant vu de toutes les couleurs, qu'il n'y a pas de "Condition noire" qui tienne. Sauf à s'occidentaliser les nerfs, à s'embourgeoiser l'esprit, à volontairement tout noyer dans les affaires d'identité, à refaire une histoire pourtant déjà pliée.
Certains faux sages, vont nous recommander d'attendre de voir le "camarade" en action avant de critiquer. Nul besoin. Nous savons qui a nommé Ndiaye et quel est son dessein pour la pauvre éducation nationale, déjà bien atteinte.