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Billet de blog 27 mars 2018

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Terrorisme et Média: le jeune Redouane Ladkim et ses victimes séculaires

Les "mêmes" ont cru bon sortir de leur cachette. Situation inespérée, ils reprennent la parole avec une certaine vigueur.Sur BFM,Le Valls a même dit que le véritable sujet en France c'est le salafisme, les cheminots sont priés de faire moins de bruits. Au Figaro,100 intellectuels avaient déjà lancé la campagne:"Non au séparatisme islamiste", et puis ban, l'actualité leur balance le Redouane Ladkim

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un homme politique, fort en tactique, précédemment candidat à l'élection présidentielle, avait tenté, il y a quelques semaines, de théoriser et de promotionner la haine des médias. Grotesque! Quand bien même, les médias nous agaceraient, comme c'est le cas à chaque fois qu'il est question de "terrorisme", il faudrait se garder d'attiser une quelconque haine à l'égard des "médias". C'est tentant, je le reconnais, mais trop facile et peu bénéfique. 

Bien! Maintenant, on peut quand même demander aux journalistes, lesquels ne sont pas encore des robots, c'est à dire, qu'ils ont encore, je l'espère, un peu d'esprit de discernement, un peu de jugeote, un peu de bon sens.  Pourquoi, mesdames, messieurs, dès le lendemain d'une attaque dite terroriste, on voit défiler sur vos plateaux des gens comme Marine Le Pen, Manuel Valls, Dupont-Aignan, Finkielkraut et compagnie?  Pourquoi donc? Pourquoi à la radio, c'est les mêmes refrains? Pourquoi convoquer ces gens là, maintenant?

Ni Valls, Ni Le Pen ou même Wauquiez n'ont prouvé que sur cette question du terrorisme, ils étaient les plus sages, les plus brillants pour nous expliquer les événements qui se déroulent. On connait déjà leur propos par cœur. Certains d'entre eux ont même été au pouvoir. Que s'est-il passé d'extraordinaire? Qu'ont-ils déclaré de splendide? Qu'ont-ils dit qui  nous a transporté collectivement ou qui nous a soudé ?

Le 22 mars dernier, les cheminots étaient en grève. S'est t-on empressé d'aller recueillir les propos fabuleux de Le Pen, Valls, Dupont-Aignan ou Finkielkraut? Alors, d'où vient-il qu'on nous impose des figures qu'on croyait en voie de disparition, à l'occasion d’événements malheureux? Quel est le but des médias en donnant la parole à un certain type de profil?

Il y a dans le traitement de l'information, une disposition des choses, une mise en scène qui relève du spectaculaire. A se demander si on pourrait, à notre époque, dissocier le terrorisme non pas de l'Islam mais du Média. Autrement dit, il n'y a pas de terreur sans diffusion de la terreur. Il n'y a pas de terreur sans le service minimum de ses agents qui sont logés dans différentes strates. 

Le terrorisme, hors terrain de guerre, est presqu'impensable sans média. Ce sont les médias qui donnent au mot terrorisme toutes ses lettres de noblesses. Sans les agents de l'Etat que sont Valls et compagnie, il est possible de vraiment prendre le taureau par les cornes. Or, avec de tels agents, nos malheurs viendront encore buté sur l'ignorance. Et ça, ça fait encore mal. 

Ce qui s'est passé à Trèbes

Ce qui s'est passé à Trèbes est d'une infinie tristesse. 

Un lieutenant-colonel de gendarmerie (45 ans), un boucher (50 ans) , un ancien maçon (65 ans) ainsi qu’un viticulteur retraité (61 ans ), tous tués par Radouane Lakdim, un  criminel de 25 ans.

Je voudrais noter, à l'écart de ces  ou ses victimes, que Radouane Lakdim a également perdu la vie. Sans doute, était-il peut-être le seul, parmi ces ou ses morts, à savoir à l'avance ce qui l'attendait. Ce qui fait justement de lui, le coupable, et des autres, d'innocentes victimes. Mais, ça reste une vie perdu. La société ne peut pas faire l'économie de la raison sur ce mort-coupable.

C'est un jeune de 25 ans, qui a arraché de la vie à des gens qui cumulaient presque deux siècles d'existence (221 ans).  Radouane Lakdim a tué quatre messieurs qui, par leur âge, auraient pu être pour lui des pères ou des grand-pères, c'est à dire, des autorités morales, familiales, intellectuelles ou des complices expérimentés.

Toutes les victimes du jeune Radouane, contrairement à lui, ont vécu. Respectablement! Certains, en retraite, cueillaient paisiblement le jour, à la façon d’un Épicure. 

Ces malheureux victimes, fauchées à contre-temps, laissent derrière eux, familles éplorées et amis dégoutées. Et Radouane, que laisse t-il si ce n'est des politiciens en état de terrible excitation? Redouane ne laisse à la postérité que le mot terroriste. Même son nom est effacé au profit de l'islamiste, du terroriste. C'est à dire, Radouane n'a jamais existé, vécu. L'ennemi c'est même plus lui....c'est le "terrorisme islamiste". A ce niveau,  Radouane a peut-être réussi, paradoxalement, son coup: la reconnaissance. D'ailleurs, pour l'unique personne qui osait encore l'aimer en privée comme en public, c'est à dire, sa jeune copine, Radouane est autre chose que ce qu'on dit.

Le perdant dans l'histoire, disons le comme ça, c'est aussi la jeunesse. On ne peut pas voir ça, et avoir simplement pour projet l"internement par ci, la déchéance de la nationalité par là....

 Radouane Lakdim est ici l'incarnation en personne de la Mort. Et nos quatre "vieux", nos quatre bonhommes, des témoins éternels de la vie. 

Le tableau est triste: un fils qui a égorgé ses deux pères potentiels et les grand pères qui vont avec. 

Jeunesse, parlons-en

Parlons comme Freud et disons qu'il y a bel et bien un malaise dans la civilisation. Rien à voir avec le chocs de civilisations des uns et des autres.

Ceci dit, croire que Radouane Lakdim était porté par une quelconque idéologie, c'est vraiment ne rien comprendre au mot idéologie lui même, mais plus grave encore aux maux d'une certaine jeunesse.Croire que le problème c'est l'Islam, dans cette histoire précise de jeunes français qui massacrent et se livrent à la mort, c'est là aussi faire preuve d'un aveuglement volontaire.

Il n'était porté pas "Rien" et c'est précisément là le problème, ce "Rien". Le "Rien" comme valeur  et refuge d'une certaine catégorie de la population...que certains bavards se tuent à vouloir trop qualifier, par paresse, en Islam, Islamisme, Salafisme, Origine étrangère, etc...Qu'on ne me dise pas que j'ai dit que le Salafisme c'est rien. Je ne dis pas que l'islamisme n'existe pas. Mais je soutiens,qu'ici, ce n'est qu'un vernis. Le vernis de ce "rien". Ceux qui accusent l'Islam, l'islamisme, Salafisme.....refuse d'intégrer non seulement une dimension sociale, mais aussi structurelle: le capitalisme mondialisé. Le capitalisme est producteur de ce "Rien" ....et il frappe en première ligne la jeunesse

Le philosophe Alain Badiou, dans un petit essai intitulé "Notre mal vient de plus loin", paru chez Fayard après les attaques du Bataclan, explique tout cela brillamment. Dans ce court essai salutaire, il brosse un cadre général d'explications des différentes tueries de masse qui se sont passées en France. Je vous invite à lire l'ouvrage en question. ça vaut le détour....Notre Mal vient de plus loin.

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