Outre l’extraordinaire réactivité du Front populaire pour s’allier et trouver un accord rapide, cette alliance devient un symbole très fort envoyé aux électeurs de gauche, qui, depuis des décennies, attendent une union de la gauche qui semblait impossible.
C’est une manière inédite de pratiquer la politique institutionnelle de parti puisqu’il n’y a aucun leader : une union faite de toutes les forces politiques de gauche dans toutes leurs composantes, leurs diversités et leurs différences. Ce qui pourrait apparaître au premier abord comme une faiblesse devient ainsi d’une force et d’une nouveauté extraordinaire dans la manière de faire de la politique institutionnelle.
D’abord parce que ce geste redonne confiance aux électeurs et aux sympathisants de gauche dans leur ensemble dans un contexte difficile : les partis sortent enfin du narcissisme de leur petite différence qui les auraient jusqu’ici autorisé à s’entretuer laissant de côté les citoyens et alors que les diverses violences économiques, sociales et idéologiques ne cessent de grandir. Nous n’assistons plus ainsi à des querelles électorales sans fin, mais à des valeurs profondes qui éclatent au grand jour avec force et qui unit et font que les divergentes deviennent vraiment secondaires.
C’est donc aussi un signe très fort symboliquement qu’envoie cette gauche qui peut, elle, faire avec la différence. Pas besoin de désigner un coupable, pour se sentir appartenir à une communauté, travailler sur ce qui fait socle commun et vivre ainsi ensemble.
Voilà un message d’une extrême profondeur au moment même où les idées véhiculées par l’extrême droite envahissent toutes les sphères des débats publiques, présentés comme les seuls permettant de retrouver un sens, une identité forte. En effet, la gauche réunie, ne prône pas une identité fixe et figée: elle reconnaît enfin la différence de chacun, mais reconnaît aussi l’extrême vulnérabilité dans laquelle l’histoire nous convoque aujourd’hui avec l’extrême droite aux portes du pouvoir. Ce n’est ainsi qu’à partir de nos pluralités, de nos différences que l’on peut produire du commun, sinon l’on ne produit jamais que du même qui n’est précisément pas du commun.
Dans le contexte et le temps des différents replis nationalistes, la force de ce fondement qui n’est pourtant pas nouveau, apparaît totalement à contre courant d’une marche à laquelle nous semblons spectateurs et impuissants et nous la fait apparaître comme autrement inédite, indispensable et agissante.
Nous avons assisté par exemple, hier dans les médias des chaînes continues à un représentant du front populaire face à ce que l’on appelle encore des journalistes au nombre de 6 ou 7 parfois-, qui ne semblent présents que que pour s’opposer avec une violence inouïe aux propositions pouvant émaner des idées historiques de la gauche et à ses représentants pour ne faire jaillir que toutes les différences, les contradictions idéologiques, et agiter en eux les enjeux narcissiques qui pourraient blesser, fracturer et opposer. Amplifier les différences irréconciliables qui ont d’ailleurs notamment été davantage construits et nourris par les médias que les forces de gauche, comme notamment sur la question de l’antisémitisme, pour se servir d’une tragédie pour ne faire que diviser.
Mais cette entreprise de destruction pour le moment semble inopérante. Si tous les membres du Front populaire arrivent à faire face et tenir la bataille, quelle démonstration exemplaire et quel message sera envoyé aux électeurs et aux sympathisants de gauche : il ne sera plus seulement question de discours qui n’ont aucune congruence dans la manière de faire, mais au contraire : il s’agira d’une démonstration incarnée de mise à égalité des forces en présence, la capacité d’agir dans la fraternité et la solidarité, au prix inévitable d’accepter précisément et nécessairement en chacun ses différences. Se battre enfin avec d’autres armes qui semblent dépasser ces journalistes qui semblent devenir, malgré leur violence inouïe et totalement banalisée depuis un certain temps, impuissants face à la force du collectif, de la coopération, à l’enthousiasme qu’il suscite et qui fait ce socle commun historique à gauche.
Je salue toutes ces femmes et ces hommes qui ont permis l’existence de ce front populaire et toutes les personnes qui en prendront le chemin. Espérons qu’il tienne et nous permette d’écrire ensemble autrement l’histoire, de l’autrement possible !