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Billet de blog 14 octobre 2013

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Requiem pour les championnats nationaux ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Oh le “Clasico”, ce grand rendez-vous de la L1 que tout le monde attend. Alors on en fait des tonnes sur la motivation des marseillais, le “nouveau” Vélodrome où les chants des supporters résonnent comme jamais, Marseille qui n’est qu’à un point du PSG, etc, etc… A l’arrivée un match sans grand intérêt où la supériorité du PSG était évidente, même à 10. S’il fallait une illustration d’un championnat désormais à deux vitesses, elle était là sous nos yeux, criante. En France il y a désormais le PSG, Monaco et les autres.

Et ce constat pourrait être étendu à tous les grands championnats européens : en Espagne le Barca et le Real font la loi, en Angleterre tout se joue à 3 ou 4 (Manchester United, Manchester City, Chelsea et parfois Arsenal), en Allemagne le Bayern de Munich et Dortmund dominent outrageusement, en Italie le jeu semble un peu plus ouvert avec 5 ou 6 clubs prétendants au titre. Au total une quinzaine de clubs, qui, soit en raison de leur notoriété et de leur histoire (Barca, Real, Bayern, Milan AC), soit en raison de l’injection massive d’argent dans les dernières années (PSG, Monaco, City, Chelsea, demain l’Inter de Milan), ont acquis une telle surface financière qu’ils sont sur une autre planète.

Seuls ces clubs peuvent attirer les stars, payer des salaires de 10M euros annuels ou encore effectuer des transferts de 25M€ et plus. Les autres – les Lorient, Valenciennes ou encore Evian en France – sont condamnés à jouer les places d’honneur pour espérer au mieux la Ligue Europa ou une Coupe Nationale (sur un malentendu on ne sait jamais).

A ce petit jeu la Liga espagnole est devenue caricaturale : faut-il rappeler que le Barca, couronné champion l’année dernière, avait 24 points d’avance sur le 3eme – l’Atletico de Madrid – et une différence de but de +76 ! Auteur d’une saison exceptionnelle le Bayern n’était pas en reste avec 25 points d’avance sur le second et une différence de buts de +80 !

Dans ces conditions, à moins d’avoir l’esprit du supporter chevillé au corps il faut une grande motivation pour suivre un Wigan/Stoke City ou un Rennes/Reims, tant en raison de la faible qualité du jeu proposé comparée aux “grandes” équipes, que du faible suspense sur le résultat final du championnat.

L’amateur de foot guettera en revanche avec attention un City/United en Angleterre ou un Juve/Roma en Italie. Ainsi l’intérêt des championnats nationaux s’étiole puisque in fine il se résume à une compétition entre quelques clubs qui se comptent sur les doigts de la main. Cette concentration des talents et des moyens est devenue telle que même au niveau européen il faut attendre la phase des 8èmes de finale de la Champions League pour voir de vraies oppositions puisque la phase de poules intègre aussi les vainqueurs de “petits championnats” qui eux mêmes sont impuissants face aux grandes écuries européennes.

Si rien n’est fait – notamment en contrôlant beaucoup plus étroitement les budgets des clubs et leurs déficits, les montants des transferts, voire les salaires via un “salary cap” comme en NBA – la tendance probable de ces évolutions sera la constitution d’un championnat européen des clubs avec entre 15 et 20 clubs (la Grande Ligue Européenne ou GLE). Cela se fera à l’initiative des clubs, en court-circuitant l’UEFA, et en accord avec les principaux diffuseurs TV. C’est là que le spectacle sera alléchant, c’est là que les (télé)spectateurs seront prêts à payer pour les matchs, c’est là que les sponsors voudront être.

Cette GLE pourrait être complètement fermée (pas de possibilité pour les autres clubs d’y jouer, encore une fois sur le modèle des franchises de clubs aux Etats-Unis) mais elle pourrait aussi intégrer les championnats actuels. Les championnats nationaux tels que nous les connaissons deviendraient alors une espèce de Ligue 2 à l’échelle européenne. Le vainqueur de ce championnat national étant admis dans la Grande Ligue Européenne, tandis que les derniers de la GLE (re)descendraient dans leur championnat national.

L’UEFA a pressenti ce mouvement et la mise en œuvre du “fair play” financier vise à freiner ces divergences croissantes entre clubs. Mais sa mise en place paraît bien lente et compliquée… et il pourrait être trop tard pour réellement empêcher les grands clubs de se regrouper entre eux. Ce serait alors la fin d’un certain football, ancré dans une ville et une région, la fin des batailles de clochers et des petits stades, des pelouses bosselées et des joueurs inconnus. Le football de club, serait alors, lui aussi, absorbé dans la spirale d’une certaine mondialisation.

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