Billet de blog 27 septembre 2010
L’illusion Fillon
La période de la rentrée est propice aux modes, et la mode politique de la rentrée c’est François Fillon ; pas un jour sans une titre ou un article sur lui (encore ce matin la une de Libération « Fillon Coupe le Cordon »). Le Premier Ministre capte les derniers rayons de soleil médiatique de l’été finissant.Dans ce plan de communication parfaitement maîtrisé François Fillon nous est présenté comme un franc-tireur, un rebelle quasiment (« les Nouvelles Audaces de François Fillon » titre Le Monde de samedi) et comme l’astre fixe, le point de stabilité d’une majorité qui tangue dangereusement et pourquoi pas son futur. On nous permettra de douter de ces réalités.François Fillon a prononcé deux, trois phrases pour marquer sa différence avec Nicolas Sarkozy (le désormais fameux « Nicolas Sarkozy n’a jamais été mon mentor ») et soudain on nous le présente presque comme un opposant au Président. Mais rappelons que François Fillon est en place depuis trois ans, longévité remarquable dans le poste, et qu’il, a donc soutenu, cautionné, mis en œuvre, appliqué, orchestré, approuvé, déployé la politique voulue par Nicolas Sarkozy ! Ce n’est pas en distillant quelques paroles nuancées ou un peu distanciées tous les six mois que François Fillon nous fera croire à sa différence. Si François Fillon était vraiment en décalage avec son « allié » pour reprendre ses termes pourquoi est-il resté ? Pourquoi n’a-t-il pas essayé d’infléchir la politique menée si elle ne lui convenait pas ? La réponse est simple : il était d’accord avec la politique en question, le prestige de la fonction suffisant par ailleurs à mettre un mouchoir sur ses différences. On est bien loin de l’image du rebelle sans peur et sans reproches.L’autre volet du « storytelling fillonesque » c’est son rôle de chef et pacificateur de la majorité et de personnage « populaire » auprès de l’électorat modéré. Tout d’abord il convient de noter que la popularité de Fillon est à des niveaux relativement bas et qu’il n’y a pas de quoi s’extasier. D’autre part F. Fillon en acceptant un rôle de Premier Ministre qui était celui d’un simple exécutant a renversé la problématique habituelle de la Vème République du Premier Ministre comme paravent du Président. D’ordinaire le Premier Ministre prend les coups, car il est celui qui agit, et qui donc protège le Président en assumant une éventuelle impopularité. Avec Sarkozy c’est le contraire ; le Président décide et fait tout… et donc prend les coups pendant que le Premier Ministre totalement effacé surnage dans les sondages. En ne décidant de rien et en ne faisant pas grand chose les risques sont assez faibles. Aussi on peut penser que dès que Fillon voudra assumer un rôle plus politique que celui de Premier Ministre à l’ère sarkozyste il devra se mouiller et donc descendre de son piédestal et mécaniquement il perdra son image si lisse et consensuelle.En outre face aux appétits immodérés d’un JF Copé il n’a aucune chance de s’installer durablement comme une alternative à N Sarkozy au sein de l’UMP et comme chef de la majorité. On voit mal quelqu’un qui a avalé tant de couleuvres en trois ans se muer en un pitbull agressif se battant bec et ongles pour conquérir le pouvoir. En somme F. Fillon rassure une partie de la droite tant qu’il n’a pas vraiment de rôle et ne menace personne. Mais alors à quoi donc peut servir ce plan de communication ? On avancera une double explication. Dans la perspective de l’élection de 2012 François Fillon se place. En cas de réélection de N Sarkozy il saura faire valoir ses états de service et obtenir le soutien de l’Elysée dans la course éventuelle à la Marie de Paris ou pour quelque poste prestigieux de la République. En cas d’échec de N Sarkozy, François. Fillon nous rejouera l’air « c’était moi, c’était lui » et de la distance avec un pouvoir perdant et dévalué… essayant alors de préserver ses chances d’occuper un rôle de premier plan dans une droite recomposée. Ainsi François Fillon essaye de jouer une stratégie gagnant/gagnant, le seul problème pour lui pouvant venir d’un Nicolas Sarkozy qui le maintiendrait dans son poste après le remaniement…C’est la dure réalité des alliés qui ne sont pas des égaux.
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