L’année 2023 avait débuté avec la poursuite de la guerre en Ukraine qui n’est toujours pas finie. Elle se termine par l’attaque du 7 octobre du Hamas contre des israéliens suivie des bombardements incessants des civils palestiniens de Gaza depuis près de trois mois. L’opinion publique n’avait jamais vu autant d’images atroces et monstrueuses qui circulent sur les réseaux sociaux plus que sur les médias habituels.
De San Francisco à Gaza c’est bien la fin du rêve et du slogan « Peace And Love » porté par le mouvement hippie des années 60 et par plusieurs générations qui l’espéraient.
Aujourd’hui, à San Francisco beaucoup de jeunes et moins jeunes vivent dans la misère et la promiscuité des rues à défaut de logement et nombre d’entre eux se réfugient dans des drogues et l’alcool. Où sont « ces gens gentils avec des fleurs dans les cheveux » qu'on pouvait voir à San Francisco et que chantait la contre-culture dans les années 60?

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La « maison bleue » sur les hauteurs de San Francisco mise en chanson par Maxime Le Forestier est toujours à son emplacement mais les propriétaires «n’ont pas jeté la clef».

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Rappelons-nous ces années 1960/70 qui ont vu changer le monde. Ces années ont marqué un vrai tournant dans la société puritaine chrétienne qui imposait un ordre strict de «bonnes manières».
Les jeunes avaient changé d’apparence et de vêtements. Ils avaient des cheveux longs et portaient des chemises à fleurs. Filles et garçons ne voulaient plus vivre comme leurs parents. Ils exprimaient leur liberté de choisir leur propre avenir et ne se reconnaissaient pas dans le monde des adultes.
Ils s’étaient réfugiés dans la musique et l’amour pour transcender les différences et changer les esprits. On les a vus dans plusieurs rassemblements comme à Woodstock fraterniser et découvrir d’autres cultures et d’autres musiques : jamaïcaines, africaines, asiatiques qui se sont ajoutées au blues, à la soul musique, au rock et à la pop.
Ces années, que les anciennes générations d’aujourd’hui ont connues, sont devenues légendaires et les gens rêvaient de changer le monde par la paix et l’amour d’où le slogan « Peace And Love ». Ils rejetaient les injustices, comme l’apartheid aux USA, le racisme et les guerres dont celles du Vietnam et la guerre israélo-arabe de 1967.
Les jeunes partaient en Inde ou à Katmandou et en Afghanistan à la recherche du Nirvana et de la spiritualité avec le but de renoncer au matérialisme. Les groupes de musiciens comme les Beatles ou les chanteurs comme Bob Dylan ou Joan Baez invitaient et encourageaint à changer les règles. Ils avaient un rôle qu’on peut qualifier de « révolutionnaire » pour l'époque.
Malheureusement, les excès de la quête du plaisir sans limite, du sexe, aidés des produits illicites et de l’alcool n’ont pas permis l’émergence d’une société fraternelle. C’est la grande déception car ces jeunes aspiraient à la paix et à l’amour et ils se mobilisaient contre les guerres jusque dans les universités américaines comme aujourd’hui celles qui manifestent un soutien à Gaza à l’instar de Berkeley.
Comment faire revivre cette espérance à la recherche du bien dans un monde meilleur, face aux guerres et à la menace du changement climatique ? Comment donner vie à ces rêves ?
Le mouvement hippie est apparu au lendemain de la deuxième guerre mondiale qui a fait 70 millions de morts causés par l’idéologie nazie et des guerres de décolonisation en Asie et en Afrique. À ce sujet comment ne pas évoquer le discours d’Albert Camus, né il y a 110 ans en 1913, prononcé à Stockholm le 10 décembre 1957 lors de la remise du prix Nobel de littérature dont il était un des plus jeunes récipiendaires :
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C’est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l’honneur que vous venez de me faire.«