Quand j’ai entendu dire que Jean-Luc Mélenchon, comme Yannick Jadot voulait « interdire la chasse le week-end », je me suis dit que c’était une connerie. Et même une connerie macronoïde. Je précise : Macron se croit meilleur que n’importe qui, alors, il décide, du haut de son olympe. Sur les sujets qui mériteraient d’être traités à d’autres altitudes, il décide quand même, et choisit ce qui est à sa portée : le plus souvent réprimer, interdire. Ce genre de prise de positon sous le coup de l’émotion me paraît caractéristique d’une attitude trop répandue parmi nos politiques : émotion, vite une loi, répression.
Une conquête de la Révolution française
La chasse, jusqu’à la Révolution étaient réservée aux nobles qui seuls avaient le droit de porter les armes. Contre la bête du Gévaudan, on n’arme pas les paysans, on envoie des louvetiers. Contre les dégâts aux récoltes, les paysans doivent faire appel au seigneur ou braconner.
Par la suite, et c’est moins connu, un combat socialiste a voulu instaurer un réel droit de chasser pour tous, s’opposant aux chasses gardées de la grande bourgeoisie. « Il faut donc donner à tous les citoyens le droit de chasse, sans autre limite que ce qui est nécessaire à la protection des récoltes et du gibier », écrivaient Jules Guesde et René Chauvin dans une proposition de loi de 1896.
Faut-il laisser cette histoire à la droite et au nucléarophile Roussel ?
Car interdire la chasse le week-end, c’est l’interdire de facto aux salariés.
Une passion simple
Pour certains ouvriers enfermés dans leurs usines ou employés enfermés dans leurs bureaux toute la semaine, la chasse est une passion vitale. Pour certaines personnes qui vivent dans des zones rurales loin des centres urbains, la chasse est le principal loisir d’hiver : plaisir de la solittude et plaisir convivial, plaisir de la nature, connivence avec les chiens, responsabilité de la gestion du patrimoine cynégétique… Il faut méconnaître l’importance de la chasse dans la vie de certains pour ne pas comprendre que leur refuser, c’est les envoyer voter ailleurs.
La FI attend-elle des remerciements de Marine Le Pen, pour lui offrir ainsi des voix sur un plateau ?
Un bilan écologique nuancé
Si certains chasseurs se présentent comme les premiers écologistes de France, c’est une provocation. Opposer la chasse et l’écologie est une vision très urbaine et ignorante de la chasse. Je ne voudrais pas faire un plaidoyer pro-chasse, les dégâts des chasseurs sont parfois énormes (saturnisme des canards, élevage intensif d’animaux relâchés juste avant l’ouverture, agrainage entraînant des proliférations de gibier…), je voudrais souligner deux points :
1) pour ceux qui veulent continuer à manger de la viande en se préoccupant de la souffrance animale, le gibier (vraiment sauvage) est la meilleure solution : il a mené sa vie dans son milieu naturel, il n’a pas souffert de traumatismes comparables au transport et à l’abattage des animaux dans les abattoirs – sauf dans certaines chasses qu’il convient d’interdire.
2) malgré le retour du loup, du lynx, les grands prédateurs sont en nombre insuffisant pour un équilibre écologique et la chasse pallie ce manque à sa manière.
Une organisation à revoir
L’organisation de la chasse est issue de la législation de Vichy, elle donne des attributs de pouvoirs publics à des associations privées. Au sommet de leur hiérarchie, un personnage particulièrement insupportable cherche à imposer un rapport de forces aux pouvoirs publics et à refuser tout contrôle et toute limitation. À l’inverse les pouvoirs publics macroniens (et peut-être leurs prédécesseurs) peuvent y chercher des supplétifs de leurs basses œuvres.
Il est donc difficile de trouver des interlocuteurs de bonnes dispositions. L’ANCER (association pour une chasse écologiquement responsable) n’existe plus. À défaut, il faut trouver des conseillers et prendre le temps de réfléchir.
Des aménagements aux lois et règlements actuels sont nécessaires, et pas seulement pour la sécurité des non-chasseurs. Pas de chasse le mercredi et le dimanche après 14 heures ? Ce serait souhaitable. Des consignes, des signalisations meilleures des battues, une indication systématique des lieux de chasse sur de sites accessibles aux promeneurs, sans doute des mesures plus techniques à délibérer avec des connaisseurs… il y a de nombreuses pistes à suivre pour éviter de nouveaux drames qu’on appelle « accidents de chasse » mais qui sont des homicides, certes involontaires, commis par des chasseurs.
Questions
Mais je ne comprends pas pourquoi moi, qui n’en ai rien à foutre de la chasse, j’en viens à écrire sur ce sujet – ben si, parce que je ne veux pas que le candidat que je préfère perde bêtement des parrainages et des voix. Je ne comprends pas pourquoi un candidat à l’élection présidentielle doit prendre position pour « interdire la chasse le week-end ». Le Président de la République n’a aucun pouvoir pour interdire la chasse (ou faire des lois). Il a le pouvoir de commander à des députés godillots. Mais il n’est pas dans la programme de L’avenir en commun que les députés seront des godillots – ni que la chasse sera interdite le week-end.
Ceci n’est pas écrit non plus : il faut tenir compte de ses émotions mais il faut prendre le temps de réfléchir et de consulter avant de légiférer. Mais c’est préférable.