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Billet de blog 21 avril 2020

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MASQUES ET DÉPISTAGE, LA GRANDE ILLUSION

« Le 11 mai, la France sera en capacité de tester toute personne présentant des symptômes », s'est glorifié le président de la République. Le dépistage ? En même temps : oui mais non... Tous les Français vont-ils être dépistés pour autant ? Non manifestement.

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Illustration 1

« Nous n’allons pas tester toutes les Françaises et tous les Français, ça n’aurait aucun sens. Mais toute personne ayant un symptôme doit pouvoir être testée. Les personnes ayant le virus pourront ainsi être mises en quarantaine, prises en charge et suivies par un médecin », a expliqué le docteur Macron.

En résumé, les personnes porteuses du virus continueront à vaquer à leurs occupations, à contaminer les personnes qu'elles côtoient au quotidien jusqu'au moment où ressentant à leur tour les symptômes de la maladie elles pourront être testées. Testées positives, les premières pourront « être mises en quarantaine, prises en charge et suivies par un médecin ».

Et les autres ? Celles qu'elles auront contaminées avant d’être testées continueront leur vie comme avant, en attendant de ressentir elles aussi les symptômes de la maladie. Elles pourront alors se faire dépister à leur tour. Les troisièmes quant à elles...

Un scénario qui ressemble à s'y méprendre à celui choisi initialement par Boris Johnson : l'immunité grégaire ou immunité collective, avant qu'il ne se rétracte. Et soit lui même atteint par le virus.

Mais la France est la France et n'a que faire de l’expérience de ses voisins.

Ce ne sont pas les 18 681 décès enregistrés au 17 avril sur une population de 67 millions d'habitants qui le feront changer d'avis, fussent-ils comparés aux 4 352 décès déplorés par l'Allemagne sur une population de 83 millions d'habitants !

Tester. Tester. Tester... dans les six ans

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est dit favorable le mardi 15 avril à ce qu’il y ait des tests « dans les hôpitaux, les laboratoires ». Il a dit vouloir « s’appuyer sur les collectivités, mettre en place des équipes mobiles, des drive-tests (l'Allemagne ne l'a pas promis, elle l'a fait...), procéder à partir des pharmacies, d’officines volontaires... ».

« 150.000 tests sont réalisés chaque semaine en France et nous allons vers 200.000 », a-t-il indiqué triomphant.

« L’objectif est de tester, tester, tester », a encore martelé le ministre.

L'objectif, certes, mais sans moyens ?

A ce rythme de sénateur (200 000 tests/semaine) et dans l'hypothèse où les français ne seraient testés qu'une seule et unique fois, un délai de 335 semaines (!) serait nécessaire pour que l'ensemble de la population (67 millions) soit testé !

Près de six ans et demi se seraient alors écoulés entre le premier et dernier testé !

Tester. Tester. Tester...

Vouloir n'est pas toujours pouvoir. Emmanuel Macron est tétanisé à l'idée de devoir décider. Sans volonté politique les mots ne sont que des vœux pieux, des éléments de communication, de langage destinés à gagner du temps. En attendant un hypothétique vaccin, qui ne viendra que beaucoup, beaucoup plus tard...

Invité sur les ondes de France Info le 19 avril, le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences de l'hôpital Georges Pompidou à Paris ne mâche ses mots :« Pour permettre le déconfinement il faut que nous ayons des capacités de testing de la population extrêmement massives [NDLR : toute la population testée au moins une fois par semaine...] mais aussi des lits disponibles, surtout en réanimation ». Sa conclusion est sans appel pour notre chef désarmé : « Quand vous faites la guerre, il faut avoir des munitions. Sinon on ne pourra pas déconfiner les français en toute sécurité ».

Un masque pour chaque Français ...

Un masque pour chaque Français ! Oui, mais comment ?

Réputés inutiles et inefficaces il y a peu encore, Emmanuel Macron a fièrement annoncé que, dès le 11 mai, « l’État devra permettre à chaque Français de se procurer un masque grand public » ajoutant doctement « Pour les professions les plus exposées et pour certaines situations comme dans les transports en commun, son usage pourrait devenir systématique ».

Jusqu'au 11 mai, les professionnels les plus exposées et les usagers des transports en commun devront se contenter des gestes barrière !

Sur le port du masque, le professeur Philippe Juvin explique : « Les français doivent porter un masque au moment du déconfinement mais aussi dès maintenant.(...) Un masque vaut mieux que rien du tout, même fabriqué à la maison. Il vaut mieux se couvrir la bouche et le nez », ajoutant : « De plus en plus de voix s’élèvent sur ce sujet, comme l'Anses ou la communauté scientifique internationale (…) Les politiques devraient commencer à les écouter. Je pense que sur ça, le président de la République se trompe ».

« Ces masques grand public sont en cours de fabrication dans plusieurs entreprises françaises depuis plusieurs semaines », a précisé, pour sa part et sans rire, Olivier Véran, le ministre de la Santé, le 15 avril.

Il y a masque et masque, a prévenu Olivier Véran.

Les masques grand public – ceux que l'on croisera dans le hall des gares après le 11 mai « n’auront pas  la même efficacité que les masques destinés aux soignants », a prévenu le ministre de la Santé mais ils seront « lavables et réutilisables » ce qui compensera nos modestes capacité de production.

Terrible constat pour ces VRP du libéralisme et de la mondialisation heureuse que de devoir constater que le pays qui a vu naître le Concorde, le TGV, la carte à puce et le premier ordinateur individuel (qui se souvient aujourd'hui d'André Truong et de son tout premier Micral ?) est incapable de produire en masse et dans l'urgence un bien d'un niveau technologique aussi complexe que peut l’être un petit rectangle de tissu bordé de part et d'autre de quelques centimètre de ruban élastique !

Un constat qui renvoie au sort réservé à notre florissante industrie textile par certains amis premiers de cordées du président, Bernard Arnault en tête, vénérés en tant que grands capitaines d'industrie, titre honorifique désormais attribué aux meilleurs fossoyeurs de notre outil de production.

Rachetées à vil prix avant d’être dépecées pour n'en conserver que les marques et prestigieuses images, débarrassées à la hâte de ce qui faisait leurs forces vives (ouvriers, employés, cadres jetés avec mépris au rebut de l'histoire sociale), ces entreprises n'avaient plus alors qu'à s'inscrire dans la mondialisation triomphante en exploitant désormais d'autres sites de production grouillant de travailleurs invisibles s'activant sans broncher dans les sous-sols du tiers monde pour à peine plus qu'une poignée de roupies.

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