22!...
22%!...
22... Ce chiffre a couru les réseaux sociaux hier, jour de grève dans la fonction publique.
22% de professeurs de collège auraient (j'utilise le conditionnel, non par provocation, mais tout le monde sait que ce chiffre est sur ou sous évalué; donc n'étant certain de rien et pouvant tout faire dire à ce "22", j'emploie ce mode si pratique en cette occasion) répondu à l'appel d'un "front du refus" à la réforme du collège. Ce "maillon faible"...
22% dont sans doute un certain nombre, si ce n'est un nombre certain, aura répondu à un autre mot d'ordre appelant lui à protester contre le trop long gel du point d'indice des fonctionnaires. En français "normal": à protester pour réclamer une augmentation de salaire. Revendication que je partage tout à fait...
22% donc de professeurs de collèges... Bien...
Ces 22% n'ont rien de méprisable. Ce n'est pas si facile que cela de perdre une journée de salaire. Et quelles que soient leurs convictions, les grévistes ne peuvent être blâmés de faure grève.
Les non grévistes, 78% donc, non plus...
Ma colère, mon indignation parfois, viennent d'ailleurs...
"Succés de la grève!" a-t-on pu lire ici et là... 22% un succès? Avec deux mots d'ordre aussi porteurs? Un succès? Mais de qui se moque-t-on? Quelle analyse, quelle lecture ont été faites de ce chiffre? C'est à 35, 40, 45% qu'on aurait pu s'attendre, que le "front du refus" annonçait d'ailleurs à grands renforts de messages sur les réseaux dits "sociaux"...
Mais c'est 22% qui furent comptabilisés. Contre 27% en juin 2015 toujours à propos des professeurs de collège et pour le seul mot d'ordre "contre la réforme". A l'époque, les mêmes qui annoncent un "triomphe" des "antis" parlaient de succès mitigé.
Il faudrait savoir...
22% qui ont dans tous les médias micros tendus, micros ouverts, plateaux et caméras... C'est très bien et ceux-là doivent s'exprimer. Ils ont le droit absolu d'être contre et de dire, de le crier (ils ne s'en privent pas), de le chanter s'ils le souhaitent.
22% qui ont eu des dizaines d'occasions de défendre les bilangues, le latin et le grec... C'était cela qui revenait dans les conservations de cortège...
Quelles qu'en soient les raisons, quel que soit leur silence quand il s'agit de proposer l'alternative. Quelles que soient les approximations, les erreurs, les mensonges parfois entendus et très rarement contredits ni corrigés. Quels que soient les éternels et uniques centres d'intérêt: classes bilangues, allemand, latin et grec...
Alors que pourtant, comme l'affirmait récemment Pascal Caglar:
"... la réforme du collège qui devait être l’occasion d’un débat sur les enjeux de l’enseignement de masse tourne aux luttes dérisoires de groupes privilégiés. Les élèves des classes bilangues, les élèves latinistes ne rencontreront probablement jamais de difficultés dans leur scolarité, or dans le même temps les chiffres des Journées Défense et Citoyenneté nous rappellent que 10 % des jeunes de 17 ans sont encore proches de l’illettrisme – chiffre qui monte dans l’Aisne jusqu’à 20 % de jeunes éprouvant des difficultés pour lire un texte, et plus encore en outre-mer !"
Les vrais enjeux de la réforme du collège
Nous conserverons un silence poli au sujet des affirmations rapportées (étrangement) ICI tant elles sont trop évidemment des contre-vérités absolues.
Et puis il y a les 78%... Ceux qui sont pour la réforme, ceux qui aimeraient, sans être enthousiastes, s'informer, se documenter, en savoir plus. Les silencieux, les inquiets légitimes qui observent et ne rêvent que d'un retour au calme. Les jeunes enseignants, débarquant sur les plages de l'Education Nationale, cette grande famille leur a-t-on appris... Ah les grandes familles!... Rien de plus dangereux!...
Ces 78% auxquels on ne demande jamais grand-chose. Parfois, au détour d'une émission matinale, le "miracle" se produit et l'on entend alors une ou un collègue dire ses espoirs en une réforme qui lui semble aussi nécessairement urgente qu'elle est dite inutile et dangereuse par ceux qui souhaitent son enterrement.
Ces 78% qui sont allés et vont encore participer aux journées de formation, perturbées souvent par 22% d' enseignants "facétieux", bavards, moqueurs, parfois très vifs dans le propos, voire l'invective à l'encontre de nos collègues formateurs. Indifférents aussi comme celui-ci corrigeant des copies pendant deux jours ou celle-là lisant ostensiblement un roman. Il existe même des comptes-rendus où l'on s'en vante...
Attitudes très sévèrement réprimandées dès le lendemain si, pour son malheur, un de leurs élèves venait à adopter de tels comportements...
22...
22%...
22% qui ne sont EN RIEN méprisables!
Méprisables sont seulement celles et ceux qui oublient un peu vite que 78%, en démocratie, cela s'appelle la majorité...
Que cette majorité est aussi digne que la minorité d'être entendue...
Et qu'il est très regrettable qu'en certaines occasions la minorité, aussi respectable fut-elle, n'ait pas respecté la majorité, trop silencieuse, trop écrasée par les voix fortes ou, plus exactement, les fortes voix.
La majorité doit pouvoir elle-aussi exprimer ses opinions, en toutes occasions, dans un débat serein et apaisé.
Elle doit avoir l'occasion de le faire... Ces occasions sont hélas encore trop rares!
Christophe Chartreux
PS: "Dans les blogs de Médiapart, un collectif propose de renouer le dialogue. Mais en fait de dialogue, on y cite les opposants, le SIA-FSU, et les signataires sont tous eux-mêmes des opposants déclarés à la réforme. A se demander ce qu’ils appellent dialogue puisqu’ils commencent par « Les opposants et grévistes veulent dans leur grande majorité que l’enseignement au collège soit réformé, mais c’est dans le sens du plus, du mieux et du meilleur qu’ils tiennent à le voir évoluer. » pour continuer par « Le monde enseignant est historiquement un électorat de gauche, garant d’équilibres idéologiques. Sa défection lors de prochaines échéances électorales ne ferait qu’aggraver la crise morale vécue par le pays. »."
Extrait de la Revue de presse des Cahiers Pédagogiques
http://www.cahiers-pedagogiques.com/Revue-de-Presse-du-mercredi-27-janvier-2016