christian andreo
Dirigeant associatif (c'est pas mon association qui écrit c'est moi, gnagnagna)
Abonné·e de Mediapart

11 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 juil. 2018

christian andreo
Dirigeant associatif (c'est pas mon association qui écrit c'est moi, gnagnagna)
Abonné·e de Mediapart

Mais alors, tu n'aimes pas le foot ?

Au moment où toute la France célèbre la victoire des bleus dans un beau moment de communion nationale, il peut sembler pour le moins ingrat de ne pas participer à la liesse collective. Et pourtant, parfois le passé vous rattrape et vous vous souvenez pourquoi vous avez un peu de mal avec le foot. Parce que c’est notamment au foot que ça a commencé. À faire mal.

christian andreo
Dirigeant associatif (c'est pas mon association qui écrit c'est moi, gnagnagna)
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Mais alors tu n’aimes pas le foot ? »

Ben non.

« Oh la la quel pisse-vinaigre tu pourrais pas te réjouir simplement pour une fois ? ».

Mais non.

Tout d’abord je me dois de préciser une chose : je n’ai rien contre celles et ceux qui s’y retrouvent. C’est mon problème, c’est personnel.

Souvent je n’y pense même pas. D’autres fois ça me rattrape. Fort. Comme cette fois.

Alors certes, je peux éventuellement avoir un peu – voire beaucoup – de mal à encaisser la dimension de liesse nationale où l’on célèbre des joueurs dont la société chie à la gueule de leurs homonymes le reste du temps, mais soit.

Si pendant quelques heures la France est heureuse et oublie d’être raciste, pourquoi pas. Si pendant quelques heures, ça fait râler les racistes, c’est toujours ça de pris.

Il s’agit simplement de ne pas oublier que la France EST raciste et qu’à ce titre, une fois la liesse footballistique retombée, tout redeviendra comme avant.

La récupération politique a déjà commencé dès le coup de sifflet final et compte tenu du professionnalisme de notre Président de la République, il n’y a aucun doute que tout ceci sera de toute façon un peu grâce à lui.

Alors OUI j’ai tendance à penser que le football est un nouvel opium du peuple et que l’on fait miroiter la supercherie d’un destin fabuleux à des gosses qui n’ont pas autant de chance que les miens (les blancs aisés je veux dire).

OUI je pense également qu’il y a trop d’argent dans tout ça, que la FIFA est une mafia, bon tout le monde le sait, c’est très banal en somme.

Mais ce n’est pas pour ça que j‘ai du mal avec le foot.

Voire beaucoup de mal.

Parce que c’est avec le foot que ça a commencé.

À faire mal.

Je ne peux pas saquer le foot parce que pour les garçons comme moi, qu’on disait « sensibles » le foot, qu’il se pratique dans la cour de récré ou au menu officiel du programme d’« Education Physique & Sportive » était une épreuve.

Entendons-nous bien : le foot, dans le sud de la France comme ailleurs sans doute, ce n’est pas le badmington, ce n’est pas le volley, personne ne te filera des baffes et te traitera de tafiole parce que tu ne sais pas jouer au volley.

Le foot en milieu scolaire, pour moi, c’était une épreuve qui n’avait rien de sportif. Et qui se répétait, presque chaque jour, chaque semaine. Une véritable école de la violence et de l’humiliation sous le regard bienveillant et complice des professeurs d’EPS.

« Tu joues comme une tapette ».

Je n’ai jamais considéré cela comme de l’homophobie, je ne savais même pas ce que cela voulait dire, j’étais bien trop jeune. Et pourtant je l’ai entendu, encore et encore. C’est comme « enculé », sur le stade comme dans les tribunes, ça leur sert de virgule.

Le foot à l’école, ou la revanche des caïds de cours de récré sur les garçons sensibles, confinés sur le banc de touche avec les gros, les binoclards et tous les déclassés de la hiérarchie du ballon rond de proximité. Ce qui peut t’arriver de mieux c’est de ne pas jouer, car tu es toujours choisi en dernier par les stars du onze du moment. Mais malheur à toi si tu participes quand même avec tes deux pieds carrés, car à l’insulte s’ajoutera la charge physique, les coups de coude et les coups de pieds – mais bien sûr, c’est le jeu.

« C’est le métier qui rentre » : alors que tu suffoques, plié den deux, le souffle coupé par un coup de coude judicieusement placé. Ce prof d’EPS a définitivement validé mon absence de super pouvoir : si j’avais été un X-Man, son bulbe aurait explosé sous la déflagration de mon attaque psychique.

Las, je suis finalement chauve mais pas le Professeur Xavier pour autant.

Et les années se succèdent.

Le foot sort peu à peu de la cour de récré, le système d’humiliation en cours de sport persiste mais finalement tu te fais dispenser par un docteur compatissant – dont tu n’apprendras l’homosexualité que plus tard. Merci à lui, il m’aura évité quelques années à regarder l’emploi du temps de la semaine avec la boule au ventre.

Ca a peut-être changé - j’en doute – mais de mon temps c’était comme ça que ça se passait pour les gens comme nous, les inadaptés de l’apprentissage du virilisme précoce. Je ne reviendrais pas sur le mot d’ordre si judicieusement choisi de la Pride parisienne, parce que je tiens à épargner les chatons que j’aurais envie d’écraser en représailles : « les discris au tapis » ? Mais le foot EST fondamentalement homophobe, bordel, et à mon époque – lointaine si vous le voulez, le système d’apprentissage du sport à l’école ETAIT fondamentalement sexiste et homophobe.

Deal with it.

Et au fait, puisqu’on en parle, de la grande inclusion par le sport, il y a combien de joueurs professionnels qui ont fait leur coming out ? Parce qu’on m’a dit que…

Mais laissons tomber et let’s celebrate.

Après tout, ce n’est que du football, n’est-ce pas ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte