Changement de paradigme, changement d'épistémè, changement de modèle d'idées
Quand la France change, à la Révolution par exemple, "tout" change. L'économie, les rapports sociaux, la place des églises, le système politique, l'éducation, la recherche, l'art, etc.
Tout change parce qu'il y a un profond besoin de changement.
2020 un profond besoin de changement ?
Les Français sont heureux d'avoir le monde entier sous la main grâce à Amazon et Ali express. Ils échangent avec leurs enfants grâce à la téléconférence. Leurs enfants trouvent du travail chez Amazon ou comme développeurs dans la technologie. Les Français rêvent d'un monde ubérisé où se termine le cauchemar multimillénaire : les impôts.
O.K. ! Je provoque mais qu'en est-il ?
Quel pourcentage de Français est suffisamment dérangé de son petit confort pour vouloir que ça change, pour pouvoir affronter la peur du changement ?
La crainte personnelle des idées nouvelles
Pour décrire cela nous avons besoins d’une où plusieurs métaphores.
La première est celle du château.

Illustration : Le château de notre pensée qui protège nos idées des agressions externes.
Un exemple d'idée : "il y a, autour de nous, des Don Quichotte écervelés et des Sancho".
Comme Quichotte et Sancho, nos idées sont très peureuses, elles ont peur d’être détruites ou transformées par des idées venant de l’extérieur de notre pensée.
Peter Sloterdijk utilise la métaphore des défenses immunitaires.
D'où Sloterdijk tire-t-il la métaphore des défenses immunitaires ?
Des pandémies genre corona ?
Les idées sont comme des symboles qui ont besoin d’un système de défense immunitaire pour se protéger des invasions des autres symboles.
Et la manière « ordinaire » de rencontrer ces symboles nouveaux et dangereux est de faire des expériences – expérience spirituelle, voyage, entreprise, expérience amoureuse, expérience créative, etc. (1)
La pandémie comme expérience qui renforce la résistance au changement
Une palette d'auteurs - Anzieu, O'Hanlon, etc. - décrivent un "moi-peau".
En situation de crainte d'une attaque virale, bactérienne, etc. le cerveau déclenche ses barrières immunitaires dans toutes les dimensions.
Il y a homothétie entre toutes les défenses :
- la cellule se défend
- les patrouilles de globules blancs se défendent
- les organes se défendent
- le moi-peau se renforce
- le château contre les idées neuves se renforce
Quelles sont les "idées neuves" qui font florès pendant la pandémie ?
Les théories du complot, les recettes miracle, etc.
Ce sont toutes des idées qui font écho à nos peurs archaïques, pas les idées qui ont un pouvoir de génération d'un nouveau modèle social !
Le kit de survie anti-virus : un exemple de résistance aux idées neuves
Une vieille idée neuve : le corps humain a la capacité de se défendre contre un virus à l'aide de deux catégories de plantes-médicaments.
L'idée est insoutenable car elle va contre deux idées du paradigme dominant :
- c'est le médecin qui sait soigner.
- les solutions de type technologique - médicaments de synthèse - sont les seules efficaces
Un pourcentage effrayant de Français préfère mourir plutôt que :
- se soigner lui-même = devenir celui qui sait
- se soigner par des plantes dont l'efficacité date de la naissance de la vie - et pas de la modernité
La crainte groupale des idées
Nous utiliserons la même métaphore du château qui, cette fois, représente le système d’idées d’un groupe.

Illustration : A gauche l'esquisse de Don Quichotte par Dali en 1946 fait scandale.
A droite Picasso en 1955.
Le château représente les idées esthétiques des artistes, des critiques et des acheteurs d’oeuvre avant 1946
Serge Moscovici décrit la crainte des idées manifestée par tout groupe humain.
Il propose quelques exemples, on peut en trouver en quantité.
Les Juifs ont peur des idées des premiers Chrétiens.
La métaphore est là avant Sloterdijk, Moscovici et le présent article : on dit « l’édifice idéologique » de la culture juive.
Moscovici dit « les idées sont comme des choses » – donc comme des armes, des béliers qui vont attaquer l’édifice idéologique.
Les Européens du 18ième siècle ont peur des idées des Lumières.
Les idées de Voltaire, de Diderot, etc. sont aussi comme des armes contre l’édifice social, religieux, conceptuel de leur temps.
Aujourd’hui, les écologistes – les multiples sortes d’écologistes – proposent des idées qui terrorisent les habitants d’un monde avec glyphosate, avec voitures polluantes, avec usines polluantes, avec mal-bouffe, avec antibiotiques (2)
Corona : un renforcement du modèle précédent
Le modèle précédent était-il celui des esquisses de la dernière décennie ou celui du siècle précédent ?
Fermeture de la brève parenthèse macronienne et pré-macronienne : fini "l'Etat coûte trop cher, la solution "business" coûte moins cher".
Retour d'un pouvoir médical centralisé par un Ministère de la Santé surpuissant.
Peut-être esquisse de surveillance du pouvoir de folie du dit ministère - voir les scandales en cours.
Renforcement de l'Etat : les Régions et autres collectivités territoriales sont court-circuitées pendant la pandémie.
L'Etat va reprendre la main sur quelques grosses entreprises.
Renforcement du business médicament : on ne parle que de vaccin et de médicament !!! Rien sur les alternatives.
Les hôpitaux continueront à acheter des respirateurs hors de prix - les autres iront en Afrique, c'est écrit partout !!!
Les "petits-chefs" lutteront à mort contre le télé-travail.
Les experts boursiers sont confiants : rien ne va changer ! (3)
Alors quel élément vraiment important va changer ?
à suivre ...
Notes
(1) Les termes de Sloterdijk : « Avec ma terminologie, on dirait que les vérités (que j’appellerai du premier ordre) sont des systèmes immunitaires symboliques. Les vies sont condamnées à un effort permanent visant à dresser leurs boucliers morpho- immunitaires contre les invasions microbiologiques et les lésions sémantiques (nous disons : les expériences) auxquelles elles sont exposées. » Dialogue avec Eric Alliez Revue Multitudes 2000
(2) Serge Moscovici : «Nul doute que, durant la plus longue période de l’histoire humaine, toutes les sociétés ont une seule crainte en commun : la crainte des idées. Partout, elles se méfient de leur action et des hommes qui les diffusent. A chaque époque, on commence par rejeter les groupes qui propagent une doctrine ou une croyance neuves : les chrétiens dans l’Antiquité, les philosophes des Lumières aux temps classiques, les socialistes à l’époque moderne. Et, en général, toutes les minorités qui ont l’audace de se rassembler autour d’une idée prohibée ou d’une vision inacceptable – un art déroutant, une science inconnue, une religion extrême, une promesse de révolution – et semblent vivre dans un monde à l’envers.» in La machine à faire des dieux
(3) Les "rois de la bourse" sont confiants : rien ne va changer : " La capacité d’oubli propre à l’homme illustre combien les répercussions économiques des pandémies sont brèves. Dans les années 1957-1958, la grippe aviaire a causé plus d’un million de morts, dont 116 000 aux Etats-Unis. La bourse s’essoufflait en février 1957 déjà quand, en Egypte, le président Gamal Abdel Nasser éjecta les colons anglais et français au terme de la crise de Suez.
L’affaiblissement dura tout l’été, mais les marchés se reprirent à l’automne, même si la pandémie n’était pas encore sous contrôle. Même scénario une décennie plus tard, lorsque les cours s’effondrèrent à cause de la grippe de Hongkong de 1968-1969, et ne se reprirent qu’à la mi-1970." in https://www.pme.ch/finances/2020/03/23/cycle-pandemies-lhistoire