Se garder du "durcissement du coeur"
Se garder du "durcissement du coeur" préconisait jadis le philosophe et psychanalyste Erich Fromm décédé en 1980.
J'avais abordé ce conseil sous l'angle du courage jadis (en 2012 sur ce blog cf 1): "Il ne faut pas confondre le courage et le cynisme. Le courage n’est pas la force des brutes viriles. Le courage humaniste consiste toujours à se restreindre dans sa riposte . Il faut une riposte mais elle doit être mesurée en fonction de la menace et du degré de l’indignité . Le courage de l’humanisme laique serait critique mais dosé. Face aux lampistes notamment, il s’agit d’être assertif dans son expression, c’est à dire non violent, amical et reconnaissant d’autrui mais d’une reconnaissance non falsifiée, ce qui est rare dès que l’on entre en entreprise."
Le propos "Se garder du durcissement du coeur" ne vaut pas en effet que pour les relations interpersonnelles, familiales, de travail ou militantes notamment syndicales. Elle emporte aussi, loin de l'étalage du "développement personnel", une dimension politique et critique notamment contre les élites dominantes, celles précisément portées, par un certain contexte compétitif malsain, à se montrer toujours plus dures que l'autre, que les autres. Se garder du "durcissement du coeur" nous préserve donc tendanciellement et possiblement - ce n'est pas une garantie - du sadisme, de la souffrance sociale infligée sous toute forme, de l'enfoncement dans les oppressions de tout type.
Le virilisme et la droitisation des élites (pas du peuple, mais il y a contagion) porte en effet à un tel durcissement "du coeur" mais aussi et surtout des paroles et des actes répressifs. Se garder de généraliser cependant. Certaines élites peuvent conserver le sens de la mesure.
Reste, me semble-t-il, que ce conseil frommien est largement oublié de nos jours ou c'est l'inverse qui devient la norme dans un monde ou la répression est cultivée. Il s'agit volontiers de punir "plus vite, plus haut, plus fort" dans une surenchère qui profite à l'extrême-droite et à certaines élites avec une tendance relative de type "sur-pénalisation d'en-bas" (le peuple) et "sous-pénalisation d'en-haut" (les classes dirigeantes).
Ce propos "Se garder du "durcissement du coeur" vaut "éthique de vie" dans la mesure il emporte une certaine retenue sur et dans les violences courantes et sur les vengeances courantes. Le propos vaut aussi forme de spiritualité laïque, hors question de croyance en Dieu, dans la mesure ou le pardon peut être demandé et accordé, souvent sous la formule banale quoiqu'inexacte : "veux-tu bien m'excuser".
Christian Delarue
... qui revient souvent sur Erich Fromm sans penser qu'il est "la solution" toute faite mais qu'il montre une orientation positive, contraire au mal, à la violence sociale.
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