Voici ce qu'a écrit Arnaud Guvenatam:
On voit et on entend beaucoup de choses ces derniers temps sur le fait que le candidat du Parti Communiste représenterait une partie de la population qui voterait RN, ces classes populaires trop longtemps abandonnées par les partis de gauche hypocagne, instruite et érudite. En gros, cette gauche barbecue qui veut de la « bonne viande issue de chez nous ».
QU’en est-il réellement? Actuellement Fabien Roussel oscille entre 2 et 4% selon les différents instituts de sondages. Alors je vais me baser sur le sondage Cluster 17 du 5 février où Fabien Roussel pointe à 3,5%, ce qui est la fourchette haute de ses scores.
En regardant les clusters (groupes sociologiques) qui se mobilisent autour de la candidature de Roussel, qu’observons-nous ? Il réalise ses meilleurs scores dans les clusters traditionnellement de gauche (13% Solidaires, 10% Multiculturalistes, 7% socio-démocrates (sic)). Dans les clusters traditionnellement de droite, notamment ceux mobilisés par Marine Le Pen et Zemmour, Fabien Roussel pointe en gros à 0% (Identitaires, Anti-assistanat, socio-patriotes et eurosceptiques pour ne citer que ceux-là). On peut donc affirmer que l’idée reposant sur le fait que Roussel parlerait à cette gauche qui aurait basculé chez Le Pen n’est qu’un fantasme de plateau télé, pour se faire plaisir, et surtout pour tenter de discréditer la campagne de Jean-Luc Mélenchon.
Pourquoi ? Parce que ce dernier est extrêmement puissant dans les clusters traditionnellement de gauche (46% Multiculturalistes, 27% Progressistes, 11% socio-démocrates, 47% Solidaires, 48% Réfractaires etc…). C’est d’autant plus vrai lorsque l’on regarde les reports de voix entre 2017 et ce qui constitue le score dans les intentions de vote. Roussel prend 8% des électeurs de JLM en 2017 et 9% de ceux de Benoît Hamon. Il prend 0% des électeurs de Le Pen en 2017.
Autrement dit, le vote Roussel correspond peu ou prou au vote communiste pur, à savoir quelque chose proche de 2%. Comme ce fût le cas pour Marie-George Buffet en 2007.
Il est reproché à Mélenchon d’avoir changé et que c’est ce qui expliquerait la perte des électeurs entre 2017 et actuellement. Il faut être étranger à la sociologie électorale pour affirmer de telles bêtises. Le socle traditionnel du vote JLM, c’est 12-13% comme le montre brillamment Stefano Palombarini. En 2017, c’était exactement cela. Au 14 février 2017, nous étions encore derrière Benoît Hamon. Ce qui a joué, c’est le programme, les débats, les meetings et in fine, la décision de ces gens hésitants à donner de la force à celui qui pouvait aller au second tour. Les 20% se jouent dans les trois dernières semaines.
Il est donc faux de dire que JLM a perdu son aura ou son socle, au contraire, il est plus solide aujourd’hui qu’il y a 5 ans puisqu’il réalise le double, voire le triple de ses concurrents à gauche.
Je propose une autre analyse sur l’abandon des classes populaires par la gauche et notamment le PCF. Ce n’est pas le méchant JLM qui a amené le PCF à 1,93% en 2007. Il y est arrivé tout seul, d’une part du fait de l’histoire et de la chute du mur et d’autre part, dans ses alliances à géométrie variable, mais toujours derrières les socio-démocrates. C’est Mélenchon qui redonne de la fierté aux idées communistes en 2012, puis en 2017, bien que la planche ait été soigneusement savonnée par une direction communiste aux abois et en recherche de maintien de ses élus finançant le Parti.
Les régionales et les départementales de 2021 n’ont rien arrangé à l’affaire. Partout, on a vu les mêmes alliances de circonstances avec le PS local pour sauver des élus, qui pour certains d’entre eux, cheminots, doivent être dans des majorités qui entérinent la privatisation et la mise en concurrence du rail. Bref, le vote efficace dans deux mois, c’est le vote Mélenchon. Et les 8000 personnes à Montpellier l’ont bien compris.
© Arnaud Guvenatam