Le 9 juin, Emmanuel Macron est en visite dans le Tarn. Au milieu d’un bain de foule se trouve Laura, 18 ans et lycéenne, qui va profiter pendant quelques instants de l’attention du président pour lui poser une seule question : « Emmanuel Macron, vous mettez à la tête de l'État des hommes accusés de viols et de violences sur les femmes. Pourquoi ? ».
Cette question est géniale. Parce qu’elle pointe la contradiction entre le discours et les actes de Macron qui avait, en façade, fait de l’égalité femmes-hommes sa « grande cause » du quinquennat. Parce qu’elle est enfin posée alors que le sujet — pourtant porté par de nombreuses militantes féministes — avait été soigneusement évité par les journalistes. Parce qu’elle émane d’une lycéenne qui nous montre bien que la génération à venir n’entend pas se laisser marcher dessus.
Cette question est géniale, parce qu’en plus de tous ces éléments, Laura demande « Pourquoi ?». C’est vrai ça, pourquoi ? Macron s’échappe tout en balbutiant quelques éléments sur la présomption d’innocence, mais personne ne s’y trompe : il n’a pas répondu. Laura n’est pas en train de demander si Darmanin est coupable ou innocent, ou les implications légales de la présomption d’innocence. Ce qu’elle demande c’est pourquoi Macron, en tant que chef de l’État, fait ce choix-là : pourquoi ? Quelles sont les raisons et les buts de ces nominations : pourquoi ? À quels impératifs il répond, quel message il veut envoyer : pourquoi ? Laura inverse la charge : il ne s’agit plus seulement de savoir si les hommes accusés de viols ou de violences sexistes et sexuelles peuvent ou ne peuvent pas légalement ou moralement continuer à exercer une fonction politique mais de savoir pourquoi ils le devraient ?
C’est à cause de ce « pourquoi » que les gendarmes se sont rendus dans le lycée de Laura le jour suivant, la sortant de cours pour l’intimider : sa petite question, elle n’aurait pas dû la poser. Imaginez un peu : une lycéenne demande à Emmanuel Macron de justifier ses actes. C’est la raison pour laquelle cette simple question fait autant parler d’elle et est reprise par des milliers de femmes sur les réseaux sociaux. Nous demandons toutes à Emmanuel Macron de se justifier : pourquoi ? Nous faisons toutes nôtre la question de Laura.
© Aurélie-Anne Thos
