Depuis 1963, à chaque grève de la SNCF, on entend dans les médias de masse la même ritournelle : les français sont pris en otage. Et c’est vrai que des prises d’otages il y en a bel et bien, mais ce qui est pertinent serait de se demander qui sont les preneurs d’otages.
Il ne faut pas remonter trop loin dans le temps pour avoir un exemple très éclairant. En 2008, lors de la crise économique, les banques privées avaient pris en otage l’État en l’obligeant à les sauver, car les laisser faire faillite revenait à plonger tout le pays dans une paralysie totale des échanges économiques et de la production collective. Les banques le savaient. Elles ont donc pris l’État en otage en l’obligeant à injecter 40 milliards d’Euros sortis des poches des contribuables et à se porter garant au niveau de 320 milliards d’euros.
D’autres prises d’otages aussi flagrantes ont lieu régulièrement, mais aucune n’est dénoncée comme telle. A plusieurs reprises les grandes entreprises qui se portent très bien, ont pris en otages leurs ouvriers en les menaçant d’un plan social s'ils envisageaient de refuser de nouvelles pertes de salaire et la dégradation de leurs conditions de travail comme c'est arrivé chez Renault en 2013: « travailler plus pour gagner moins, sinon, c’est la délocalisation » menacent-ils. En 2015, Carlos Goshn le PDG s’est versé 7,2 millions d’euros de rémunération....
Et c’est ainsi, en prenant le pays en otage que tous les jours les actionnaires, «les premiers de cordée» menacent de partir à l’étranger s'ils sont contraints de payer des impôts. Ils menacent aussi de ne pas investir en France si le travail leur coûte trop cher, c’est à dire si la protection sociale de leurs employés (votre protection sociale) les empêche de gagner encore plus d’argent. Et la rançon est payée puisque les dividendes versés aux actionnaires en France sont de plus en plus élevés chaque année.
Sous la pression et les menaces des actionnaires, l’État réforme le Code du travail pour en réduire le coût (le montant de vos salaires !). Il supprime les cotisations sociales, maladie et chômage, payées par les patrons et les remplace par la CSG que vous avez vu augmenter, et « compense » les travailleurs avec quelques broutilles pour leur donner l'illusion que leur pouvoir d’achat a augmenté, car l’État est complice.
Eh oui… il est complice, au point de se priver de 40 milliards d’euros de recettes fiscales lorsqu’il reverse aux entreprises le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) sans aucune contrepartie et sans qu’une vraie création d’emplois ait pu être constatée. Complice au point de supprimer pour les plus riches l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) qui le privera de 15 milliards d’euros, et « en même temps » prendre 5 euros d’APL aux plus démunis et traquer les chômeurs.
Bien entendu les médias, les meilleurs alliés de l’État, se gardent bien de parler de « prise d’otages » tout en nous rabâchant toujours la même histoire, nous expliquant que les grandes fortunes doivent absolument investir en France, en omettant de nous rappeler que ce qui crée la richesse n'est pas leur fortune mais notre force de travail.
Nous tenons le manche de la cognée et nous ne nous en sommes pas rendus compte…
Nous citoyen.es, appelés tantôt clients, tantôt usagers selon les circonstances, sommes les otages d’un État qui oblige les chômeurs à chercher un travail qui n’existe pas, sous peine de supprimer leurs indemnités, qui ponctionne les retraités au nom de la solidarité avec les jeunes, qui supprime des lits d’hôpital et du personnel soignant, qui dérembourse les médicaments, qui ferme des maternités, qui maltraite nos aînés dans les EPHAD, qui épuise le personnel, qui dégrade l’éducation nationale.
Nous sommes également les otages d’un État complice qui s’en prend à nos enfants en les privant du plus précieux des biens que la République puisse leur offrir : l’Éducation.
Comment agit-il ? L’OCDE (Organisation Internationale d’études économiques) - dont la France fait partie - vous l’explique dans son cahier n°13 intitulé « La faisabilité politique de l’ajustement » :
« si on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de services quitte à ce que la qualité baisse », « on peut réduire les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement » « l ‘apprentissage à vie ne saurait se fonder sur la présence permanente d’un enseignant mais doit être assurée par des prestataires de service éducatif. Les enseignants qui subsisteront s’occuperont de la population non rentable » « le maître mot de la nouvelle école-entreprise est le mot flexibilité. Il est urgent de développer la formation sur le tas pour fournir des postes de travail qui connaissent la plus grande augmentation : des emplois de vendeur, de gardiennage, d’assistant sanitaire, d’agent d’entretien, d’hôtesse d’accueil, de conducteur de camion, de remplisseur de distributeur de boissons ou d’aliments ».
La Commission européenne conclue en écrivant :
« Pour environ 25 % de la population scolaire, l’enseignement apporte une formation trop faible mais bien trop importante pour 40 à 50 % de ceux qui en bénéficient»
Ce n’est qu’après la lecture de ce texte que l’on comprend la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem et la sélection à l’Université de Jean-Michel Blanquer. L’éducation de la classe moyenne – ladite population rentable - sera prise en otage par des « prestataires de services éducatifs », c’est à dire des établissements privés, tandis que celle des non rentables sera reléguée à « la nouvelle « école-entreprise » publique qui formera des « employables » en accentuant de plus en plus les inégalités.
Bientôt ce sera le tour de la prise d’otages de la Santé, de la Justice et de l’Assurance Chômage. Après ce sera le tour des retraites, car tout cet argent socialisé qui échappe aux entreprises les fait saliver comme des loups affamés. Nous serons encore une fois pris en otage et ils trouveront toujours quelqu’un à accuser d'en être l'auteur comme aujourd’hui les cheminots, en propageant mensonges et discours manipulatoires.
Grâce à la conversion du statut d’EPIC à Société Anonyme pour la SNCF, la porte de la privatisation sera grande ouverte. Pourquoi ne le feraient-ils pas ? Ils ont juré les yeux dans les yeux qu’ils ne privatiseraient pas la téléphonie, l’électricité et le gaz et pourtant ils l’ont fait.
Si aujourd’hui les cheminots se battent contre la réforme de la SNCF et de leur statut - même si cette réforme ne concernera que les nouveaux employés – c’est pour éviter que nos jeunes deviennent de la main d’oeuvre précaire. Cela s’appelle fraternité, comme celle des étudiants universitaires qui se battent pour que les « non rentables » ne soient pas condamnés à ne devenir que des « employables ».
Et nous, la France Insoumise, nous battons à côté des cheminot.e.s, des étudiant.e.s, des enseignant.e.s des aides-soignant.e.s, des fonctionnaires, pour sauver le Service Public qui assure l'égalité entre les citoyen.e.s, et l’éducation, garante de la liberté des peuples.
Christian, Gala, Zoé, Flo, Françoise, Hervé.