Voilà, nous y sommes ! Comme je l’avais prévu dans mon billet du 27 août, la coalition macrono-lepéniste vient d’être mise au pouvoir, contre toute évidence démocratique par un président toujours plus autocrate.
Malgré d’énormes pressions sur le Parti Socialiste, le Nouveau Front Populaire est resté uni.
Il me semble que les quelques mois à venir vont être tout à la fois très agités et assez stables.
Très agités parce que le N.F.P et le mouvement social sont susceptibles de porter de rudes coups de butoirs à cette coalition d’extrême droite.
Assez stables, parce que je ne pense pas que le Rassemblement National ait intérêt à faire tomber rapidement un gouvernement que Macron a totalement placé sous son emprise. Je crois que le R.N va laisser passer le budget en y imprimant ses marques catastrophiques et qu’il ne votera la censure avec la gauche que dans quelques mois, lorsqu’il y pensera y avoir intérêt.
Assez stables aussi parce que l’unité du N.F.P n’a pas craqué alors que la candidature Cazeneuve était toute entière conçue pour attirer à droite le Parti Socialiste. Cette unité devrait maintenant se maintenir et se renforcer plus facilement face à un gouvernement macrono-lepéniste.
Je reprends donc mon questionnement du 27 août : comment penser à gauche les coups suivants ?
Le N.F.P va d’abord devoir répondre de façon habile et argumentée à la proposition de loi du R.N sur l’annulation de la réforme des retraites. Sauf à constater des attendus inacceptables, il me semble que la gauche doit saisir l’occasion d’abroger cette réforme inique, même si cela passe par le soutien à une proposition de loi R.N.
Pour le reste, je me limiterai aujourd’hui à une question : quelle place donner à Lucie Castet et comment la lui confirmer ?
Pour être clair, je vais préciser d’où j’écris : je suis un citoyen de base qui veut le succès de la gauche et du N.F.P mais qui n’est affilié à aucun des partis qui le constituent et qui ne se reconnaît totalement dans aucun d’entre eux.
Pour commencer à répondre à la question que je pose, je vais en changer un peu les termes et me demander, plus modestement, quelle place Lucie Castet elle même veut se donner dans cette aventure.
Elle y répond très clairement dans l’interview qu’elle a donné, hier 5 septembre à Médiapart :
J’ai cru comprendre que si j’avais refusé d’être candidate à Matignon, il (le NFP) n’existerait plus. Je ferai tout pour qu’il perdure parce que c’est ce qu’attendent les militants – ce qui est intéressant –, mais aussi et surtout les électeurs qui ne se sentent pas représentés par un parti. C’est une mission difficile et enthousiasmante, et j’y mettrai tout mon cœur. Je ne serai pas dans une position d’attente. Il faut parler aux Français. Je quitte mes fonctions à la mairie de Paris, je vais essayer de prolonger l’élan.
Il y a du travail pour que cette stabilité ( du NFP) soit maintenue. Il sera nécessaire de s’appuyer de nouveau sur la société civile, sur les forces syndicales, les collectifs, les associations. Cela contribuera à nous tenir ensemble. C’est un travail qui ne s’arrête jamais. La longévité du NFP jusque-là n’était pas acquise. On a été nombreux à craindre sa dislocation au lendemain des élections.
J’irai surtout là où les gens votent RN. Ce sera probablement assez désagréable, mais si on ne reste qu’entre nous, on ne risque pas d’élargir le socle électoral de la gauche. »
En ce qui me concerne, j’adhère totalement à cette proposition. En deux mois de temps, cette jeune femme que presque personne ne connaissait, s’est révélée une voix extrêmement précieuse à gauche et j’ai la conviction que sa place doit être maintenue et confortée.
Dans le courrier des lecteurs qui prolonge cette interview de Lucie Castet, j’ai émis l’idée qu’il fallait créer les conditions, financières et organisationnelles, pour qu’elle puisse assurer une responsabilité d’animation du mouvement social qui doit absolument accompagner le développement du N.F.P
D’autres lecteurs ont considéré que cela signifiait qu’elle devait prendre la tête d’un shadow cabinet.
Il me semble que la formule shadow cabinet, qui peut avoir son intérêt, ne répond pas de façon satisfaisante aux besoins de la période. C’est une formule très institutionnelle, qui va nécessairement s’appuyer sur des personnalités issues des partis du N.F.P pour porter la contradiction politique au gouvernement Le Pen/ Barnier/Macron. Je crois que les leaders de la gauche à l’Assemblée Nationale sont capables de mener ces combats, avec ou sans shadow cabinet.
Par contre, nous avons besoin qu’un immense mouvement populaire se structure pour accompagner, soutenir le N.F.P et aussi peser autant que nécessaire pour le maintien de son unité.
Nous avons besoin de ce mouvement populaire pour rendre le N.F.P véritablement majoritaire, au moins en sièges, lors des prochaines élections.
Cela suppose de convaincre des centaines de milliers d’électeurs du Front National et, encore davantage des centaines de milliers d’abstentionnistes, de voter à gauche lors des échéances électorales qui vont venir rapidement.
Cela me semble correspondre à ce que l’on pourrait appeler un parlement de l’Union Populaire et des comités locaux de l ‘Union Populaire.
Ce parlement et ces comités devraient chercher à fédérer et à faire travailler ensemble les centaines d’associations, de toute nature, qui ont appelé à voter pour le N.F.P et qui ont envie d’apporter leurs contributions aux réflexions et à l’action du N.F.P.
Ils devraient offrir un cadre d’action aux milliers de primo-militants qui ont assuré la victoire du N.F.P lors du second tour des législatives et qui ne se reconnaissent pleinement, dans un premier temps au moins, dans aucun des partis constitutifs du N.F.P.
Je pense que le mouvement social et les partis du N.F.P devraient confier à Lucie Castet le soin d’animer et de développer ce mouvement social.
Je propose que la forme organisationnelle de ce mouvement prenne la forme d’un parlement de l’Union Populaire que Lucie Castet serait chargée de développer et d’animer.
Je propose que quelques grandes associations du type ATTAC, se reconnaissant dans cette démarche, mettent en ligne une cagnotte permettant aux militants de gauche d’assurer l’autonomie financière de Lucie Castet et de la petite équipe qui serait chargée d’assurer avec elle, le fonctionnement de ce parlement de l’Union Populaire et de ses structures locales.
Je suis malheureusement assez vieux pour avoir connu 1981 et la victoire de François Mitterrand. A cette époque, les Socialistes évidemment mais le PCF aussi et les électeurs de gauche ont eu tendance à considérer qu’ils avaient assez fait en assurant le succès électoral de la gauche et ont eu tendance à se reposer sur le gouvernement et l’Assemblée Nationale pour assurer tous les changements promis. En l’absence d’un mouvement social accompagnant de façon combative et critique l’action des partis de gauche, la déception a très vite été au rendez-vous.
Ne commettons pas cette erreur aujourd’hui alors que l’on voit parfaitement que la mise en œuvre du programme, pourtant clairement réformiste, du NFP ne pourra se faire qu’avec le soutien résolu du mouvement social dans un moment où la grande bourgeoisie française ne cédera le moindre pouce de terrain que dans un processus de luttes de classe intenses.