A la suite des immenses manifestations d'hier, je crois qu'il est important de continuer à réfléchir sur les moyens véritables de faire reculer en France l'antisémitisme, tout aussi bien d'ailleurs que le racisme anti-immigrés et anti-musulman. Pour ce faire, je crois qu'une première exigence est celle de la lucidité et de la bonne prise en compte des études sociologiques et historiques qui existent sur ces questions. Il me semble lucide de reconnaître qu'aujourd'hui en France, les manifestations les plus dangereuses de l'antisémitisme proviennent des milieux populaires d'origine immigrée , essentiellement de cette partie qui est de confession musulmane. Il s'agit certes de la dérive fanatique d'une toute petite minorité mais c'est bien de cette partie du peuple français que proviennent les manifestations les plus meurtriéres d'anti-sémitisme et de refus général du débat d'idée. Le vieil antisémitisme français de type Action Française n'a pas disparu mais il a très fortement reculé ou plutôt il s'est transformé en un nouveau racisme anti-immigré.
J'ai lu que plus de 20.000 personnes avaient envoyé un hashtag "Je ne suis pas Charlie" qu'à peu près autant avaient adhéré à celui "Je suis Couaby". Il me semble que ces deux informations doivent être regardées pour ce qu'elles disent qui n'est pas absolument identique. J'ai vu que Tarik Ramadan avait déclaré : "Je condamne les attentats mais je ne suis pas Charlie Hebdo". Je me sens tout à fait Charlie Hebdo mais je peux comprendre que ce ne soit pas le cas de Tarik Ramadan ni celui de beaucoup d'autres musulmans et quand je vois Sarkozy ou Netaniayou prendre place dans une manifestation "Je suis Charlie", je pense que Cabu, Charb et Wolinski doivent s'étrangler de rire dans leurs tombes. 20.000 personnes qui reprennent à leur compte le hashtag "Je suis Couaby" c'est beaucoup plus inquiétant et il me semble que cela dit quelque chose de grave sur le désespoir d'une partie de la jeunesse, sur son sentiment d'être exclue de la société française. La lucidité c'est aussi de regarder cela avec la volonté de trouver des réponses républicaines, démocratiques et sociales. Il faut aussi essayer d'entendre ce qu'ont pu dire ces jeunes criminels de leurs motivations. J'ai lu qu'ils avaient déclaré que la vision des exactions américaines à Abou Graïd avaient été à l'origine de leur radicalisation et je comprends leur colère, même si j'en désapprouve totalement la forme. Il ne faut quand même pas oublier que l'invasion américaine en Irak, sur la base de documents falsifiés et pour des motivations profondément réactionnaires et impérialistes, a aggravé considérablement la situation. Et puis, il est aujourd'hui absolument scandaleux qu'un jeune parte en Syrie pour combattre mais si Barak Obama n'avait pas "canné" à la dernière minute, la lutte contre le pouvoir syrien serait aujourd'hui une grande cause nationale et les médias exhalteraient l'héroîsme des combattants de la liberté. Il faut avoir un diplôme de Sciences Po et une bonne connaissance de Machiavel pour déchiffrer les zig-zags des puissants de ce monde!
Enfin, pour en rester aux considérations politiques, j'ai la conviction que le soutien inconditionnel du gouvernement français au gouvernement israélien pendant les récents massacres de Gaza aggrave considérablement l'antisémitisme. Il y a le sentiment très fort, et que je partage, que les Israéliens ont tous les droits, que 2000 morts palestiniens ne pésent rien. J'espére sincérement que Netanyaou et Libermann seront un jour traduit devant la Cour Pénale Internationale et condannés pour crimes de guerre. Je pense que l'un des moyens dont dispose le gouvernement français pour faire reculer l'antisémitisme "dans les banlieues", c'est de mettre fin à l'alignement inconditionnel de la France sur la politique criminelle du gouvernement Israélien, à ce sentiment, malheureusement justifié, qu'il y a deux poids et deux mesures.