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Billet de blog 15 mars 2023

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QUE FAIRE?

Quelle que soit l'issue finale de la lutte contre la loi de régression sociale sur les retraites, nous devons renforcer la NUPES, avec et parfois contre les partis qui la composent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je vais continuer à participer à l’ensemble des actions décidées par l’intersyndicale pour s’opposer à la loi de régression sociale sur les retraites. Je continue à espérer que ce très puissant mouvement finira par contraindre le gouvernement à abandonner son projet de loi.

Cependant, il commence à être temps d’engager la réflexion sur les suites à donner à cette lutte d’une intensité inégalée depuis longtemps qui se heurte pour l’instant à un blocage absolu et profondément méprisant d’un pouvoir qui utilise, sans aucune vergogne, les nombreuses dispositions anti-démocratiques inscrites dans la constitution de la Vème République et le pouvoir d’échouissement des grands médias.

Il est maintenant absolument clair que l’élite dominante considère qu’elle n’est plus en état de faire le moindre compromis avec le peuple, les mouvements sociaux et les forces de gauche. Le refus obstiné et incompréhensible au plus grand nombre de toute taxation des ultra-riches, la dégradation continue et voulue des services publics, les lois de régression sociale sur le chômage et sur les retraites mettent dans une lumière crue et rare que le maintien du taux de profit pour le grand capital ne peut passer aujourd’hui que par une aggravation brutale de l’exploitation du plus grand nombre. Médiapart a très bien analysé ce point récemment.

Dans cette situation, quelles sont les perspectives pour le mouvement social et dans quelle situation politique nouvelle allons-nous nous trouver ?

A court terme, certains parlent de durcir le mouvement social, d’aller vers des actions de type « gilet jaune » ou plus radicales encore.

J’en rêve aussi fréquemment mais, cependant, ce genre d’évolution ne se décide jamais d’en haut. Contrairement à ce que pense la droite, ni la C.G.T, ni Jean-Luc Mélenchon ni personne ne dispose du bouton sur lequel appuyer pour déclencher la grève générale illimitée ou des opérations de guérilla urbaine.

Par ailleurs, le pouvoir est parfaitement préparé à gérer, sans pitié, la répression d’éventuelles jacqueries ou des blocages syndicaux dans des secteurs particuliers. Il l’a bien montré avec la façon dont il est, finalement, parvenu à venir à bout du mouvement des gilets jaunes.

Le mouvement syndical gère superbement le mouvement d’expression du refus de cette loi par la quasi-totalité des salariés. En d’autres temps, il aurait pu espérer que la puissance du refus populaire aurait fait reculer le pouvoir. Je pense qu’aujourd’hui le silence et le mépris d’Emmanuel Macron vont imposer des remises en cause considérables qui vont, à coup sûr, prendre du temps à se déployer pleinement mais qui sont inévitables.

Il n’y a plus aucun « grain à moudre », il n’y a plus la  moindre place pour le dialogue social avec le duo droite dite républicaine et macroniste, au moins à l’échelle nationale.

La constatation est amère pour tous les syndicats. Elle l’est particulièrement pour la CFDT qui s’est construit comme un syndicat de négociation sociale et qui risque de devoir constater l’impasse de sa stratégie « raisonnable » à distance de tous les partis politiques.

Cependant, avec des nuances, le problème se pose pour tous les syndicats français.

Puisqu’il devient clair que plus rien de significatif ne peut être obtenu de ce gouvernement des puissances d’argent, les syndicats, pour la défense même de leurs mandants, ne vont pas pouvoir éviter de se poser la question de leur rapport au politique et plus concrètement, de leur contribution à la victoire d’une gauche anticapitaliste véritable.

Ceci, d’autant plus que les médias dominants nous annoncent que tout ce mouvement social risque finalement de profiter au seul Rassemblement National et de le faire arriver au pouvoir.

En ce qui me concerne, je ne suis pas convaincu que les péripéties concrètes de la lutte en cours contre la loi de régression sociale sur les retraites profitent automatiquement à ce parti. Je pense que le peuple français qui a eu l’intelligence de parfaitement comprendre le projet des Macronistes et de la droite sur les retraites est aussi assez avisé pour bien voir l’attitude en écrevisse de Marine Le Pen dans cette lutte.

Je ne pense pas que le peuple soit en train de basculer dans les bras du Rassemblement National. Je pense, au contraire, que devant le rétrécissement de leurs marges de manœuvre politique, c’est la droite traditionnelle et les alliés d’Emmanuel Macron qui sont en train de préparer une tentative de grande coalition Renaissance-Droite-Rassemblement national qui devient leur dernier moyen de préserver le pouvoir des  Ultra-riches. La notabilisation des députés frontistes ne vise pas à séduire l’électorat populaire, elle vise à rendre acceptable en France un gouvernement de type Melloni. Le Rassemblement National doit parvenir à se « notabiliser » tout en continuant à simuler une sensibilité sociale.

Renaissance sort à poil de la loi retraite. Il est très probable que la prochaine grande confrontation électorale aura finalement lieu entre un bloc des droites extrêmes et un peu moins extrêmes et, espérons le un bloc de gauche, concrètement la NUPES.

Et oui, la NUPES, il faut bien en parler car la situation française différe sur ce point essentiel de celle de l’Italie!

Dans la diversité de ses composantes et avec LFI comme force dominante, elle constitue la seule véritable possibilité de construire un récit positif offrant une perspective crédible à tous ceux que l’attitude du pouvoir cherche à conduire à l’abstention ou dans les bras du Front National.

Il suffit de lire et d’écouter l’incroyable virulence de l’ensemble des médias dominants à l’égard de la moindre erreur ou supposée erreur d’un parti de cette coalition et singulièrement de L.F.I pour ce rendre compte que l’existence de cet espoir à gauche leur est absolument insupportable.

Dans la situation politique et sociale où nous sommes, c’est de l’existence et du renforcement de la NUPES que dépend la possibilité de battre en brèche les puissances de l’argent.

Dans la diversité des composantes et en trouvant le moyen d’élargir encore ce mouvement en y associant, dans le respect de leurs spécificités, les grandes associations sociales, humanitaires et écologiques et les syndicats.

Pour les simples citoyens comme moi, il devient indispensable de mettre sur pied ou de renforcer des comités locaux NUPES capables d’imposer à chaque parti le respect des autres, la recherche, chaque fois que possible de l’unité, mais aussi l’acceptation de la diversité.

Ceci, sur la base du programme qui a été signé par les quatre partis, programme qui pourra être amélioré mais dont l’orientation de transformations sociales radicales doit être maintenue et développée.

C’est dans ce cadre élargi que le mouvement syndical pourrait trouver sa place originale dans le respect de son autonomie.

L’opinion courante, largement façonnée par les médias dominants est que la NUPES est un échec, un conglomérat de pure convenance électorale destiné à éclater à brève échéance.

Malgré des épisodes difficiles, je constate pourtant que cette alliance tient bon et je veux croire qu’elle va se renforcer.

La bataille en cours sur les retraites offre une image d’actualité de ce qui fonctionne et de ce qui pose problème dans cette alliance.

A partir du moment où l’ensemble du mouvement syndical et 3 des 4 composantes de la NUPES étaient d’avis que l’article 7 devait pouvoir être discuté, je regrette que LFI n’ait pas placé le souci d’unité avant d’autres considérations tactiques qui avaient cependant leur pertinence.

En laissant les médias dominants jouer à nouveau des grandes orgues sur la désunion de la gauche, L.F.I a commis une erreur.

Je me  réjouis de sa  position de force dominante à gauche mais elle lui impose d’avoir une attention de tous les instants au maintien de l’unité dans la diversité de cette coalition.

Cependant, les Insoumis ont fait en sorte que la loi ne soit pas votée à l’Assemblée Nationale et j’ai remarqué que Laurent Berger même, qui avait condamné violemment cette tactique, s’est appuyé sur ce non-vote et sur le risque du 49-3 pour appeler à renforcer le mouvement d’opposition. De la même manière, les sénateurs communistes, socialistes et verts ont mené au Sénat un combat finalement assez voisin de celui qu’ont fait prévaloir les Insoumis à l’Assemblée Nationale et qui contribue à marquer cette loi d’un sceau indélébile d’illégitimité démocratique.

Au final, des divergences tactiques momentanées entre partis de la NUPES et syndicats, mais un combat où toutes les forces de gauche continuent à tirer dans la même direction.

Dans ces conditions, chaque responsable de gauche doit apprendre à exprimer ses convictions, y compris celles qui le différencient de ses partenaires de la NUPES, d’une manière qui offre aussi peu de place que possible aux attaques de la droite et des médias dominants.

Lorsque Marine Tondelier déclare à France Inter qu’elle ne lit plus les tweets de Jean-Luc Mélenchon qui appelait à un référendum ou à la dissolution de l’Assemblée Nationale, elle est inutilement désagréable et les journalistes s’emparent immédiatement de sa déclaration comme d’une prise de position anti-NUPES d’autant plus regrettable que, dès le lendemain, Philippe Martinez et Laurent Berger vont endosser cette proposition de référendum que Jean-Luc Mélenchon était parfaitement fondé à émettre.

On le voit bien, même si la NUPES a tenu bon jusqu’à maintenant, son existence est un combat permanent qui devrait devenir l’affaire de tous ceux qui, comme moi, se veulent de gauche sans jamais parvenir à s’identifier totalement à un et à un seul des partis qui constituent la NUPES.

Chacun des partis composant cette coalition cherche à exprimer sa vérité et à faire prévaloir sa couleur particulière dans la NUPES. C’est tout à fait normal mais nous aurions besoin de comités de soutien et de vigilance NUPES capable de dire à l’un ou à l’autre quand cela est nécessaire : « Halte là, vous mordez le trait, vous n’êtes plus dans l’expression de votre sensibilité mais dans une démarche de division dont la droite et les médias vont s’emparer pour tenter de nous désespérer ».

Ces comités de soutien NUPES vont être bien nécessaires lorsque nous allons nous rapprocher des élections municipales puis des Présidentielles et des législatives.

Pour faire gagner les forces de progrès social et empêcher les puissances de l’argent de mettre au pouvoir le Rassemblement National, il va nous falloir imaginer des manières nouvelles de développer l’unité et la diversité du mouvement populaire. Les deux, mon capitaine !

Selon son parcours politique, on pourra parler de créer un Fronte Amplio s’inspirant d’expériences sud-américaines ou un parti démocrate de type nord-américain. Si cela se fait dans le respect du programme de transformation sociale dessinée par le programme de la NUPES, il s’agit toujours d’arriver à faire travailler ensemble une immense diversité d’acteurs.

Le parlement de l’Union Populaire mis en place par L.F.I était incontestablement un pas dans la bonne direction mais quand arriverons-nous à avoir un parlement de la NUPES ?

Comment allons-nous parvenir à avoir, le moment venu, un candidat unique de la NUPES à l’élection présidentielle ?

Maintenant qu’il existe un socle programmatique commun aux quatre partis de gauche, une primaire NUPES devient envisageable pour la Présidentielle mais nous voyons bien que nous allons avoir un rude chemin à accomplir pour empêcher les intérêts de boutique partisane de prévaloir à gauche.

Toutes ces questions sont devant nous et se résument finalement à une seule : la gauche unie, dans sa diversité, va-t-elle parvenir à construire un récit de transformation sociale capable de convaincre une majorité de français de s’attaquer aux chantiers du futur de façon positive.

C’est à cette seule condition qu’il sera possible de mettre en échec la stratégie des puissances d’argent visant à faire du Rassemblement National et de sa xénophobie le nouveau masque du maintien de leur domination.

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