Dans une fête de l’Humanité qui a constitué un très grand moment d’unité de la gauche, bien au delà de la polémique lancée par François Ruffin, les questions et les réflexions ont été innombrables quant à la manière dont il allait être possible de battre l’union de fait du Rassemblement National et de la droite macroniste.
Les questionnements anciens de François Ruffin sur la nécessité d’unir la France des tours et la France des bourgs participaient de ces réflexions. Le retour d’expérience d’un jeune député comme Raphaël Arnault qui vient de l’emporter dans le Vaucluse, sur une terre frontiste, avec une ligne clairement antifasciste et décoloniale, tout autant.
De nombreux travaux de chercheurs comme Félicien Faury, Frédérique Matenti, Vincent Tiberj, Pierre Dardot et de nombreux autres apportent des éclairages essentiels et vont, sans aucun doute, contribuer à enrichir le programme et la stratégie du Nouveau Front Populaire dans les mois qui viennent.
En même temps, il faut répéter et répéter encore qu’il y a deux conditions essentielles qui vont permettre de décrocher des millions d’électeurs du vote Rassemblement National et assurer le succès du N.F.P : le renforcement de son unité autour d’un programme de rupture.
Or, chose extraordinaire, ces deux conditions sont réunies depuis la décision de dissolution d’Emmanuel Macron. Conçue pour casser la gauche, la dissolution lui a permis de s’unir autour d’un programme de rupture, dont, à la différence de celui de la NUPES, les quatre partis (trois et demi pour être honnête) se disent satisfaits. Depuis le second tour des législatives, les pressions de la droite macroniste et des éditocrates ont été considérables, pour casser cette unité « factice », « honteuse », « à la botte de Mélenchon », j’en passe et beaucoup de meilleures. Malgré cela, cette unité a tenu et s’est renforcée. Le Parti Socialiste ne s’est pas aligné sur Cazeneuve aucun baron social-démocrate n’a rejoint le gouvernement de Michel Barnier.
C était d’autant plus prévisible que la droite macroniste a bien montré qu’elle n’était prête à absolument aucun compromis pour attirer à elle les sociaux démocrates qu’elle souhaitait mettre à son service.
En évitant de se flageller excessivement Marine Tondelier et les Verts semblent avoir tiré une leçon très unitaire de l’échec de leur parti aux Européennes et, encore plus extraordinaire, cela semble aussi être le cas de Fabien Roussel.
Trois des quatre partis qui composent le N.F.P me semblent donc aujourd’hui fermement et sincèrement décidés à maintenir cette unité. Je n’aurais pas pu écrire cela, il y a un an.
Chaque mois qui passe nous rapprochant d’élections législatives anticipées, le Parti Socialiste dont une partie significative aimerait se dégager de cette union, n’a pas d’autre choix réaliste que d’y coller en espérant en redevenir la force dominante.
Cependant, il est permis de penser qu’Olivier Faure et Boris Vallaud vont sortir renforcés du prochain congrès du P.S dans la mesure où ils ont, malgré tout, rappelé à la vie un parti sub-claquant.
Et après tout, le parti socialiste est dans son droit en essayant de redevenir la force dominante de la gauche , c’est même son devoir de parti comme c’est celui des Verts ou celui des Insoumis.
L’Union n’est pas une uniformisation. Chacun des partis amène ses réflexions, ses manières d’agir, des éléments programmatiques et tactiques. Lorsque cette compétition est régulée, elle constitue une richesse de la gauche et non une faiblesse.
Dans cette compétition, la question du programme est essentielle.
Les quatre partis du NFP se sont entendus sur un programme de rupture avec la doxa néo-libérale mise en œuvre par Emmanuel Macron et, il faut malheureusement le dire, par le Parti Socialiste et ses alliés Verts précédemment.
Ce programme porte la marque dominante des Insoumis et c’est une très bonne chose. Il porte cependant la marque des préoccupations des Verts et des communistes beaucoup plus que celui de la NUPES et c’est une excellente chose.
La moitié Hollande-Delga-Glucksmann du Parti socialiste ne s’y reconnaît pas et voudrait y voir un simple « programme électoral » dont il est possible de se dégager puisque les élections sont maintenant passées. Etrange conception qui semble donner au programme du NFP la seule fonction de gagner les élections et qui considére que l’on peut s’en dégager dès les élections passées. Une version modernisée du slogan « Mon ennemi, c’est la finance » dont nous avons payé pour savoir qu’il perd toute signification au soir de l’élection.
Au delà du caractère moralement très discutable de cette attitude, il faut insister sur le fait qu’elle n’a aucune pertinence politique dans la période que nous vivons. D’ici, 9 à 10 mois, nous allons vers des élections législatives anticipées dans lesquelles le N.F.P va affronter prioritairement le Rassemblement National et très secondairement le bloc macrono-filloniste.
La seule manière de convaincre une majorité de français c’est de renforcer l’unité du Nouveau Front Populaire autour du programme de rupture adopté par les quatre partis.
Antonio Gramsci parlait du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté.
Il nous faudra beaucoup d’optimisme et de volonté pour battre la droite et l’extrême droite. Le pessimisme de l’intelligence pourrait nous conduire à l’idée que la gauche va à nouveau et comme toujours se diviser et assurer le succès final du R.N. C’est d’ailleurs la pensée convenue, mille fois répétée dans tous les médias dominants.
Si l’élection présidentielle constituait l’horizon immédiat, ce pessimisme pourrait avoir sa justification, compte-tenu du caractère inévitablement conflictuel de cette compétition. J’ai la conviction qu’Emmanuel Macron, qui ne peut plus se représenter, voudra aller jusqu’au terme de son mandat. Dans ces conditions, ce sont des législatives et des municipales qui nous attendent et ces deux élections sont favorables au maintien de l’unité de la gauche. L’analyse concrète de la situation politique actuelle me conduit à l’idée, pour une fois optimiste, que le programme du N.F.P va être défendu par une union des 4 partis de gauche qui va se renforcer dans les mois qui viennent. En agissant ainsi, le NFP va se mettre en position de gagner les prochaines élections. Les vraies difficultés commenceront le lendemain de cette victoire électorale.
Optimisme de la volonté donc mais également optimisme de l’analyse, pour l’année qui vient tout au moins !