En 1923, c’est curieusement un coup dur boursier qui a ruiné le jeune couple formé par André et Clara Malraux et les a conduit à organiser un étonnant « vol » de statues dans des temples au Cambodge.

Une ruine financière au Mexique bien étrange
En 1921, alors âgé seulement de 20 ans et tout juste marié à la relativement riche Clara, l’étonnant personnage décide de spéculer avec la fortune de sa femme sur des actions minières au Mexique. Clara le raconte elle-même dans son livre témoignage « Nos vingt ans ». Le mécanisme financier de cette mauvaise affaire est plus simple qu’un CDO mais la ruine est bien réelle.
Difficile d’en savoir plus sur cet étonnant investissement pour un jeune homme de vingt ans. Le Mexique achève une période de révolte de 10 ans (1910-1920) et les tensions entre francs-maçons, membres du gouvernement, et paysans catholiques sont de plus en plus vives et dégénéreront plus tard en guerre des Cristeros. Parallèlement, les tentions sur le marché des devises sont fortes, l’Allemagne devait rembourser ses dettes.
Sauvé par la NRF
Mais revenons à l’Asie. Pour se reconstituer un patrimoine - car ne souhaitant pas travailler - l’iconoclaste Malraux, décide de chercher, pour les revendre, des statues de pierres dans la région des temples d’Angkor au Cambodge. Obtenant un ordre de mission du Ministère des Colonies et bien informé en amateur du musée Guimet, son choix se porte sur le site très particulier de Banteaï-Srei.
Bien avant Lara Croft, incarnée par Angelina Jolie (devenue en 2005 citoyenne cambodgienne,) et dans un style probablement proche d’Indiana Jones, le jeune Malraux parcourait la jungle aux environs de Siam Reap en 1923. Il ne pu le faire que grâce à l’aide de l’Ecole Française d’Extrême Orient. Malheureusement pour lui, bravant l’interdiction du Roi, il fût dénoncé. Plus tard au même endroit, dans années 1970, un célèbre représentant de l’Ecole, François Bizot, y sera victime des Khmers rouges.
Le Cambodge était à l'époque à 4 semaines de bateau depuis la France. On peut dire que la démarche est culottée pour un aussi jeune couple. Comment cette audace va t-elle changer son destin ? Tout simplement par l’échec, l’arrestation puis la prison à Phnom Penh. Malraux n’en sorti rapidement que grâce à un vif soutien depuis Paris. Notamment grâce à la pétition signée par les Gide, Mauriac, Breton, Aragon et Gallimard. Les pierres volées n’ont jamais quittées le Cambodge.
Le retour pour une juste cause
Mais loin d’oublier l’Asie et peut-être pour réparer l’erreur, Malraux s’est lancé, avec peu de succès, dans l’édition d’un journal baptisé "L’Indochine" pour défendre le peuple Vietnamien contre les excès de l’autorité coloniale. Le Film éponyme réalisé par Régis Wargniez en est une bonne illustration.

N’oubliez pas. Le Cambodge est aujourd'hui un pays dont les enfants de moins de 14 ans représentent 33% de la population (âge moyen 21 ans) et les spéculations financières - surtout sur les matières premières alimentaires- de ces derniers temps ne les aident pas beaucoup.

Enfants sur le site de Banteaï-Srei
De ce périple, Malraux en a fait un roman dont le titre plait aux socialistes d’aujourd’hui : La Voie Royale.