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Billet de blog 9 décembre 2024

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Et maintenant !

À l’Assemblée Nationale, nous avons assisté le 4 décembre à une journée qui fera date dans notre histoire récente. La Ve République est marquée par des dates, elles défilent et puis sortent de notre mémoire collective. Elles jalonnent le chemin des soubresauts de la République, de l'évolution de notre société de moins en moins en phase avec nos institutions.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l’assemblée nationale, nous avons assisté mercredi 4 décembre à une journée qui fera date dans notre histoire récente. Un gouvernement est tombé 62 ans et 2 mois après celui de Georges Pompidou. Michel Barnier est devenu le plus éphémère premier ministre (91 jours à Matignon) des 27 titulaires de la charge de la 5ème République. Ironie de l’histoire, dans cette situation rarissime de renversement de gouvernement, Michel Barnier succède à Georges Pompidou détenteur du record de longévité avec 74 mois et 26 jours, soit 2 279 jours de 1962 à 1968.

Dans le flot continu de l’information, des marées incessantes de commentaires, il s’avère utile de prendre le temps de mesurer le moment que nous vivons et de l’analyser dans un temps plus long.

Ce mercredi 4 décembre 2024 marque la fin d’un cycle, c’est l’histoire de notre Ve République.

En vigueur en France depuis le 4 octobre 1958, en 2028 elle dépassera la longévité de la IIIe République. Cette vieille République proclamée le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite militaire de l'Empire à Sedan, après avoir surmonté la première guerre mondiale, s’éteindra dans le déshonneur avec le vote les pleins pouvoirs à Philippe Pétain et dans la défaite de juillet 1940 face aux forces allemandes.

La grande particularité de l’élaboration de la nôtre Constitution celle de 1958 réside dans sa confidentialité.

La mise en place de la Cinquième République s'est opérée selon une procédure non constitutionnelle et a été considérée, par des juristes et de nombreuses personnalités politiques, comme un coup d'État : en effet, la Quatrième République ne prévoyait pas la possibilité de modifier la Constitution par référendum. Ces conditions de naissance pour le moins particulières nourriront jusqu’à aujourd’hui un certain sentiment de rejet de la Vème République et expliquent donc en partie l’importance de la revendication portant sur la mise en place d’une VIème République.

En 1958, les travaux constituants sont préparés par un groupe d’experts sous l’égide d’un seul homme le garde des Sceaux Michel Debré. Ce nouveau régime est qualifié de régime parlementaire à exécutif fort ou de régime semi-présidentiel. En 1962 le général Charles De Gaulle veut changer la règle et instaurer l'élection du chef de l'État au suffrage universel. Une motion de censure est votée à l’assemblée le 4 octobre 1962, le gouvernement est renversé. En réaction le Général de Gaulle dissout l’assemblée. Les victoires écrasantes des gaullistes au référendum d’octobre 1962 et aux élections législatives de novembre 1962 vont renforcer la légitimité du général de Gaulle et maintenir Georges Pompidou à Matignon jusqu’en 1968. C’est le début de la pratique personnelle du pouvoir que dénoncera en 1964 François Mitterrand dans son essai « Le Coup d'État permanent ». Le premier scrutin de ce type a lieu en 1965 et se conclut par la réélection du Général. Élu au suffrage universel direct, c'est-à-dire par le peuple directement, le président de la République bénéficie d'une légitimité démocratique en concurrence avec celle de l'Assemblée nationale.

La Ve va connaitre de nombreux soubresauts et le premier que j’identifie c’est mai 68. La plus massive mobilisation sociale et sociétale du XXème siècle avec 10 millions de personnes en grève et une contagion dans toutes les sphères de la société. Les événements de mai-juin 1968 marquent une révolte spontanée antiautoritaire de la jeunesse contre le pouvoir gaulliste en place, la République est ébranlée. En réaction Le président De Gaulle annonce, dans son allocution du 24 mai 1968, la tenue d'un référendum. Le 27 avril 1969, les Français rejettent le référendum sur la régionalisation et la « rénovation » du Sénat. Désavoué, Charles de Gaulle quitte ses fonctions de président de la République, comme il s’y était engagé.

Georges Pompidou va lui succéder en 1969. Malgré le bon score du candidat du PCF, Jacques Duclos (21,3 %), aucun candidat de gauche ne se qualifie pour le second tour. Suite au décès en 1974 du président de la République c’est le ministre des Finances Valéry Giscard d'Estaing qui devient le champion de la droite au détriment de l’ancien premier ministre gaulliste Jacques Chaban-Delmas. Il est opposé à François Mitterrand, de nouveau candidat après 1965, leader socialiste de l’union de la gauche. Cette élection présidentielle, marquée par des débats intenses, est la plus serrée de l'histoire de la Ve République, 425 000 voix d'avance pour VGE, avec un record historique de participation pour un second tour, de 87,33%. A noter la première participation d’un candidat écologiste René Dumont (1,3 % des suffrages exprimés) et la première candidature de Jean-Marie Le Pen du Front national (0,75 % des suffrages exprimés). Je retiens du mandat de Valéry Giscard d’Estaing, au niveau institutionnel et sociétal, l'abaissement de l'âge de la majorité électorale et civile de 21 à 18 ans qui aura des conséquences lors des prochaines élections.

L'Union de la gauche éclate en septembre 1977, les communistes accusant les socialistes d'opérer un virage à droite, et les socialistes reprochant aux communistes d'être responsables d'une éventuelle défaite de la gauche lors des prochaines élections. Lors de la campagne présidentielle François Mitterrand n’est plus candidat de l’union comme en 1974 il a sur sa gauche la candidature de Georges Marchais. 10 mai 1981 fait majeur de la Ve, la gauche accède au pouvoir avec l’élection à la Présidence de la République, après sa troisième tentative, de François Mitterrand. Il est élu avec un programme portant notamment sur les nationalisations, la réduction du temps de travail et le désarmement nucléaire. Un programme bien plus radical que celui de l’Avenir en Commun et du Nouveau Front Populaire, aujourd’hui ce programme de gauche serait caricaturé d’« ultra extrême gauche ». Mais l’auteur de l’essai de 1964 Le Coup d'État permanent va très vite endosser le costume d’un président de la Ve République.

C’est la rupture en Mars 1983, le gouvernement Mauroy tourne le dos à son programme, à ses engagements, à son histoire et se rallie à une conception libérale. C’est le tournant de la rigueur. Le gouvernement se retrouve dans l’incapacité d’appliquer une politique de gauche, la mise en scène médiatique du Front National pour affaiblir la droite et diviser les classes populaires est lancée. Jean-Marie Le Pen, candidat pour le Front national en 1974, n’a pas eu la possibilité d’entrer dans la compétition électorale de 1981 faute d'un nombre suffisant de signatures d'élus suite à la réforme adoptée en 1976 portant le nombre de signatures de 100 à 500.  13 février 1984, sur Antenne 2, Jean-Marie Le Pen a pour la première fois de sa carrière, les honneurs de L’Heure de vérité, l’émission politique la plus prestigieuse de l’époque . Trois mois plus tard, le Front national recueille 10,95 % des voix aux élections européennes.

17 décembre 1984 : publication d’une tribune « Pour être modernes soyons démocrates ! » de Jean-Yves LE DRIAN, Jean-Pierre MIGNARD, Jean-Michel GAILLARD et François HOLLANDE, c’est l’acte de décès du Parti Socialiste avec un projet démocrate rejoignant l'essentiel des thèses de la droite, maquillé par quelques réformes sociétales.

24 septembre 2000 : les français votent la réforme constitutionnelle renforçant le pouvoir présidentiel avec la réduction de la durée du mandat du président de la République française en remplaçant le septennat, instauré en France en 1873, par le quinquennat. C’est l’alignement des élections législatives avec celle de la Présidentielle.

21 avril 2002 : c’est un séisme politique avec Jean-Marie Le Pen (FN) au second tour de l’élection présidentielle, le Premier ministre Lionel Jospin favori des sondages est évincé.

29 mai 2005 : le peuple français dit non par référendum au traité constitutionnel. Contrairement à Charles de Gaulle en 1969 le président de la République Jacques Chirac ne démissionne pas. Le Conseil européen de Lisbonne des 18 et 19 octobre 2007 adopte un nouveau traité européen. 4 février 2008 il est voté par les parlementaires français en Congrès à Versailles. Ce déni de démocratie est un accélérateur de l’abstention et une gifle des élites vis-à-vis du peuple. La blessure reste béante.

6 mai 2012 : un des auteurs de la tribune « Pour être modernes soyons démocrates ! » François Hollande est élu à la Présidence de la République. La gauche, à la tête de tous les leviers de la République, va continuer une politique néolibérale et installer Emmanuel Macron au ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique. 1er décembre 2016 très impopulaire François Hollande renonce à briguer un second mandat, jamais, depuis 1958, un président de la République n'avait renoncé à se représenter après un seul mandat. C’est la faillite totale de cette gauche dite de gouvernement. Depuis la gauche sera absente du second tour des élections présidentielles, Emanuel Macron sera élu en 2017 et 2022 par défaut face à l’extrême droite.

19 juin 2022 : pour la première fois depuis les législatives de 1988 et l'instauration du quinquennat en 2000, le président nouvellement élu ne dispose que d'une majorité relative dans la foulée de l'élection présidentielle. Cette élection marque le début du tripartisme avec trois blocs la gauche, les libéraux et l'extrême droite.

9 juin 2024 : au soir des élections européennes remportées pour la 3ème fois et très largement en 2024 par l’extrême droite, le Président de la République Emmanuel Macron dissout l’assemblée nationale, une première depuis celle de 1997.

7 juillet 2024 : les résultats de ces nouvelles élections législatives ne donnent aucune majorité absolue et renforcent le tripartisme en trois blocs configuration incompatible avec le bon fonctionnement de nos institutions usées de la Ve République.

5 septembre 2024 : pour le poste de premier ministre il est d’usage pour le Président de la République de nommer une personnalité issue de la force politique arrivée en tête. Le Nouveau Front Populaire arrivé en tête aux élections législatives propose Lucie Castets. Le Président de la République choisit une personnalité issue d’une force politique arrivée 4ème aux élections législatives avec 5,41% et qui a rejeté le front républicain pour faire barrage à l’extrême droite. Michel Barnier devient le 28ème premier ministre de la Ve République.

2 décembre 2024 : déclenchement de l'article 49.3 (24ème depuis 2022) par le Premier ministre pour l'adoption, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

4 décembre 2024 : vote de la motion de censure avec 331 voix (58 %), c'est la première fois sous la Ve République qu'une motion de censure est adoptée après le déclenchement de l'article 49.3. Je tiens à rappeler pour éviter les analyses trop rapides, ce n’est pas une alliance du NFP et l’extrême droite, je vous invite à lire la motion de censure, le RN ne l’a pas signée, il l’a votée.

Le gouvernement est renversé en réaction à son intransigeance, ses compromissions avec l’extrême droite, à sa politique mais également contre cette dérive monarchique autoritaire et méprisante du Président de la République. C’est un soulagement pour une majorité de la population. Il ne sera pas mis en œuvre la taxation des retraités par la désindexation partielle et différée des pensions de retraites, la taxation des patients par la hausse du reste à charge sur les soins, la taxation des apprentis, la taxation du système de santé par 600 millions d’euros de coupes budgétaires supplémentaires. Le budget de la sécurité sociale prévu aurait aggravé les difficultés que vivent les Françaises et les Français au quotidien : avec la fermeture des services d’urgence, les pénuries de médicaments essentiels, la désertification médicale, la hausse du renoncement aux soins pour raisons financières, les Ehpad et hôpitaux publics à bout de souffle, les dérives de la marchandisation du secteur des crèches… Le gouvernement et les députés qui l’ont soutenu sont restés obtus et dans la défense acharnée d’une politique pourtant sanctionnée dans les urnes.

Il y a eu une accélération du temps de notre histoire commune. C’est notre motion de censure qui a ouvert la brèche. C’est un début vers la conquête du pouvoir. Restons clairs et fidèles à notre programme du Nouveau Front Populaire et à toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de gagner. Il n’est pas question de diluer nos engagements pris devant les électrices et les électeurs dans des compromissions avec le socle central des députés. L’abrogation de la réforme des retraites, présentée en novembre dans notre niche parlementaire, est un marqueur fort.

Des citoyens et citoyennes reprochent souvent aux parlementaires et aux personnalités politiques de ne pas s’entendre, ils et elles leur demandent de dépasser les clivages idéologiques. Autour de nous, de très nombreuses personnes, des élu·es, s’engagent avec passion dans le monde associatif, dans de nombreuses initiatives solidaires et citoyennes, pour défendre la biodiversité, tenter des expériences collaboratives, accompagner socialement les plus démunis, dans la culture, le sport… Il est possible alors de dialoguer, de partager et de trouver des consensus pour agir en commun au niveau local, dans des municipalités, dans une association… À l’assemblée a été votée mardi à l’unanimité la proposition de loi pour le remboursement des fauteuils roulants. En écho à cette demande populaire, le Président de la République appelle à un gouvernement d’intérêt général, par cette déclaration il reconnait implicitement que les précédents n’œuvraient donc pas pour l’intérêt général.  

Mais je ne suis pas naïf, ne soyons pas naïfs. Dès que nous débattons sur le cœur de la politique l’organisation de la vie en commun, la contribution de chacun et chacune et surtout sur la répartition de la richesse produite par le travail des ouvriers, des salariés, des agriculteurs, des entreprises il n’est plus possible d’arriver à des prémisses de consensus et d’échanger sur nos propositions, sur notre programme. À l’origine de chaque conquis social et fiscal tout au long de notre histoire il y a eu de longues luttes sur des dizaines d’années, des souffrances, des morts pour arracher des droits, des lois, de la solidarité, de l’égalité pour que chacun et chacune puisse vivre dignement dans ce pays de sa naissance à sa mort.

Par contre en face les défenseurs idéologiques du capital sont et seront toujours à l’offensive. Ils ne concèdent et ne concéderont jamais rien. Ils répriment toutes les contestations. La lutte demeure permanente quand aujourd’hui 300 000 personnes vivent dans la rue, quand 6 millions de personnes sont privés d’emploi, quand il y a 10 millions de pauvres, quand tous ceux et toutes celles qui travaillent n’arrivent pas à vivre du fruit de leur contribution, quand la destruction de la biodiversité menace notre propre existence pendant qu’une petite minorité avec tous les pouvoirs accumule des patrimoines indécents tout en infusant le venin de la division avec l’appui de l’extrême droite. En permanence amalgamés à l’extrême gauche par nos adversaires politiques, par le président de la République lui-même, malgré le dernier avis du Conseil d'État, nous souhaitons contraindre démocratiquement par la voie des urnes, nos adversaires à une meilleure répartition des richesses produites et des patrimoines accumulés.

Aujourd’hui plus que jamais la question de la démission du Président et celle d’une réforme institutionnelle profonde se posent. Suite à la lente déliquescence (présentée brièvement plus haut) de notre république le passage à une VIe République par la convocation d’une assemblée constituante doit être à l’ordre du jour. Octobre 1962, malgré la première censure d’un gouvernement le président de la République a renforcé son pouvoir, décembre 2024 cette deuxième censure d’un gouvernement doit signifier au Président la remise de son pouvoir, il y a eu un début, il est venu le temps du clap de fin.

Nous avons besoin d’une respiration, d’une pratique plus démocratique en phase avec notre époque et répondre aux aspirations du peuple. Le NFP, dont la France Insoumise, n’est pas dans une posture mais revendique légitimement l’exercice du pouvoir législatif suite aux résultats des élections. Nous sommes la seule formation politique avec un programme politique travaillé, noté, évalué, amendé, chiffré, actualisé depuis plus d’une dizaine d’années. Un travail collaboratif a été mené avec de très nombreuses contributions. C’est l’Avenir en Commun qui a servi de base au programme du NFP. Non seulement il y a le programme mais également 42 livrets thématiques et 13 plans dont un sur le passage à la 6ème République. Cela nécessite de la communication face à des médias puissants nous caricaturant et nous reprochant continuellement que nous ne proposons rien à part le chaos pour faire peur.

Notre force, elle, est bien présente, c’est toutes celles et tous ceux, les associations, les collectifs mobilisés comme jamais lors de la campagne des législatives de 2024 pour la victoire du Nouveau Front Populaire et de son programme. Nous avons enfoncé un premier coin dans la porte, continuons partout où nous le pouvons pour agir. Accompagnons dès ce jeudi 12 décembre les mobilisations interprofessionnelles prévues dans tous les départements, incitons nos ami.es, nos voisins à s’inscrire sur les listes électorales, initions des réunions, des rassemblements, organisons-nous, échangeons autour de nous…

Restons clairs dans cette obscurité automnale, ne cédons pas aux sirènes d’un éventuel gouvernement d’Unité Nationale, l’histoire nous l’a démontré maintes fois, s’il n’y a pas de rapports de force cette fausse Unité Nationale se retrouve toujours au service de quelques uns pour que rien ne change. Cette « unité nationale » voulue par le Président, les médias, c’est donner à l’extrême droite la seule voie de l’opposition et en conséquence directe les clefs du pouvoir.

Il reste 30 mois avant la prochaine élection présidentielle pour redonner la parole au peuple, mais cette République est fatiguée, usée par tous les soubresauts, par l’accélération de ces derniers mois, semaines et jours. Sa décomposition avancée est exposée aux yeux de toutes et tous. Dans ces circonstances inédites et donc historiques, le peuple doit trancher par de nouvelles élections et revendiquer un référendum.   

C’est sur le fumier que poussent les plus belles fleurs !

Vive et vite la 6ème République !

Illustration 1
Président Emmanuel Macron adresse aux Français jeudi 5 décembre à 20h

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