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Billet de blog 17 juillet 2023

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Pourquoi Bure…

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Illustration 1
Cigéo Bure je dis non !

Bure, petit village meusien

Composé de 80 habitants, il est situé à quelques kilomètres de la maison natale de Jeanne d’Arc et de la dernière demeure du Général De Gaulle.

Originaire d’Houdelaincourt un village à proximité de Bure, je connais ce territoire. Lors des élections législatives en 1978 Gérard Longuet est élu dans la première circonscription de la Meuse. Son suppléant est André Droitcourt maire de Gondrecourt le Château commune de naissance de Louis Jacquinot onze fois élu député sous la 3ème, 4ème et 5ème République et qui a été à deux doigts de se faire élire président de la République en 1953. Gondrecourt le Château est situé à 13km de Bure. 

Sinistré historiquement, économiquement, démographiquement, éloigné des grands centres urbains, ce petit bout de France a très souvent voté à droite et ces dernières années a basculé vers le RN. Lors du 2ème tour de l’élection présidentielle 2022 Marine LE PEN réalise en Meuse 55,6 % des suffrages (en 2017 48,38%) à Bure 62,8 % (en 2017 58%) à Houdelaincourt 68,9 % (en 2017 65,1 %). Depuis plus de 25 ans l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) a infusé plus d’un milliard d’euros aux collectivités locales, aux projets culturels aux associations…c’est devenu l’Andraland avec à sa tête son champion atomique Gérard Longuet.

Sous couvert d’une approche sérieuse et scientifique comme dans les publicités de dentifrice quand un comédien vêtu d’une blouse blanche nous vante les vertus d’un dentifrice, l’ANDRA a mené une politique intensive de communication auprès de la population sur les bienfaits du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) et de son laboratoire. Dès 1994, localement des citoyen·nes, des militant·es, des élu·es ont mené une lutte avec détermination contre ce projet. Ces dernières années, cette résistance initiale et historique a été renforcée par des militants venus de toute la France et des pays limitrophes. Pendant toute cette période il y a eu des manifestations, des actions, des rassemblements, des festivals, des occupations, des actions juridiques, de l’information, de la recherche, de la communication, de l’engagement, de la résistance, de la solidarité, des arrestations, des condamnations, du courage, beaucoup de courage face à une répression exceptionnelle et un territoire sous ultra-haute surveillance.

J’entends les personnes qui m’interpellent à ce sujet en me disant « les déchets faut bien en faire quelque chose » « l’enfouissement est la seule alternative ». J’ai bien conscience que c’est la question clé. Mais de quels déchets parlons-nous dans le cadre de CIGEO ? L’ANDRA, pour minimiser, annonce que les déchets destinés à BURE représentent 3 % du total. Elle omet délibérément de préciser qu’ils représentent 99,8 % de la radioactivité totale des déchets nucléaires produits depuis les années 1960. La concentration radioactive de ces déchets de haute activité est d’ailleurs telle que seules des machines peuvent manipuler ces conteneurs. L’enfouissement des déchets nucléaires ne neutralise en rien leur potentiel nocif, ils resteront dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Aucun projet de stockage géologique dans le monde n’est opérationnel. Aucun n’apporte aujourd’hui des garanties suffisantes sur les plans de l’environnement, de la sûreté nucléaire, de la santé humaine et de la société. Des questions techniques majeures (notamment l’incapacité des conteneurs à résister à la corrosion et à éviter tout rejet de radioactivité dans l’environnement) restent sans réponse. Ces différents projets présentent tous des failles et dangers communs, aussi bien durant leur phase d’exploitation qu’à très long terme. Pour le moment il n’y a aucune bonne solution pour les déchets nucléaires et la priorité doit être comme le mentionne le dernier et excellent « Info Bure » surtout ne pas enfouir et arrêter d’en produire.

Je ne suis pas expert mais d’après l’avis de nombreuses organisations, associations la moins mauvaise des solutions pour l’instant reste le stockage en subsurface sur les lieux de production pour en garder un contrôle plus direct avec en parallèle l’intensification des recherches afin de réduire, en quantité et dans le temps, la nocivité des déchets radioactifs. Pour ne pas alourdir le propos sur CIGEO, je n’évoquerai pas l’absence de contrôle sur des centaines de milliers d’années, l’irréversibilité de l’enfouissement, la fiabilité de l’argile, les risques d’incendie ou d’explosion, la stabilité des galeries, la mémoire du site aux générations futures, les 130 années de chantiers simultanés « On creuse et on remplit en même temps », les 300 km de galeries souterraines (500 m sous terre) une fois et demi la longueur du métro Parisien, le transport à travers le pays pendant plus d’un siècle des déchets les plus dangereux, le coût de CIGEO (36, 50, 70, 100 milliards) personne ne sait, la ressource en eau pour le chantier, le plus gros projet industriel d’Europe, l’abstraction du nucléaire, la sismicité du site… Deux points m’interpellent. Le premier c’est la mutation totale et profonde du territoire, sa colonisation et sa militarisation. La création d’une très vaste zone nucléarisée incompatible avec la vie.

Ce ne sont pas les opposant·es mais l’Autorité Environnementale qui le dit. En 2021 elle recommande de limiter la démographie du secteur, en cause principalement, le risque d’exposition à la radioactivité de la population à court et long terme. Paradoxe, de l’argent beaucoup d’argent pour les élus, les collectivités locales non pas pour développer l’attractivité mais pour vider le territoire. Depuis l’arrivée de Gérard Longuet la Meuse a vu sa population baisser de 10% dans le même temps la population de la France a augmenté de 23%. Le deuxième c’est la négation, l’effacement des gens qui vivent sur ce territoire, des vies qui comptent moins que les autres, les invisibles de CIGEO. Le mépris de l’état, des autorités comme précédemment lors des essais de la bombe vis-à-vis des populations algériennes et polynésiennes, des personnes sacrifiées qui n’ont jamais été invitées à la table des décisions.

Malgré tout, pourquoi la lutte à Bure n’arrive pas à mobiliser largement comme pour d’autres projets néfastes. Pourtant je suis persuadé que l’enfouissement de déchets nucléaires (actifs en moyenne sur une période de 200 000 années) est tellement plus sensible, dangereux que l’extension d’un camp militaire, que la construction d’un aéroport, d’un barrage, d’un tunnel, d’un méga centre commercial…

Alors Que faire ?

Individuellement sensibilisons, informons, convainquons notre entourage même celles et ceux qui sont pro nucléaires sur la question des déchets et à ne pas fermer les yeux quand l’état garrote ce petit bout de France pour faire disparaître les déchets de sa politique énergétique dite propre. Faisons signer les élues et anciens élu.es à l’EODRA association d’élu.es et d’anciens élu.es opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure ou ailleurs, en France ou à l’étranger (contact : eodra@riseup.net )

Depuis plus de 25 ans les responsables politiques connaissent très bien les arguments contre la folie de l’enfouissement et même certains les partagent mais la réponse tombe comme un couperet « le projet CIGEO est vital pour l’industrie nucléaire ». Alors il reste une option, une option folle à la hauteur de ce projet mobilisons…100 000 personnes sur le terrain en référence à l’excellente BD Cent mille ans « Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires » de Gaspard D’Allens (Coauteur) Pierre Bonneau (Coauteur) et Cécile Guillard. 100 000 c’est un pari fou c’est plus de la moitié de la population de la Meuse mais c’est à ce prix que nous pourrons stopper cette folie. Un avenir positif et sans Cigéo est possible sur ce territoire, déjà de nombreuses initiatives sont portées par des opposant·es pour construire un autre futur.

Ne regardons pas ailleurs, n’abandonnons pas les militant.es sur le terrain, les habitant·es dépendant·es d’un emploi qui crispe la parole, les élu·es au chantage des subventions. Réveillons-nous ! Il n’est pas trop tard pour dire non, mais il va falloir le dire vite et très fort ! BURE est le combat des combats, la lutte des luttes.

La Meuse elle, elle est Fameuse !

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