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D’abord, c’est de bonne guerre : une énième séquence de bashing contre la gauche s’ouvre. Les émeutes seraient de notre fait. Nos tweets inciteraient les quartiers populaires à la révolte et ils auraient même le pouvoir d’atténuer les violences. La solution immédiate serait donc d’appeler au calme. Car naturellement ces jeunes seraient très sensibles aux injonctions des élus sur les plateaux parisiens, cela va de soi. Ce petit jeu politicien en total décalage avec la réalité permet aux un.e.s de jouer aux innocents (RN) et aux autres de camoufler leurs propres turpitudes (Renaissance).
Mais je tiens à être clair : les vidéos qui circulent montrant des voitures de civils brûlées ou des pillages accompagnés de cris de joie, 3 jours après la mort de Nahel, sont déplorables et je les condamne. Nul ne peut légitimer les écoles vandalisées, les mairies brûlées, ou encore les pompiers caillassés.
Cela étant dit, que faire ? Evidemment que je souhaite un retour au calme. Et ce calme ne s’installera qu’en cherchant à comprendre les causes de cette implosion. Comprendre pour agir et apporter une réponse qui soit à la hauteur de la colère des habitant.e.s des quartiers populaires. Mettre en œuvre des changements profonds au sein de la police, réclamés y compris ce matin par l’ONU. Rompre avec le racisme et les violences policières.
Le retour au calme ne peut pas être le retour à la normale. Car c'est la normale qui est insupportable.
La normale, c’est 42,6% de taux de pauvreté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville rien qu’en 2020, selon l’INSEE.
Je pense à ces mères seules qui se démènent pour leurs enfants en exerçant des métiers pénibles, sous-payés, et pourtant essentiels. Aux familles qui vivent dans des logements insalubres, qui souffrent de la chaleur l’été et du froid l’hiver. Aux jeunes qui subissent des discriminations à l'embauche et deviennent des proies faciles pour les réseaux de drogue.
Dans cette affaire, Emmanuel Macron ne peut pas cyniquement rejeter la faute sur l’opposition de gauche, les jeux vidéos ou les réseaux sociaux. La responsabilité de l’apaisement ne revient qu’au chef de l’État. Il ne peut pas sérieusement faire fi de l’histoire coloniale de notre pays et de ses relents qui amènent à considérer les jeunes des quartiers populaires comme des “nuisibles” selon les mots des syndicats de police Alliance et l’UNSA Police.
Hélas il faut le redire : il n'y a pas d'ordre public possible sans justice. Justice tout court et justice sociale. Il faut des réponses judiciaires et politiques (refonte de la police, changement de la loi sur l'usage des armes, plan contre le racisme, actions contre la pauvreté …etc). C'est au Président et au gouvernement de donner le signal d'apaisement. Le départ de Darmanin enverrait un signe qu'une époque policière est révolue.
Il y a de la colère et il y a de la tristesse. Colère et tristesse de voir que rien n’a changé depuis 2005, de voir des gosses se faire tuer, d'autres avoir la rage au point de brûler le peu de services publics auxquels ils ont accès. Mais tous expriment une exigence de dignité et d'égalité.