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Billet de blog 1 juin 2025

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Retailleau qui mousse et un rapport qui a fait pschitt…

Comme en 2001 pour le dossier de ses billets d’avion payés en liquide, Chirac aurait dit du récent rapport sur les frères musulmans et l’islam politique en France, qu’il a fait pschitt, ou encore pour rester dans la veine chiraquienne qu’il est abracadabrantesque par sa vacuité.

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Retailleau qui mousse et un rapport qui a fait pschitt…

Comme en 2001 pour le dossier de ses billets d’avion payés en liquide, Chirac aurait dit du récent rapport sur les frères musulmans et l’islam politique en France, qu’il a fait pschitt, ou encore pour rester dans la veine chiraquienne qu’il est abracadabrantesque par sa vacuité.

Un rapport pourtant savamment spoilé par le ministre de l’intérieur en amont d’un conseil de défense consacré à l’entrisme des Frères musulmans et brandi à la sortie par le même ministre comme la preuve du danger existentiel que ferait courir à la Nation l’islam politique des Frères musulmans. Tous les éléments de langage de Bruno Retailleau ont été repris en boucle par les journaux de la bollosphère, par le porte-parole du gouvernement et le Rassemblement national pendant quelques jours, et puis on est passé à autre chose. L’écart entre la communication délirante autour du rapport et sa lecture sérieuse était immense, la plupart des spécialistes sur la question ont été d’accord pour pointer la faiblesse scientifique du travail et les chroniqueurs radios et télé mainstream qui avaient réellement lu le rapport, ramaient pour ne pas commenter ce qu’il disait : une influence marginale et en recul de cet islam politique dans les mosquées et les associations religieuses.

Un islam politique, porté par l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) devenue en 2017 Musulmans de France, pourtant reconnue comme un des interlocuteurs légitimes de l’Islam de France par les pouvoirs publics au travers du CFCM (Conseil Français des Musulmans de France) créé sous la houlette de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur en 2003, et dont la fin de service a été annoncée par Gérald Darmanin en 2022 au profit du Forum de l’Islam de France (FORIF). Le rapport faisant des propositions pour l’accueil de l’islam dans l’espace public, et parfois même en contradiction avec les pouvoirs publics comme sur le port du voile dans le sport. Une des grandes faiblesses du rapport tient dans le fait qu’il maintient ses analyses sur la dangerosité politique de cet islam malgré ses observations factuelles prouvant l’inverse, on y sent un travail de commande retouché avant publication pour servir le discours politique sur la dangerosité intrinsèque de l’islam et son incapacité à s’intégrer dans les principes de la République. La fameuse « Taqqiya », l’obligation qui serait faite à chaque Musulman de se dissimuler quand il n’est pas en terre d’islam, sert d’étouffoir à toute possibilité de débat. Retournant l’argument de l’amalgame islam/islamisme contre ceux qui critiquent le rapport, le ministre des cultes chasse pourtant sur les terres identitaires les plus réactionnaires et racistes de l’opinion publique en associant l’immigration, la délinquance, la violence, les banlieues, l’islam et les relations avec l’Algérie.

Mais le ministre et ses épigones n’ont cure de ces critiques, A leurs yeux le coup marketing a été réussi et a permis à Bruno Retailleau tout juste désigné président des Républicains de saturer l’espace public et de démarrer sa campagne pour les présidentielles sur les terrains identitaires et sécuritaires, ce qui n’est pas en soi une nouveauté. Ce qu’il cherche c’est un espace politique qui lui permettra d’être au second tour en 2017, associant orthodoxie libérale économique, rigueur budgétaire anti sociale et défense obsidionale d’une identité française qu’il va chercher dans les châteaux du Moyen âge et la contre révolution vendéenne du Puy du Fou, une diagonale du même nom entre la droite libérale et l’extrême droite. Il tente de rassembler autour de lui l’électorat de Zemmour, de Ciotti, de la droite conservatrice classique encore macronienne, et d’une partie du RN qui ne suivra pas Jordan Bardella. Il se fait mousser en montant en neige les ingrédients d’une dangereuse cuisine électorale et il veut sortir de l’étau dans lequel son parti est coincé entre une candidature probable d’Edouard Philippe et celle du RN.  On a vu en live ses obsessions dans les débats qu’il a eus avec Zinedine Zidane, N’golo Kanté ou Killian M’bappé : vous n’êtes pas vraiment Français, vous êtes ambigus, vous défendez d’abord votre pays d’origine familiale avant la France. Les trois ont débattu calmement avec le ministre, démontant ses arguments, un par un, prônant l’intégration et l’unité des Françaises et des Français dans la diversité de leurs histoires, c’est à se demander si l’extrême droite dont Bruno Retailleau surjoue l’idéologie raciste pour exister, n’est pas en train de perdre la fameuse guerre culturelle dont Marion Maréchal, à partir d’une mauvaise lecture gramscienne, en revendiquait un peu tôt la victoire.   

Les principes qui fondent notre vouloir vivre ensemble en République comme ceux de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’émancipation, de la liberté religieuse, de l’esprit critique, doivent bien sûr être confrontés fermement avec les représentants de l’islam, comme cela l’a été avec le catholicisme et le judaïsme, mais cela doit se faire dans le respect de la pluralité de l’histoire des Françaises et des Français et de l’Etat de droit. Le salafisme terroriste est bien sûr un défi mortel, mais la course à l’échalote des propositions et des discours les plus radicaux sur l’islam, les arabes ou l’identité française en vue des présidentielles dans deux ans, n’augure rien de bon pour notre démocratie pourtant en grand péril par ce qui vient de Russie et des Etats-Unis. Tous les citoyens et toutes les citoyennes qui pensent encore un horizon humaniste sont au pied du mur et le pire n’est pas encore certain.   

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