La diplomatie au défi des religions
Sous la direction de Denis Lacorne, Justin Vaïsse et Jean Paul Willaime
Editions Odile Jacob, 340 pages.
Article publié dans la revue Projet : http://www.revue-projet.com/comptes-rendus/2015-02-lacorne-vaisse-willaime-la-diplomatie-au-defi-des-religions-tensions-guerres-mediations/
Ce livre est le fruit d’un colloque organisé en 2013 par le CERI-Sciences-Po à la demande du ministère des affaires étrangères consacré au grand retour du religieux dans la diplomatie contemporaine. Dans son propos introductif Laurent Fabius souligne qu’en mettant un terme aux guerres de religions qui ont ensanglanté l’Europe pendant plus d’un siècle, le traité de Westphalie en 1648 a posé les bases du paradigme de la souveraineté des Etats comme principe commandant les relations internationales jusqu’à nos jours. Le fait religieux est-il à nouveau aujourd’hui le moteur d’une remise en cause de ce paradigme diplomatique ? Cette question est traitée par des communications de Régis Debray, Olivier Roy, Christophe Jaffrelot ou Joseph Maïla et seize autres intervenants autour de quatre approches : l’histoire, les relations internationales contemporaines, la laïcité et le droit international. Si les derniers développements de l’actualités autour des révolutions arabes mettent l’islam au cœur des réflexions du colloque, un des intérêts de ces actes est de nous faire prendre du recul à la fois vis à vis de l’islam comme facteur de conflit, les autres religions participent aussi à ce phénomène du religieux dans les guerres récentes, et vis à vis du fait religieux : ce sont la mondialisation des échanges et les nouvelles technologies qui reconfigurent les relations entre les pouvoirs politiques et les pouvoirs religieux dans le contexte de la fin de la bipolarisation diplomatique et de la montée en puissance de l’individualisation des choix personnels, y compris religieux. A l’opposé de nombreuses fausses évidences mises en avant par les boutefeux de la guerre des civilisations, ce livre nous donne du discernement devant la masse d’informations que nous recevons en flot continu. Parmi les nombreuses analyses pluri disciplinaires développées dans ce livre retenons en deux qui nous incitent à mieux penser la complexité du réel. Olivier Roy démontre par exemple que la sécularisation des sociétés arabes qu’en occident on pense trop facilement être la clef de leur démocratisation politique, au contraire renforce l’autoritarisme. De son côté Matthias Koenig de l’université de Göttingen s’interroge sur l’investissement massif des ONG confessionnelles dans la défense des droits de l’homme au nom de la liberté religieuse, au risque de fournir des arguments à ceux qui relativisent ces droits de l’homme.