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Billet de blog 23 mai 2015

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L'église catholique au Togo et les élections présidentielles

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Que pense et dit l’Eglise catholique au Togo ?

Publié dans Golias Mai 2015 

En juin 2005, quelques semaines après les terribles évènements d’avril 2005, François Maupu, évêque de Verdun et président de la Commission Justice et Paix (CJP) en France, accompagné du secrétaire général de Caritas Internationalis et de représentants du CCFD et du Secours Catholique, participait à Lomé aux travaux de la conférence épiscopale du Togo (CET) qui mettait en place sa propre CJP. La CET était présidée à l’époque par l’emblématique archevêque de Lomé Philippe Kpodzro ancien président en 1990 de la conférence nationale souveraine créée dans le sillage du discours de La Baule et qui avait changé en profondeur le paysage politique du Togo, comme dans toute l’Afrique francophone. A partir de 1991, le général Eyadema  avait su reprendre peu à peu la main par la violence et en récupérant par des prébendes quelques leaders politiques dont le grand catholique piétiste Edem Kodjo (ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine) en le nommant premier ministre. En 1992 Philippe Kpodzro avait été enlevé et humilié par l’armée. En avril 2005 pendants les affrontements post électoraux, une tentative d’enlèvement avait failli lui coûter la vie. C’est donc un homme parfaitement documenté et lucide sur la violence potentielle du régime qui accueillait la délégation catholique française. Pour lui, la création de la CJP était un moyen d’asseoir les bases d’une culture démocratique au Togo à partir de la doctrine de l’Eglise. A l’issue de la fraude électorale des présidentielles de 2010, la CJP publiera un rapport modéré dans la forme mais mettant en cause la validité du scrutin.

 L’Eglise catholique a toujours été au centre de l’arène politique au Togo. Mais comme dans tous les pays, la CET, composée des sept évêchés du pays, est le reflet des tensions ethniques, sociales et politiques du Togo.  Casimir Dosseh premier évêque togolais dont les funérailles nationales ont été célébrées en grande pompe en 2014 dans la cathédrale de Lomé en présence du président Faure, était un thuriféraire et prébendier du régime. L’évêque d’Atakpamé Julien Kouto qui participait aux travaux de la CET de juin 2005 n’hésitait pas à faire intervenir l’armée pour arrêter des prêtres récalcitrants et jugés trop critiques pour le régime.

 L’actuel évêque d’Atakpamé président en exercice de la CJP est Nicodème Barrigah. Passé par la diplomatie du Vatican, il a présidé de 2009 à 2011 la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) mise en place dans le cadre des accords politiques de 2006. Le rapport de la CVJR faisait la lumière sur les violences politiques dans le pays depuis 1958 et proposait des recommandations pour l’indemnisation des victimes et la non reconduction des violences[1]. Les recommandations centrales ne sont toujours pas mises en œuvre. Nicodème Barrigah homme de consensus, compositeur et animateur de cérémonies charismatiques, est régulièrement appelé à jouer les utilités entre le régime et l’opposition. Il reconnaît lui même que tout son travail d’intermédiation est finalement vain.

 Robert Dusseh, l’actuel ministre des affaires étrangère chargé de promouvoir le régime à l’international, est un ancien franciscain. Affichant sa piété, il a été, via la communauté de San Egidio[2] à Rome, une des chevilles ouvrières du ralliement au régime du leader historique de l’opposition Gilchrist Olympio, fils du premier président togolais assassiné en 1963 par le Général Eyadema. L’évêque de Kpalimé, Benoît Alowonou, président en exercice de la CET, proche du régime, anime la branche togolaise de la communauté San Egidio. L’archevêque en exercice de Lomé se fait discret. Dans les années 70 alors qu’il s’était montré critique, jeune prêtre, Denis Amuzu Dzakpa est fessé en public sur ordre du général Eyadema, sous les yeux de son évêque Casimir Dosseh qui ne bougea pas. On dit que l’archevêque de Lomé ne s’est jamais remis de cette humiliation.  Le président Faure a été baptisé catholique par un missionnaire Combonien. Les évêques de Sokodé et Dapaong sont réputés critiques pour le régime. Celui de Kara, fief du président, ne s’exprime pas sur la situation politique.

Dans ce contexte particulièrement hétérogène l’Eglise a joué le minimum consensuel en amont des élections de 2015. La CET a appelé au respect des règles démocratiques et à la non violence. Conformément au rapport de la CVJR elle a souhaité que les réformes institutionnelles aboutissent et a participé à une délégation conjointe avec les églises protestantes auprès du président Faure pour qu’il avance sur les réformes. La délégation n’a bien sûr pas été entendue. La CJP n’a pas déployé d’observateurs électoraux. Après l’annonce des résultats, le président de la CET, Benoît Alowonou s’est réjoui de l’absence de violence qui montre la maturité pacifique du peuple togolais. Il a appelé les candidats à accepter les résultats et le président Faure à « laisser ses bras ouverts et travailler avec tout le monde ». Ite missa est.


[1] Voir Golias Magazine n°158  Septembre octobre 2014.

[2] La communauté de San Egidio, une paroisse de Rome, a été créée par des laïques proches de Jean Paul II. Communauté piétiste, elle s’est spécialisée dans la diplomatie secrète. Ses fondateurs (Andréa Ricardi, Mario Giro) ont eu des responsabilités gouvernementales dans différents ministères de centre droit en Italie. 

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