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Billet de blog 28 mai 2019

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La grande peur des Gilets jaunes

la virulence des contre feux idéologiques contre les Gilets jaunes montre une grande peur collective des classes supérieures qui tirent bénéfice de la mondialisation.

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Après six mois de manifestations sans interruption des Gilets jaunes dans toute la France, l’heure d’un premier bilan a sonné. Les rédactions, les observatoires politiques ou les think tanks, tous s’y mettent. Les chiffres bruts recoupés sont facilement accessibles sur internet : 27 samedis de mobilisation, 50 000 manifestations et regroupements, 24 éborgnés, 5 mains arrachées, 2448 blessés chez les manifestants, 1797 chez les forces de l’ordre, 13 000 tirs de LBD, 10 718 gardes à vue, 2000 condamnations, 800 peines de prison ferme, 256 enquêtes sur les violences policières dont 60 transmises au parquet, 200 millions d’euros de dégâts selon la fédération française des assureurs. Le bilan des violences s’alourdit de semaine en semaine. Des images resteront de cette période : Marianne la gueule arrachée, les tractages aux ronds-points, les péages bloqués, les policiers armés qui ricanent derrière des enfants à genoux les mains levées face à un mur, les vitrines de luxe vandalisées, les Champs-Élysées dévastés, les tags anti sémites, les manifestants battus et trainés au sol, les visages défigurés, le président en bras de chemise au milieu d’assemblées de maires, les intellectuels réunis sous les ors de la salle des fêtes de l’Élysée. Mises bout à bout ces images montrent une France des classes populaires à bout de nerf, que trente ans d’orthodoxie néo libérale a mise à genoux. Elles montrent aussi la classe politique, droite et gauche confondue, les centrales syndicales, le gouvernement et les éditorialistes, dépassés par un évènement qu’ils n’arrivent pas à penser avec les schémas politiques habituels.

 Les causes structurelles du mouvement sont toujours là et seul le traitement symptomatique de la crise a été mis en œuvre et doit être inscrit au bilan du mouvement. Sous la pression des Gilets jaunes, le président de la République a renoncé à la taxe carbone telle qu’elle était prévue, puis lâché du lest sur le pouvoir d’achat, modifié le tir sur les retraités et enfin annoncé une baisse de la pression fiscale pour les classes moyennes. Sur les grandes réformes structurelles attendues, aucune concession réelle : réforme des institutions, amélioration des services publics, transition énergétique, suppression de l’ISF, rééquilibrage des territoires. Le grand débat, comme il fallait le craindre, a accouché d’une souris. Il aura été le grand étouffoir des revendications des Gilets jaunes. La politique de l’offre, la rentabilisation des services publics, les privatisations, la diminution des droits sociaux, l’ouverture au grand commerce international, l’indigence de la prise en compte de l’urgence climatique, tout ce qui fait le cœur de la politique du gouvernement n’a pas bougé d’un centimètre. Si le mouvement lancé en novembre semble s’essouffler, rien ne montre qu’au-delà de la remise en cause personnelle du président, la critique radicale des grandes orientations idéologiques du gouvernement ne continuera de s’exprimer. Le mouvement s’agrège aux autres contestations, celles sur le climat, l’éducation nationale ou les services publics. Des artistes de notoriété soutiennent les revendications pour la justice fiscale et sociale portée par les Gilets jaunes. L’auto allumage permanent sur les réseaux sociaux n’est pas prêt de s’éteindre et mute tous les jours.

 Entre la Commune de Paris et la peste rouge-brun, quelques grandes métaphores de l’histoire française ont été convoquées :  la prise de la Bastille ou les massacres de septembre 92, les kermesses de l’été 36 ou la grisaille hivernale des ligues factieuses de 1934, car très vite la délégitimation des discours des Gilets Jaunes s’est imposée dans l’espace public : complotisme, anti sémitisme supposé, homophobie latente, racisme présumé, haine de la démocratie représentative et nationalisme populiste dont ils seraient porteurs. Cette virulence des contre feux idéologiques montre une grande peur collective des classes supérieures qui tirent bénéfice de la mondialisation. En effet les Gilets Jaunes s’inscrivent dans une histoire qui émerge depuis peu, celle de la prise de conscience de l’impasse civilisationnelle vers laquelle la mondialisation financière nous emmène. En France les Indignés, les Nuits Debout, Notre Dame des Landes, la vallée de la Roya procèdent du même phénomène. Comme un cheval devant une barrière, nos sociétés se braquent, refusent l’obstacle et veulent faire tomber l’élégant cavalier qui tire alors la bride et donne des éperons. Avec la loi anti casseurs, c’est la diminution des libertés publiques et la limitation du journalisme indépendant qui sont en marche. Comme en chimie, le jaune a précipité l’amalgame de la nature réelle du régime actuel : ultra libéralisme et autoritarisme. La confrontation est encore devant nou

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