Depuis la visite du président Macron à l‘IHU de Marseille, le pic de la crise médiatique autour du professeur Raoult est passé. La surchauffe de nos écrans d’ordinateur, ouverts sur les réseaux sociaux, s’est arrêtée. Il nous faut maintenant préparer la sortie du confinement intellectuel collectif dans lequel nous a plongé ce débat insensé : pour ou contre la chloroquine ? Il continue dans quelques cénacles spécialisés, un retour virulent de cet épisode n’est pas exclu, il faut s’y préparer. Cette crise dans la crise a mis à nu notre impréparation intellectuelle au monde qui vient : la parole des experts officiels n’est plus crue, la méthode scientifique est remise en cause et la ploutocratie mandarinale comme mode de fonctionnement de la santé dans le nouveau monde promis il y a trois ans. Encore une fois le professeur Raoult a annoncé via les réseaux sociaux la fin de l’épidémie pour juin mais le seuil de l’immunité collective contre ses prises de position disruptives, pour reprendre le vocabulaire du nouveau monde, semble atteint. Le 30 avril sur BFMTV, plus modeste sur la forme, il n’apporte rien de nouveau sur le fond. Il continue de publier sur le site de l’IHU de Marseille des chiffres montrant un taux de létalité exceptionnellement bas pour les personnes diagnostiquées positives chez lui (3164 cas au 29 avril et 15 décès) mais il ne donne pas de détails sur les caractéristiques de ces cas et les biais statistiques. La vitesse de rémission qu’il observerait chez ses patients et le faible taux de létalité de la maladie lui auraient largement donné le temps de monter des groupes tests avec un minimum de garanties expérimentales, il ne le fait toujours pas. Finalement, il n’a pas encore apporté des preuves de l’efficacité de son protocole que ses confrères et adversaires scientifiques pourraient entendre. Les politiques qui le soutenaient (Estrosi, Douste Blazy) se sont tus. Dans Paris Match en comparant le consensus du comité scientifique au Maréchal Pétain, il s’approche du point Godwin, ce qui n’est jamais un bon signe de rhétorique. Son discours au début de la pandémie : « je diagnostique, je soigne avec ce que j’ai sous la main et ça marche »avait le mérite d’être humain, efficace et donnait de l’espoir au seuil de l’entrée dans le tunnel du confinement avec ses comptages morbides quotidiens aux informations du soir. Les sur-réactions outrées ou méprisantes de ses adversaires, ceux-là même qui avaient cautionné les politiques de santé menées depuis vingt ans, l’ont victimisé et alimenté la machine à complots mais on ne sait pas si son traitement a réellement fonctionné. Il s’est mis en scène dans la posture du seul contre tous alors que l’histoire de la science montre que le travail scientifique se fait en réseau. Il est certainement un grand spécialiste des maladies infectieuses mais il fait un piètre épistémologue. Refusant la contradiction, péremptoire, cabotin, il faut craindre qu’il ne fasse beaucoup plus de personnes déçues que celles tuées par le COVID-19.
Billet de blog 30 avril 2020
Raoult, fin de partie ?
Depuis la visite du président Macron à l‘IHU de Marseille le pic de la crise médiatique autour du professeur Raoult est passé...
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