Le Conseil Constitutionnel, après diverses réformes de la 5ème République, demande à un·e candidat de recevoir l'assentiment de 500 grands élus parmi environ 42000, pour la plupart maires de communes de petite taille. De fait, cette étape est devenue un premier tour plus épuisant, moins lisible, et moins démocratique qu'une campagne sénatoriale : si la commune est grande, des conseillers municipaux minoritaires ont le droit de vote aux sénatoriales, et le scrutin se fait à la proportionnelle.
Le rôle de ce filtre par les maires des petites communes est d'établir une liste de candidats dignes de participer à la campagne de premier tour. Ce n'est pas de désigner la future présidente ou le futur président, ni même – paraît-il – d'afficher son soutien à un·e candidat·e, juste de lui reconnaître une légitimité à concourir.
Le formulaire individuel, et sa publicité, font que cette contribution au filtrage collectif des candidatures farfelues devient un acte de soutien objectif, avec des implications au sein du conseil municipal comme au sein de la communauté de communes ou du département. Ceci fait qu'il devient compliqué pour un·e maire de soutenir un·e candidat·e légitime mais minoritaire parmi les élus locaux (i.e. ni représenté significativement dans la comcom ou au conseil départemental).
Pour autant, le but est collectif (éviter les candidatures farfelues). Son traitement, à l'instar des sénatoriales, pourrait être lui aussi collectif : un même jour, ou à l'occasion de trois ou quatre jours définis pour permettre une cristallisation progressive des choix, la préfecture ouvre une urne, et gère les votes des grandes électrices et grands électeurs de cette procédure. À l'instar des mêmes sénatoriales, ce vote pourrait être obligatoire, permettant toutefois le vote blanc.
On ne va pas changer les règles tout de suite...
(et avec la 6ème République, l'existence même d'un·e président·e élu·e au suffrage universel direct n'est pas assurée)
Le mécanisme de parrainage/présentation existe, et s'applique pour 2022. Il faut qu'il nuise le moins possible à la démocratie. Il faut donc nier son caractère individuel et public.
Pour qui ne veut pas soutenir un·e candidat·e, mais veut faire vivre la démocratie, il faut s'associer à d'autres qui sont dans le même cas. Et, alors, mettre en commun les formulaires.
... mais on va hacker les règles dès ce mois-ci
Des maires d'une même zone se rencontrent ; chacun·e amène son formulaire de présentation. Pour préparer la rencontre, l'un·e peut regarder sur le site du Conseil Constitutionnel qui dans la communauté de communes n'a encore parrainé personne.
Lors de la rencontre, on définit des critères objectifs de légitimité, nationaux ou locaux : soutenu par un groupe à l'Assemblée Nationale, par un groupe au Sénat, par au moins 100000 citoyennes ou citoyens (dans une primaire ouverte ou fermée, par un appel à soutien, ...), par un milliardaire qui lui offre quatre heures de plateau télé par jour pour étaler ses haines et ses névroses (oups, non, cet élément-là n'est pas pertinent), par un parti qui a déjà atteint 10% lors d'une des deux dernières présidentielles, par un groupe qui a été actif dans la lutte pour empêcher la fermeture de la maternité, n'a pas déjà ses 500 signatures, est un enfant du pays, ...
On liste les candidats à la candidature qui valident un ou plusieurs de ces critères. S'il y a plus de présents à la rencontre que de noms, on compte plusieurs fois les candidates et candidats qui valident le plus de critères. S'il y en a moins, on peut tirer au sort des candidates et candidats retirés de la liste. Idéalement, il faudrait ajouter des formulaires vierges qu'on ne remplit pas à l'étape 1, mais ce n'est pas possible avec le matériel envoyé (il faut l'anticiper plus, en prétendant avoir perdu le formulaire initial et en demander un autre qu'on ne remplit pas, pour disposer d'autant de formulaires que que de parrainages qu'on souhaite réaliser).
- Chacun·e remplit son identité, et laisse en blanc la case avec la personne présentée, ainsi que la case 13 : maire
- Chacun·e plie soigneusement son formulaire de façon à ne faire apparaître que la partie centrale
Formulaire de parrainage -- partie centrale - On mélange tous les formulaires
- On remplit la case avec le nom de la candidate ou du candidat soutenu, dans l'ordre d'apparition dans la liste, et on coche la case 13
- On met les formulaires dans une enveloppe
- On envoie l'enveloppe au Conseil Constitutionnel
Et c'est (presque) tout : l'ensemble des maires participant à la rencontre présente l'ensemble des candidates et candidats défini selon ses critères objectifs. Mais – et c'est tout l'objectif de la manœuvre – personne ne sait qui parraine qui : l'action individuelle devient collective.
C'est un parrainage en double aveugle : le parrain et le parrainé ignorent leur relation. Mais le parrain sait qu'il contribue à la présentation de quelqu'un·e sur la liste des personnes qui valident les critères objectifs. Et le parrainé sait qu'il lui arrivera un parrainage de cette communauté de communes, sans savoir d'où précisément.
Il manque un troisième aveugle
Hélas. Depuis 2016, la liste des parrainages est publique (c'est ce qui rend confortable la préparation de la rencontre, mais en affaiblit significativement le résultat). Donc, quand l'enveloppe atteint le Conseil Constitutionnel, on découvre qui parraine qui.
Il faut donc communiquer sur la procédure avant que ce troisième acteur ne lise et ne diffuse les documents, cassant l'action collective :
« Nous, maires d'Ortigrise, de Plorniche, de Nolivet, de Kraigne, de Grichaume, des Bragnes et de Tourmaline considérons (en raison des critères cités auparavant) qu'il est légitime que Velost, Er Abbad, Sophorène, Arvirella, Gorwen, Klouebeck et Whoresclam puissent concourir à la prochaine élection présidentielle. Le lien fait entre l'un·e d'entre nous et l'un·e de ces concurrent·e·s est le pur fruit du hasard, et, d'ailleurs, nous ignorons nous-mêmes le résultat de cette attribution aléatoire. Merci de respecter notre ignorance, et ne pas nous reprocher tel ou tel formulaire. Ni même nous en féliciter.
Nous sommes collectivement disposés à discuter des critères objectifs qui nous ont conduit à cette liste de candidates et candidats, afin de les améliorer ultérieurement [1].
Nous souhaitons une belle et digne suite de campagne aux candidates et candidats, militantes et militants, citoyennes et citoyens de notre beau pays. Bons votes.
[1] ce paragraphe ne fait pas l'unanimité dans notre groupe ; dans l'hypothèse où il s'agit de la dernière élection présidentielle de la 5ème République, il n'y aura pas d'amélioration ultérieure à cette procédure de parrainage en double aveugle. »