Folie des hommes, folie du monde

Du 18 au 22 avril prochain se tiendra le 33e forum du film documentaire d'intervention sociale proposé par l'association Visages et dont je suis l'humble président depuis une poignée d'années (découvrir la programmation).
Cette édition aura pour thème la folie. Une folie qu'il ne faut pas comprendre uniquement comme un synonyme de trouble mental, mais aussi comme l'expression d'un acte déraisonnable, jugement très subjectif évidemment mais on se doit de défendre la subjectivité.
On y parlera donc des troubles bipolaires, de la façon dont la psychiatrie sénégalaise prend en compte ce que les anthropologues appellent l'invisible, c'est-à-dire les djinns et autres esprits malfaisants. On y parlera de la folie religieuse, celle qui pousse des jeunes à tuer au nom d'Allah avec « La désintégration » excellente fiction de Philippe Faucon, et en celui du Christ. On y parlera de la folie guerrière au Rwanda hier et en Syrie aujourd'hui avec « Eau argentée », documentaire aussi essentiel qu'éprouvant. On y parlera des violences hommes-femmes, de l'homophobie, de la lutte armée en Allemagne, de la destruction des éco-systèmes, de la marchandisation du monde, des conditions de travail aliénantes dans l'agro-alimentaire. On vous plongera également dans l'univers presque kafkaïen d'une antenne de Pôle-Emploi.
Je me permets de vous délivrer en guise de conclusion le mot du président qui figure sur la plaquette de ce forum.
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »
Cette pensée d'Antonio Gramsci me semble particulièrement adaptée à la période actuelle.
Ce vieux monde qui se meurt, c'est ce système de gaspillage généralisé qui corrompt les esprits, discipline les corps et détruit les éco-systèmes au nom de l'argent-roi ; c'est ce monde où cynisme politique et prédation économique se donnent la main pour faire de nous des êtres calculateurs et égoïstes.
Le nouveau monde qui tarde à apparaître ne connaît pas les frontières et les cultures. Il germe là où les dominés redressent la tête, s'organisent, expérimentent et clament haut et fort, avec leurs mots et leurs tripes, que la servilité et la cupidité sont les deux faces d'une même médaille, qu'il ne tient qu'à nous de sauver ce qui peut l'être encore de notre seul monde possible.
Quant aux monstres, ils ont pour visages ceux de la barbarie et du fanatisme, de la suffisance bureaucratique et de l'insolence des kleptocrates ; le visage de ceux pour qui les gens de peu ne sont que des variables d'ajustement dans leur quête de puissances économique, politique et spirituelle. La folie n'est pas toujours irrationnelle... »