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Billet de blog 10 octobre 2024

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Nouvelle Droite et nazisme...

Avec son livre, "La Nouvelle droite et le nazisme. Une histoire sans fin", publié par Le Bord de l’eau Editions, le politiste Stéphane François revisite les évolutions doctrinales et les stratégies d’euphémisation de l’extrême-droite.

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Stéphane François, La Nouvelle Droite et le nazisme, une histoire sans fin. Révolution conservatrice allemande, national-socialisme et alt-right, Le Bord de l’eau, 2023

Avec son livre, La Nouvelle droite et le nazisme. Une histoire sans fin, publié par Le Bord de l’eau Editions, le politiste Stéphane François revisite les évolutions doctrinales et les stratégies d’euphémisation de l’extrême-droite.

Illustration 1

La Nouvelle Droite1 a émergé à la fin des années 1960. L’un des fondateurs l’a définie comme une « fédération instable de parcours individuels plus ou moins erratiques », ce qui en dit long à la fois sur l’absence d’homogénéité de cette mouvance, et sur le poids des individualités (et donc des rivalités personnelles) dans son développement. Hétérogénéité donc mais aussi points de convergence comme le refus de l’américanisation du monde (la civilisation américaine incarnant la vulgarité, le fastfood et le matérialisme), du métissage, et la défense d’une civilisation et d’une race européennes qui auraient traversé 5000 ans d’histoire.

Parmi les influences intellectuelles de cette nébuleuse, il y a la « révolution conservatrice allemande »2 avec son romantisme, son refus de l’intellectualisme et du modernisme, son tropisme xénophobe et son paganisme, son culte de la nature et du peuple ; non du peuple démocratique, mais d’un peuple-race fantasmé, enraciné, dans sa terre et dans sa communauté. Hitler a baigné dans cette atmosphère qui a nourri son national-socialisme, tout comme il fut marqué par le système ségrégationniste américain3, mais, Shoah oblige, il valait mieux pour la Nouvelle Droite se réclamer d’intellectuels comme Mohler, Nietzsche ou Schmitt que du moustachu autrichien génocidaire, et travestir son racisme pathologique en ethnodifférentialisme, au nom du droit à la différence et en défense du polygénisme qui considère qu’il « existerait des races humaines ayant leur propre genèse » et donc un patrimoine génétique à préserver de toute altération. « Les vieux discours n’ont pas disparu, ils ont juste muté » écrit Stéphane François.

Nous pourrions rire de ces théories fumeuses si elles ne connaissaient pas une seconde jeunesse, notamment aux Etats-Unis avec ce que l’on appelle l’Alt-right. Une alt-right qui dispose de relais puissants au sein de l’université américaine où elle peut y défendre ses thèses racistes ou racialistes. Une alt-right peuplée de suprémacistes blancs, racistes, antisémites, complotistes, païens, fondamentalistes, survivalistes, séparatistes, néonazis… à laquelle Donald Trump fait les yeux doux à l’occasion ; mais l’extrême-droite française n’est pas en reste et, du RN à Reconquête, elle maintient des liens forts avec la Nouvelle Droite si difficilement dédiabolisable puisqu’accusée de recycler les thématiques nazies « sous couvert de références respectables manipulées et de formulations édulcorées ». Une alt-right avec laquelle la Nouvelle Droite européenne, malgré un anti-américanisme jamais démenti, entretient des relations soutenues depuis longtemps puisque les thèses des uns et des autres sont traduites, diffusées et discutées des deux côtés de l’Atlantique.

Que peut-il sortir de ces échanges entre obsédés paranoïaques de l’identité4 ? Rien de bon si nous leur laissons gagner la bataille culturelle et la guerre des imaginaires5.

[Version audio disponible]

Notes

1Par « Nouvelle droite », l’auteur entend les membres et collaborateurs de deux structures : le Club de l’Horloge et le GRECE (Groupement de recherches et d’études de la civilisation européenne).

2George Mosse, Les racines intellectuelles du Troisième Reich : la crise de l'idéologie allemande, Paris, Calmann-Lévy, 2006 ; Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie, Gallimard, 2017.

3 James Q. Whitman, Le modèle américain d'Hitler. Comment les lois raciales américaines inspirèrent les nazis, Colin, 2018.

4Régis Meyran, Obsessions identitaires, Textuel, 2022.

5Jean-François Bayart, L’illusion identitaire, Fayard, 1996.

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