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Billet de blog 12 juin 2025

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Benoist-Méchin. Un nazi français

« Il ne suffit pas de dire que Benoist-Méchin fut un collabo. Il fut « la collaboration », sa matérialisation humaine, l’âme et la cheville ouvrière de l’édifice de trahison qui nous précipita dans les abîmes ». Tel est l’avis du journal Franc-Tireur. Nous sommes au printemps 1947 et l’ancien ministre de Pétain fait face à ces juges.

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Bernard Costagliola, Benoist-Méchin. Un nazi français, CNRS Editions, 2025

« Il ne suffit pas de dire que Benoist-Méchin fut un collabo. Il fut « la collaboration », sa matérialisation humaine, l’âme et la cheville ouvrière de l’édifice de trahison qui nous précipita dans les abîmes ». Tel est l’avis du journal Franc-Tireur. Nous sommes au printemps 1947 et l’ancien ministre de Pétain fait face à ces juges. Bernard Costagliola nous fait le portait de cet « autodidacte de talent » avec Benoist-Méchin. Un nazi français, publié par CNRS Editions.

Illustration 1

Nous aurions préféré que Jacques Benoist-Méchin, s’adonne à sa passion : la musique classique. Malheureusement, comme une partie de la jeunesse de bonne famille des années 1920, il se découvrit une passion pour la politique, et notamment le fascisme.

Né en 1901, Jacques Benoist-Méchin n’a pas participé à la première guerre mondiale, mais la grande boucherie et ses conséquences l’ont profondément marqué.

Jacques Benoist-Méchin est un concentré de détestations. Lui, le nationaliste au sang bleu, déteste le bolchevisme, son égalitarisme et son internationalisme revendiqués ; il déteste la démocratie, le libéralisme, les idéaux de 1789, la populace et les Lumières, parce que cela bouleverse l’ordre social, remet en question les élites anciennes sur laquelle la France de jadis a bâti sa grandeur. Il conspue la bourgeoisie, sa vulgarité, sa cupidité, son esprit étroit : à la différence de l’aristocrate, le bourgeois n’a pas le sens du sacrifice, juste celui des affaires. Il voue aux gémonies les Etats-Unis et son matérialisme. Il ne peut que détester les Juifs, ce peuple cosmopolite, affairiste ou révolutionnaire, toujours à comploter ; il a en horreur le métissage qui souille le sang pur. Il en est persuadé : il fait partie d’une élite raciale que la société moderne décadente veut chasser de la scène de l’histoire, alors que c’est à elle qu’il revient de faire l’Histoire.

Il a le culte des grands hommes. Napoléon le fascine et Hitler, tout autant. Germanophile et parlant parfaitement la langue de Goethe, Benoist-Méchin suit avec attention ce qui se passe outre-Rhin : la chute d’un Empire vieux de plus de cinq siècles, son remplacement par une République de Weimar rapidement chahutée et l’affirmation d’une extrême-droite qui met la défense de la race au centre de sa politique de haine.

Comme beaucoup, il porte un regard extrêmement critique sur le traité de Versailles. L’Allemagne, vaincue, ne doit pas être humiliée, tel est sa conviction ; une conviction qui s’appuie sur un projet : construire une Europe nouvelle capable de s’opposer tout autant au bolchévisme qu’au libéralisme. Journaliste et traducteur très peu scrupuleux, il n’a pas de cesse de poser Hitler comme un partisan d’une alliance franco-allemande, alors que celui-ci n’y a jamais songé. Auprès de Pétain et de Darlan, Benoist-Méchin défendra tout au long de la guerre le même credo : si elle ne veut pas périr, la France doit s’allier avec le Reich et faire la guerre aux Anglo-saxons. « L’idéologue et le diplomate ont fusionné à Vichy » écrit Bernard Costagliola, soulignant que ce « Français plus nazi que les nazis », n’a été pris au sérieux ni à Vichy ni à Berlin : il n’y avait guère que lui qui pensait possible une alliance égalitaire entre le vainqueur et le vaincu.

Condamné à mort, rapidement gracié, mis en prison pour 20 ans mais libéré dès 1953, Jacques Benoist-Méchin s’adonnera alors à l’écriture, produisant nombre d’ouvrages glorifiant guerriers et bâtisseurs Empire, autant dire des assassins.

[Version audio disponible]

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