Christophe Patillon (avatar)

Christophe Patillon

Historien (de formation), lecteur pathologique, militant (sans Dieu ni maître), chroniqueur pour AlterNantes FM, et accessoirement vieux punk

Abonné·e de Mediapart

269 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 mai 2025

Christophe Patillon (avatar)

Christophe Patillon

Historien (de formation), lecteur pathologique, militant (sans Dieu ni maître), chroniqueur pour AlterNantes FM, et accessoirement vieux punk

Abonné·e de Mediapart

Amazone, un monde en partage

Le géographe Hervé Théry nous invite à explorer le plus long fleuve du monde avec son livre « Amazone. Un monde en partage ». L’Amazone impressionne par sa longueur, son débit, l’ampleur de son bassin, l’importance de ses affluents et de son réseau hydrographique... ET comment penser l’Amazone sans l’Amazonie, le poumon vert d’une planète en sursis ?

Christophe Patillon (avatar)

Christophe Patillon

Historien (de formation), lecteur pathologique, militant (sans Dieu ni maître), chroniqueur pour AlterNantes FM, et accessoirement vieux punk

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hervé Théry, Amazone. Un monde en partage, CNRS Editions, 2024.

En 2023, grâce au géographe Pascal Marchand, CNRS Editions nous proposait une remarquable histoire de la Volga au 20e siècle1. Il y a quelques mois, c’est un autre géographe, Hervé Théry, qui nous invitait à explorer le plus long fleuve du monde2 avec « Amazone. Un monde en partage ».

Illustration 1

L’Amazone impressionne par sa longueur, son débit, l’ampleur de son bassin, l’importance de ses affluents et de son réseau hydrographique, ses eaux profondes ou sa largeur qui parfois se compte en dizaine de kilomètres. Et on ne peut penser l’Amazone sans l’Amazonie, immense territoire, poumon vert d’une planète en sursis et terre des derniers hommes libres, où se croisent par centaines langues et groupes ethniques… au point qu’on en oublie qu’aujourd’hui, la route a remplacé le fleuve comme moyen de transport et que 80 % de la population amazonienne vit dans des villes, des métropoles qui ont accompagné le développement du territoire, autrement dit l’exploitation sans frein des ressources et la mise au travail autoritaire des Amérindiens et des pauvres, voire leur liquidation physique au nom de l’Ordre, du Progrès et de la production de caoutchouc3.

Hervé Théry nous fait donc descendre le fleuve. On y croise des Guaranis, des Achuar, des migrants du Nordeste, des Quilombolas (ces descendants d’esclaves noirs ayant fui leurs propriétaires), des caboclos, autrement dit des métis qui tous vivent de la pếche, de l’artisanat, de l’agriculture et aujourd’hui de l’écotourisme. Ils incarnent d’une certaine façon l’Amazonie d’antan, quand les villes étaient des villages et que les routes, jusqu’aux années 1960, étaient rares. La Transamazonienne et le réseau ferré ont complètement bouleversé le territoire, offrant une alternative au transport fluvial et ouvrant de vastes territoires à la colonisation, notamment agricole, les grands propriétaires terriens ayant besoin de terres pour faire paître le bétail et faire pousser du soja transgénique. Qui dit élevage extensif dit défrichements, déforestation et développement d’une industrie du bois. Et n’oublions pas la ruée vers l’Amazonie pour vider son sol de pétrole, de gaz et de fer, voire de son or, avec les conséquences sociales que l’on connaît : mépris des populations, du droit des populations indigènes, catastrophes environnementales4

« Peut-on aménager et protéger l’Amazon(i)e ? », tel est le titre du chapitre conclusif dans lequel l’auteur nous rappelle que l’Amazonie brésilienne a perdu près d’un million de km² de couverture forestière en un demi-siècle, et que la protection des espaces naturels est régulièrement remise en question par des politiciens et des businessmen. Hervé Théry plaide pour faire émerger des « modes de mise en valeur et de conservation qui concilient le bien-être de tous ceux qui y vivent et l’attention vigilante de ceux que l’Amazonie fascine (afin) que les générations futures puissent, elles aussi, en contempler la beauté. » Je doute que le « banditisme financier » (Eduardo Galeano), le capitalisme prédateur et le trumpisme culturel soient sur la même longueur d’ondes...

[Version audio disponible]

1 Pascal Marchand, Volga.L’héritage de la modernité, CNRS Editions, 2023.

2 Il approche les 7000 kms de long, tout comme le Nil.

3 Le Brésil n’a bien sûr pas le monopole de la violence sociale dès qu’il s’agit du latex. Pour s’en convaincre : Jean-Pierre Le Crom et Marc Boninchi (sldd), La Chicotte et le pécule. Les travailleurs à l’épreuve du droit colonial français (19e-20e siècles), PUR, 2021. ; Eric Panthou / Tran Tu Binh, Les plantations Michelin au Viêt Nam. Une histoire sociale / Phu-Rhiêng : récit d'une révolte, La Galipote, 2013

4 Doris Buu-Sao, Le capitalisme au village. Pétrole, Etat et luttes environnementales en Amazonie, CNRS Editions, 2023..

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.