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Historien (de formation), lecteur pathologique, militant (sans Dieu ni maître), chroniqueur pour AlterNantes FM, et accessoirement vieux punk

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Billet de blog 27 novembre 2024

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La haine des fonctionnaires

C’est ainsi : beaucoup continuent à associer le fonctionnaire au travail de bureau, travail qui s’accomplit au chaud, sans grand effort physique, avec une machine à café non loin et un paquet de trombones à torturer pour tromper l’ennui.

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Julie Gervais, Claire Lemercier, Willy Pelletier, La haine des fonctionnaires, Editions Amsterdam, 2024.

C’est ainsi : beaucoup continuent à associer le fonctionnaire au travail de bureau, travail qui s’accomplit au chaud, sans grand effort physique, avec une machine à café non loin et un paquet de trombones à torturer pour tromper l’ennui. Le fonctionnaire est donc un petit être gris, un gratte-papier à l’encéphalogramme quasi-plat qui travaille à son rythme en attendant la retraite. Avec leur livre « La haine des fonctionnaires », trois chercheurs s’attaquent aux idées reçues, aux stéréotypes, et à ceux qui, sur la scène politique, portent le discours anti-fonctionnaires ; sans épargner les classes populaires qui subissent de plein fouet la dégradation des services publics et s’en prennent elles-aussi aux fonctionnaires.

Illustration 1

Prenons un exemple. Quand le ministre de la fonction publique annonce qu’il veut aligner le délai de carence en cas d’arrêt maladie des fonctionnaires sur celui des salariés, nous pourrions saluer cette volonté égalitaire, complément indispensable de l’idéal méritocratique dont ils se font les inlassables promoteurs. Mais si les fonctionnaires sont un peu plus souvent en arrêt-maladie que les salariés, la faute en revient aux… aides-soignantes, aux infirmières et aux fonctionnaires de catégorie C qui ont des métiers physiques (éboueurs, agents d’entretien et de restauration collective…). Métiers physiques exercés parfois dans des environnements pathogènes comme les hôpitaux, et métiers en tension où être en sous-effectif est devenu la règle ; sans oublier que là on l’on voit un fonctionnaire, il n’y a qu’un contractuel qui trime sans bénéficier d’un statut protecteur.

« Le monde des fonctionnaires n’est groupe que sur le papier », nous disent les auteurs, car il a mille visages : il peut être enseignant, éboueur, ouvrier, cadre supérieur, manager, bardé de diplômes ou disposant de peu de capital culturel. Le « monde des fonctionnaires » n’est pas uni car c’est un monde profondément hiérarchisé. Le fonctionnaire n’est pas borné et psychorigide par nature, il est surveillé, encadré, caporalisé, soumis à des indicateurs de performance, et il doit, comme dans le privé, faire plus et mieux avec toujours moins de moyens. Et « comme tout le monde », il peste contre la dématérialisation qui rend les services publics encore plus inaccessibles, contre l’externalisation de certaines missions qui lui étaient jadis dévolues et contre l’incapacité de l’État à offrir des services publics de qualité à tous les citoyens.

Dans la haute fonction publique, il reste encore des fonctionnaires qui tentent de résister à « l’impératif managérial qui structure leurs missions et régit leurs carrières », qui refusent la doxa néolibérale avec ses cost-killers, ses cabinets de conseils, ses diplômés des business schools, thuriféraires du New Public management.

Depuis plusieurs décennies, les petits soldats du néolibéralisme dérégulateur ne s’emploient qu’à liquider ce qu’on appelle l’Etat-providence en réduisant le nombre de fonctionnaires, en transférant au secteur privé le maximum de missions (si possibles attractives), en transformant l’usager en client, tout cela pour faire du « bien commun » un business comme un autre. Dénigrer les fonctionnaires, s’en prendre à leur statut qui les protège du chômage, tout cela est indispensable si l’on veut réformer les services publics et alléger la pression fiscale. « Le massacre des services publics, la guerre à leurs agents, menée du dehors mais aussi du dedans, ne sont pas terminés » préviennent les auteurs. D’où la nécessité de travailler sans relâche à refaire du « bien commun » une cause commune.

[Version audio disponible]

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