Christophe Prevost

Ingénieur de recherche au CNRS

Abonné·e de Mediapart

71 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 janvier 2018

Christophe Prevost

Ingénieur de recherche au CNRS

Abonné·e de Mediapart

Le suicide et la sanction pénale

La remarquable enquête « Suicides en prison : l’hécatombe et le silence » de Michaël Hajdenberg et Donatien Huet est vraiment la bienvenue. Les prisons sont toujours des miroirs des sociétés qui les créent et les développent. Pouvons-nous conseiller, en complément de cette lecture, l’excellent livre de Didier Fassin : « L’ombre du monde ».

Christophe Prevost

Ingénieur de recherche au CNRS

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A qui s’adresse l’anthropologue Didier Fassin ? Il s’adresse urgemment à tout le monde. A l’ombre ou en pleine lumière, il est bien difficile de se faire une idée de l’univers carcéral. À l’intérieur, nous faisons le dos rond et regardons le plus souvent nos pieds ; à l’extérieur, nous nous disons qu’après tout ce n’est pas si mal et pour le reste nous imaginons. Le remarquable travail de Didier Fassin permet d’appréhender, dans leurs menus détails et sous bien des angles, les différents aspects de la prison. Il est resté plusieurs années à enquêter dans une maison d’arrêt et il a restitué pour nous ce qu’il a vu, entendu et compris. C’est le choc carcéral de l’entrée, la vacuité du temps passé, la force des choses : œilleton, tabac, portable …, la violence toujours recommencée, le malaise des surveillants, la pauvreté des moyens, la limitation des droits par les impératifs de l’ordre et la sécurité, la profusion des sanctions qui sont les objets des nombreux chapitres de ce livre.

Les cellules sont les lieux où majoritairement se produisent les suicides. Nous apprenons dans « L’ombre du monde », qu’en 1996, point haut des suicides, leur nombre était de 26 pour 10000. Aujourd’hui, ils sont en moyenne de 16 pour 10000. Alors qu’il y a eu doublement des détenus en 25 ans  (1970-1996), il y a eu quadruplement des suicides. Le nombre des suicides en prison en France est supérieur à la moyenne européenne et 7 fois supérieure à ceux qui se produisent à l’extérieur pour les 15-59 ans. Il faut noter qu’une partie importante des suicides en prison est rattachée à la sanction pénale plutôt qu’à l’expérience carcérale elle-même (ce qui contredit un peu l’article mais qui étend incontestablement le champ de la réflexion) : 7% des suicides ont lieu dans le quartier des arrivants, 25% dans les deux premiers mois. Il faut remarquer à ce propos qu’un tiers des détenu ont un antécédent psychiatrique et qu’une moitié est suivie. La prévention du risque de suicide (PRS), comme c’est souligné dans le papier, est cependant bien appliquée en prison car le dispositif – plus encore que le risque pour le détenu – prévient le risque administratif et judiciaire pour le personnel.  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.