Il nous coute d'y revenir car nous ignorons de notre côté le bénéfice qu'un lecteur normalement informé peut tirer des déclarations haineuses à la traine de cet excellent papier (« Les détenus, victimes invisibles de la grève des surveillants »), et c'est d'ailleurs le moindre de nos soucis. Passé un certain degré de bêtise, les gens cessent de nous intéresser. Ces intolérants propos ce peuvent être de simples exclamations : « Arrêtez, vous allez me faire pleurer» ; d’insincères postures victimaires : « Certains d'entre eux en ont-ils eu pour leur victimes de ces beaux sentiments [cœur, compassion et humanité] ; de relativistes et pour les moins surprenantes affirmations : « Ça ne m'a pas empêché de visiter régulièrement un ami meurtrier (crime passionnel) en prison et de l'apprécier toujours. Mais il y a prisonnier et prisonnier » ; de l’ironie légère comme un char d’assaut : « J'espère que le gouvernement va les faire rentrer vite fait [les surveillants] et ensuite il envisagera l'indemnisation de ces pauvres détenus qui souffrent le martyr. En effet, les prisonniers n'ont pas demandé à être là et la moindre des choses est de leur permettre de passer leur séjour dans le confort et la quiétude ». Nous en restons bras ballants et bouche ouverte. La haine des perdants , à plusieurs reprises dans les commentaires, prend également la forme d’une défense en règle du droit de grève des personnels pénitentiaires. Le journaliste et le représentant de l’OIP naturellement à aucun moment ne nient ce droit. Pouvons suggérer à nos moralistes aux petits pieds d’avoir plus d’une idée à la fois : considérer et les conditions dégradées de travail des surveillants et l’inaliénable humanité des détenus.
Pouvons-nous aussi rappeler ici que la menace d’incarcération s’est considérablement accrue ces vingt dernières années, que le nombre de personnes sous main de justice est de 250 000 et le nombre de détenus de plus de 65 000. Pouvons-nous rappeler que l’accroissement récent de la population carcérale est dû à l’alourdissement par la loi des sanctions et à la sévérité accrue des tribunaux sous pression du pouvoir exécutif, que le nombre des courtes peines a considérablement augmenté. La prison aujourd’hui s’est pour ces raisons ignominieusement dégradée. Dix jours de grève qui augmentent la souffrance déjà insupportable des prisonniers, sans considération humaine des personnes détenues et sans service minimum, sont en effet inacceptables et c’est tout à l’honneur de Michel Deléan de le souligner.