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Billet de blog 15 mars 2024

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Entretien avec Dane Komljen, réalisateur de The Garden Cadences

À la suite d'Afterwater présenté en 2022 à Cinéma du réel, Dane Komljen revient avec The Garden Cadences. Le film témoigne du dernier été des Mollies, un collectif queer-féministe, dans un squat à côté d’Ostkreuz, à Berlin, avant leur expulsion. Dane Komljen dépeint la fin d’une ère et dessine la construction d’un temps organique, où les vivants réinventent l’amour et la paresse.

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Illustration 1
© Flaneur Films

Comment avez-vous fait la rencontre de ce collectif queer-féministe, les Mollies ? 

J'ai lu un article dans un magazine publié à Berlin. Je connaissais certaines personnes  de ce groupe, rencontrées en boîte de nuit, mais je n'étais pas vraiment au courant de l'existence de ce collectif. J'ai frappé à leur porte en me présentant comme cinéaste et en leur faisant part de mon désir de faire quelque chose ensemble. Cela leur a pris du temps de se décider parce que tout le monde devait accepter le projet, mais une fois qu'ils et elles ont dit oui, c'était très simple. Je pense que cela a beaucoup marqué ce moment de ma vie, d'aller là-bas, d'être ensemble et de trouver le moyen de faire un film. C'est en faisant ce film que j'ai appris à les connaître. Lorsque j’avais lu cet article, je pense que l’impulsion était de comprendre quelles sont les différentes façons dont les gens vivent leurs relations, en tant que collectif, mais aussi interpersonnelles. Je pense que cette curiosité est en quelque sorte ce qui m'a conduit là. 

Comment s’est déroulé le tournage ? 

Tout le film a été tourné durant l'été et l'automne 2021, donc je pense qu'on avait aussi peu  de recul par rapport à la pandémie, et pour moi, le cinéma à ce moment-là me paraissait très  loin. Je pense qu'il était important pour moi, à ce moment-là, de trouver un moyen de faire un  film simplement avec ces gens, moi-même, une caméra et un micro, car j'avais l'impression que tout s'écroulait et que tout était loin. Je pense qu'à ce moment-là, j'étais vraiment coincé sur deux projets et il était important de ressentir à nouveau que le cinéma est quelque chose que je porte en moi. Je m’y suis donc rendu assez souvent en cherchant la plus petite excuse pour y être et bien qu'ils et elles eussent tous des projets respectifs, chaque personne m’accordait de son temps. J'ai été en quelque sorte autorisé à faire partie de cet espace.  

Quelle place occupent les poèmes du début et de la fin de votre film dans vos intentions ? 

Le premier poème du film est écrit par Halo, Halo est l'un des Mollies, c'est la personne qui  joue du banjo et qui compose sa propre musique. Le texte du poème est celui d'une chanson  qu'il a écrite en finnois, sa langue maternelle. À un moment donné, j'ai envisagé d'inclure  différentes voix de Mollies dans le film, mais j'ai fini par me contenter de ce texte. En montant  le film, je me suis rendu compte que j'avais besoin de m'inscrire d'une certaine manière dans le  film. Ainsi, j'ai écrit un texte à la fin, au moment du montage, alors que je traversais une période de troubles, et je voulais écrire à partir de ces troubles, de ce  désordre, d'une certaine manière. J’ai bien sûr écrit en pensant à ce film. Le film était en quelque sorte là, et je connaissais les images, je connaissais les sons, je connaissais les gens qui en feraient partie. Je pense qu'il s'agit en quelque sorte d'une réflexion sur ma propre vie, je tenais également à raconter mon histoire en même temps que la leur. Je pense que c'est peut-être ce que je trouvais très important de faire : ne pas me cacher.  

La nature semble constituer un personnage à part entière, quel rôle diriez-vous qu’elle occupe dans le dispositif du film ? 

Lorsque j’ai passé la porte des Mollies, j’ai constaté que certes neuf personnes avaient créé  cet espace, mais il y avait aussi le chien, le chat, des coccinelles, des escargots, des abeilles et aussi beaucoup de fleurs. D'une certaine manière, pour moi, ils faisaient aussi partie de ce collectif, de cet espace, de cette communauté où tout est entrelacé, je pense que c'est ce que je voulais également montrer. J'essayais peut-être d'offrir une image généreuse d'une communauté généreuse, de quelque chose qui était accueillant. Il y avait aussi beaucoup d'images de fleurs que j'essayais de filmer depuis longtemps et je n'étais pas sûr de ce qu'il fallait faire avec celles-ci, mais je crois qu’elles ont trouvé leur place dans ce film, d'une manière ou d'une autre. J'ai eu l'impression que ces  différentes formes de vie qui s'entremêlaient faisaient écho à ces images.  Peut-être que c'est une manière de se demander si nous pourrions vivre différemment et si nous pourrions aimer différemment. 

Quelle idée voulez-vous illustrer avec le titre du film ? 

Je pense que c'est venu de cette façon de filmer les fleurs et les plantes. La cadence constitue la fin d'une phrase musicale. Cela vient du latin, cadere, qui signifie tomber. Et pour moi, c'était l'idée d'une musique qui existe, d'une musique qui se termine, mais aussi d'une musique qui tombe sur quelque chose, sur le sol. Et cadere c’est aussi mourir : il s'agit de la fin des choses, de la fin d'un espace, de la fin d'un collectif, d'une communauté, et d’une certaine façon de vivre ensemble. Ce film rend compte de la fin d’une convivialité intime partagée par les Mollies.  

Propos recueillis par Lili-Charlotte Raud 

Projections à Cinéma du réel
Vendredi 22 mars 21h Centre Pompidou Cinéma 1
Lundi 25 mars 14h MK2 Beaubourg

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